A ses cotés.

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Hey, moi c'est Lucas. Je suis un adolescent de quinze ans qui, comme beaucoup de personnes de cet âge, fait son entrée au lycée. J'attendais ce moment avec une grande impatience ! J'avais hâte de quitter l'immaturité qui peuplait les bancs du collège que je fréquentais. Les collégiens s'en prenaient toujours à mon ami, ce jeune assis à coté de moi. Comme vous pouvez le voir, nous nous ressemblons beaucoup ; nous faisons la même taille et nous nous habillons de la même façon, mais ce n'est pas tout ! Nous portons aussi le même prénom ainsi que le même nom de famille. Nous sommes aussi nés le même jour, exactement en même temps. On dit souvent que nous nous ressemblons comme deux gouttes d'eau. Nous nous connaissons depuis toujours, et encore aujourd'hui, l'un n'est jamais sans l'autre, toujours sur la même longueur d'onde. Nous sommes inséparables ! On pourrait facilement nous confondre avec des jumeaux, mais ce n'est pas le cas... C'est mon meilleur ami. Je ne pourrais pas vivre normalement ma vie s'il n'était pas là.

Pour vous parler un peu de lui, il est d'un naturel gentil. Toujours présent pour aider les autres, toujours peur de blesser quelqu'un... Si bien qu'il ne sait pas dire « non ». Il est souvent trop gentil. Lucas a toujours eu la joie de vivre ! Cependant, ces derniers temps, il ne parle plus beaucoup... Il ne m'a jamais parler, mais il adorait et passait son temps à discuter et s'amuser avec les autres. Je le sais bien, j'étais toujours présent. Ces jours-ci, il ne sort même plus, ne dit plus rien... Je reste à ses cotés, malgré ma folle envie de parcourir le monde sous la lumière du jour. Mais je ne vais pas le laisser seul, et même s'il ne me parle pas, rester avec lui est suffisant. Il est comme ça depuis que tout les lycéens de seconde viennent le charrier, rire de lui. Sur le coup, il semble le prendre amicalement, et rit avec eux... Je ne comprends pas sa réaction, mais je fais comme lui, et ris avec lui.

Il y a deux ou trois jours seulement, Lucas s'est aussi mit à fumer. Je ne voulais pas m'y mettre à mon tour, mais j'ai quand même pris une clope, avec lui. Je le fais toujours d'ailleurs. C'est horrible, j'ai l'impression de m'asphyxier à chaque fois ! Je crois que je ne m'y ferai jamais... Heureusement pour lui, j'ai remarqué que mon meilleur ami s'est habitué. Vous allez sûrement vous demander pourquoi je n'arrête pas, mais... C'est bête à dire, mais quand Lucas prends une cigarette, je me sens obligé d'en prendre une aussi. De la même manière, je le suis partout où il va, même s'il ne fait jamais attention à moi. Nous marchons souvent ensemble, seuls, fixant le sol. Parfois, j'essaye d'attirer son attention en m'avance devant lui, reculant à chacun de ses pas en avant, mais il m'ignore à chaque fois... Ce n'est pas grave, je sais qu'il n'est pas dans son assiette en ce moment, mais je persiste. Souvent, j'essaye de le faire réagir avec nos souvenirs d'enfance, quand je m'amusais à m'étendre sous les lampadaires, en faisant le pantin avec lui ! Nous le faisions souvent, ce qui d'ailleurs, faisait beaucoup rire nos mamans. Lui, n'y réagit plus... Mais je me dis que c'est sûrement parce que nous avons grandit, rien de plus.

Je dis ça, mais il m'arrive de me sentir vraiment inutile... Lorsque qu'il est pris de tristesse, je n'arrive jamais à lui remonter le moral. J'ai beau essayé, j'ai beau lui montrer que non, il n'est pas « trop petit », « trop grand », « trop maigre », et que toutes les autres remarques qu'on lui fait en cours sont toutes aussi fausses ! Mais comme à son habitude, Lucas ne me prête aucune attention, et m'ignore totalement. Il préfère croire l'autre gars, dans son miroir... Le problème, c'est qu'il interprète toujours mal ce que ce type lui montre. Tout ça fait que je le rejoins dans la tristesse, à chaque fois... J'en ai assez de son ignorance, assez de son manque d'écoute, assez qu'il soit autant borné et fixé sur les moqueries des autres! J'en ai marre de me sentir obligé de faire comme lui, de reproduire tout ces moindres faits et gestes même si j'en ai pas envie !

J'aimerai tellement lui ressembler... Réellement. Je vis avec cette impression de n'être qu'un fantôme, d'être transparent, inexistant. On ne tourne jamais le regard vers moi, jamais on ne m'adresse la parole. Parfois, j'aimerai tant m'en aller, et pour une fois, mener la danse. Pourtant, je sais que jamais je ne le ferai. Quel genre d'ami serai-je, en abandonnant mon meilleur ami ? L'amitié se doit d'être fidèle. Je serai toujours aux cotés de mon homonyme, même avec mon sentiment d'impuissance et d'invisibilité.

Tout à l'heure, un groupe de jeunes qui étaient avec nous au collège nous ont retrouvés dans les couloirs du lycée. Ces imbéciles ont fait tourner de fausses rumeurs sur Lucas, ce qui nous a ramener la situation des années scolaires précédentes. Nous voilà de nouveau seuls, totalement. Il se sent perdu entre solitude et profonde tristesse... Si bien qu'il en est venu au pire, du moins je le voyais comme tel ; il a commencé à se marquer avec de petits coups de lames de rasoirs. Pour lui montrer que ce qu'il faisait était absurde, et ne réglerai absolument rien, je m'y suis mis aussi. Encore une fois, mon initiative à échouer, il ne m'a pas remarqué.

Finalement, il est sorti marcher, et je l'ai suivis. Nous avons fini par arriver à une sorte de falaise, pas très loin de chez nous. A cet ainsi, j'ai compris que ce je pensais être le pire à faire sur sois-même sous l'effet d'un désespoir, n'était en réalité pas du tout le pire. J'ai compris son intentions en un instant. Je l'ai supplié de reculer, de ne pas faire cette connerie qu'il avait en tête. Je ne voulais pas qu'il se fasse du mal, je ne voulais pas qu'il abandonne. Je ne voulais pas non plus voir nos familles dévastées. Malgré tout mes efforts, il est venu au bout de son idée, et a sauté... Une fraction de seconde après lui, j'en ai fait de même, je l'ai suivit. Au fond de moi, j'espérais qu'il me remarquerait enfin, qu'il comprendrait que ce n'était absolument pas la solution ! Cependant, c'était trop tard... Malheureusement, mon ami n'a pas survécu à sa chute... J'ai vraiment essayé de sauter avant lui pour lui montrer l'absurdité de son idée ! Moi, je m'en serai sortie indemne, sans la moindre égratignure ! Mais c'était comme si quelque chose de vraiment fort me retenait derrière lui, m'empêchait de changer de place... Je n'ai donc rien pu faire d'autre que de le suivre...

Je voulais tant vivre, et ne pas finir aussi tôt dans une boite. Je voulais continuer de m'étendre sous la lumière. Je voulais m'endormir dès que l'obscurité dévorait toute la lumière, pour me réveiller exactement en même temps que cette dernière dévorait à son tour l'obscurité. Je voulais encore grimper partout où je le pouvais. Je voulais encore regarder le monde de couleur, avec mes yeux gris, et poursuivre ma vie dans mon monde gris. Je souhaitais tant voir et vivre de nouvelles choses !


Vous allez sûrement me poser cette question : « Pourquoi l'avoir suivis alors ? » Eh bien, pour vous répondre, je l'ai suivis tout simplement parce que je suis son ombre.

Nuits pensivesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant