Chapitre 8 : Spectre

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Le cœur d'Aurore manqua un battement. Elle se figea sur place, partagée entre plusieurs réactions qui lui parurent toutes inappropriées. Fuir à toutes jambes et retourner voir Blanche ? Faire comme si de rien n'était ? Exiger des explications sur-le-champ ?

Une foule d'idées se bousculaient dans sa tête, jusqu'à ce que sa professeur intervint :

"Eh bien, rentre, on venait de commencer."

Prenant conscience qu'elle était restée bloquée sur place comme une statue depuis les dix dernières secondes, les normes sociales d'Aurore reprirent le dessus, et elle s'exécuta, incapable de détacher son regard de la lueur de braise qui entourait Mickaël.

"Aujourd'hui, nous allons nous attaquer au spectre lumineux." déclara l'enseignante, balayant sa classe du regard. "Rien à voir avec un quelconque fantôme."

La remarque déclencha quelques rires, tandis qu'Aurore se crispait. Le Destin se jouait très sûrement d'elle. Elle s'assit à côté de Mickaël, tendue, et attendit que quelque chose se passe. Elle ne savait tout simplement pas quoi lui dire.

"Tout va bien ?", chuchota t-il, "Tu es toute pâle, on dirait que tu as vu un fantôme."

"J'aurais préféré.", lâcha t-elle d'un ton lapidaire, encore distraite par les effluves rougeâtres qui entouraient le corps de son ami. Il se comportait comme d'habitude, ce qui signifiait...que son aura ne datait sûrement pas d'hier. Aurore décida de tirer le maximum d'informations possibles de lui avant qu'il ne se rende compte qu'elle était Éveillée : elle devait d'abord savoir si lui l'était aussi.

Le cours résonnait dans sa tête comme un fond sonore tandis qu'elle réfléchissait le plus vite possible à sa tactique d'interrogation.

"La lumière est une onde : j'espère que vous n'avez pas oublié tout ce qu'on a vu sur les ondes car c'est primordial pour comprendre la suite."

"Venant de toi, c'est étonnant.", remarqua t-il, toujours à voix basse. "Tu ne veux toujours rien me dire ?"

"Peut-être que si. Mais j'ai peur de ta réaction." insinua t-elle alors en réponse.

"La caractéristique la plus intéressante de cette onde, c'est la longueur d'onde, justement. C'est comme ça qu'on définit des couleurs."

"Peur ? Pourquoi aurais-tu peur de moi ? Tu n'as aucune raison d'avoir peur !" assura t-il, étonné.

Il semblait sincère. Peut-être qu'il bluffait, mais Aurore voyait dans son ton qu'il ne lui voulait aucun mal. Devait-elle lui faire confiance ?

"Je vois des choses...", avança t-elle vaguement.

Ses yeux s'allumèrent.

"Des choses ? Quoi, comme chose ?", la pressa t-il, impatient.

Il savait ! Il savait qu'elle ne délirait pas. Cette réaction signifiait très probablement qu'il était Éveillé.

"Le domaine du visible s'étend de quatre cent à sept cent nanomètres de longueur d'onde. Ce n'est bien sûr qu'une infime partie du spectre de fréquence possible, mais c'est ici qu'on trouve toutes les couleurs que l'œil humain peut capter."

"Je vois des couleurs...Je vois ta couleur", chuchota Aurore d'une petite voix.

Mickaël parut alors soulagé, mais soudain inquiet. Il lança un regard circulaire pour vérifier que personne d'autre ne les écoutait, puis dit :

"Je vois la tienne, aussi. Il faut absolument qu'on parle de ça ensemble, seuls."

"Je suis d'accord." fit-elle avec un hochement de tête rapide. "Sauf que..."

"Plus la longueur d'onde du rayonnement en question est courte, plus le rayonnement est énergétique. C'est ainsi que certains ultra-violets peuvent être dangereux pour la santé."

"Sauf que quoi ?"

"Sauf que j'ai rencontré des gens.", hésita Aurore, "Et ils m'ont dit des choses sur ces Auras...Ils m'ont dit que les rouges étaient dangereuses."

Mickaël pesta entre ses dents, puis secoua la tête comme pour s'ébrouer.

"C'est pas vrai...", se lamenta t-il.

"Qu'est-ce qu'il y a ?", voulut savoir Aurore.

"Tu as rencontré les pires personnes possibles pour ton premier contact. Ils nous traquent comme des chiens...Ils veulent étouffer la Résistance.", expliqua t-il en un souffle.

"La plus large longueur d'onde visible correspond au rouge. Viennent ensuite le orange, le jaune, le vert, le bleu et le violet."

Comme un passage...Comme un intermédiaire, un pont entre les Rouges et les Verts, Aurore était prise entre deux feux.

Elle siffla, s'interdisant d'avoir une telle pensée, qui n'avait rien de logique.

"Il faut qu'on parle de ça, en effet. Pour l'instant, les seuls qui ont montré une intention de me faire du mal, ce sont les Rouges, tu sais.", révéla t-elle.

"Merde.", lâcha Mickaël, cassant son stylo d'un coup sec dans sa main.

Aurore se retourna vivement, inquiète, et lui lança un regard interrogateur.

"Ils m'avaient promis...Ils m'avaient promis qu'ils ne s'en prendraient pas à toi." bégaya t-il.

"Madame ? Où sont le noir et le blanc, ici ?"

"Ce ne sont pas à proprement parler des couleurs. Le blanc est la réunion de tout le spectre visible, tandis que le noir est l'absence de lumière."

Blanche était-elle habitée de toutes les Auras en même temps ? Bah, il fallait vraiment qu'elle arrête d'écouter ce cours, elle savait déjà tout, de toute façon.

"Laisse moi leur parler. J'ai fait tout ce qu'ils m'ont demandé jusqu'ici, ils m'écouteront.", demanda Mickaël.

"Ils t'ont demandé de faire des choses pour eux ?", s'inquiéta alors Aurore. Ces gens s'introduisaient beaucoup trop dans sa vie à son goût.

"Ils m'ont donné leur Aura, oui, et ils m'ont demandé de la répandre autour de moi en me concentrant sur les gens qui ne l'avaient pas encore.", avoua Mickaël.

Alors, quand Aurore l'avait surpris à ce qu'elle avait pensé être du rinçage d'œil sur d'autres filles... Il était en mission depuis si longtemps ?

"Combien de temps ? Combien de temps ça fait ?"

"Il faut savoir que la lumière, ne reste que de l'énergie à l'état pur."

Aurore avait l'impression d'entendre Blanche à nouveau.

"Ça doit faire...Six mois, à peu près ?", évalua Mickaël.

"Mais...On venait de se mettre ensemble !", se rappela Aurore, interdite.

"Oh...S'il te plaît, ne te fâche pas...", supplia son ami.

Cela voulait dire que...

"Mais Madame, on n'avait pas dit que la lumière était composé de particules, de photons ? Je comprends pas comment un truc pareil peut avoir une longueur d'onde, en fait."

"Ha, ça...Vous verrez ça plus tard."

Dualité. Les Auras avaient deux significations, sans doute. Il y avait plus important à penser, maintenant. Et puis, ce raisonnement ne faisait aucun sens, pourquoi son esprit était-il ainsi parasité ?

Mickaël s'était rapproché d'elle sur ordre des Rouges, rien de plus.

Ça, c'était important.

AuraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant