Aurore et sa mère restèrent toutes deux sous le choc quelques instants, tandis que l'écran restait désespérément composé de neige numérique, le son grésillant signifiant que les journalistes avaient été tout aussi pris de court qu'elles.
Alice restait figée, sa main devant sa bouche, ne sachant que dire. Aurore n'aurait su dire ce qui était pire : ses entrailles nouées douloureusement comme si quelqu'un avait décidé d'en faire un sac de nœuds ; ou l'impression que son cerveau baignait dans une mélasse poisseuse qui rendait toute pensée cohérente impossible.
Ils étaient passés à l'attaque.
Ce simple fait la glaçait jusqu'au plus profond de son être : ainsi, c'est donc cela qu'avaient dû ressentir ceux qui étaient envoyés au front pendant la guerre ? La certitude solide que son monde allait prendre fin dans les heures qui suivaient rendait Aurore malade.
Et pourtant elle devait faire quelque chose. Elle devait aller trouver Blanche. Elle, saurait quoi faire. Ou au moins, aurait la volonté d'agir. Mais pour le moment l'adolescente n'était pas plus capable de bouger que si ses jambes avaient été coulées dans du béton.
Le grésillement de la télévision s'interrompit, laissant à nouveau place à un présentateur en nage, visiblement débordé par les événements.
"Les dernières informations suite à l'attaque terroriste qu'à subi Paris place de la Défense.", déclama t-il précipitamment, "Un couvre-feu a été déclaré par le gouvernement sur toute la ville, le mot d'ordre est de rester chez soi, afin de faciliter le travail des forces de l'ordre qui sont actuellement mobilisées à leur plein potentiel."
Un couvre-feu ? Étant donné la manière catastrophique dont leur premier contact s'était déroulé, Aurore doutait que cette décision soit judicieuse. A leur décharge, elle devait reconnaître qu'ils ne devaient pas s'attendre à voir débarquer des gens porteurs d'aura vertes maîtriser la situation à leur place, pour une bonne raison.
"Alors que, semble t-il, un mouvement de foule s'est créé non loin de la place de la Défense", reprit le présentateur, "Un groupe de civils semble se diriger vers le lieu de l'affrontement. En réponse, sans doute, aux nombreuses réactions sur les réseaux sociaux appelant à satisfaire à la demande des terroristes. Je rappelle que pour l'instant, le gouvernement impose un couvre-feu et personne n'est autorisé à sortir de chez soi, ce mouvement est donc condamné par le gouvernement et les forces de l'ordre s'assureront sans doute de le maîtriser, en attendant..."
Aurore écarquilla les yeux sous l'effet de la surprise. Le journal télévisé montrait les images aériennes d'une colonne de gens sortant de chez eux, se rejoignant pour former une véritable marée humaine en direction de la place de la Défense.
Ils voulaient accepter. Ils voulaient devenir Rouges pour calmer les actes de violence et de destruction. Comment se faisait-il qu'une telle réaction ait eu lieu spontanément, si vite ? Bien sûr, les réseaux sociaux fonctionnaient à toute vitesse à notre époque, mais...
Plissant les yeux, elle comprit. Des petites tâches rouges apparaissaient au fil de l'afflux monstrueux de personnes.
Cela faisait partie du plan. Une attaque spectaculaire pour faire peur aux gens et capter leur attention, suivi d'un appel au calme et à la négociation sur internet, là où tout le monde se ruait pour s'informer. Et parmi eux, des Rouges infiltrés qui organisaient cette marche vers le recrutement.
Ils se constituaient une armée. La situation était bien pire que ce qu'Aurore avait pu imaginer. Dans quelques heures, tous ces gens seraient devenus Rouges et leur nombre sera complétement hors de contrôle. Leurs auras se répandront à travers la ville comme une épidémie.
Ce fut le coup de fouet nécessaire pour qu'Aurore se décide à agir. S'ébrouant mentalement, elle se mit à courir vers la porte d'entrée de chez elle. Immédiatement, sa mère l'appela :
"Aurore mais qu'est-ce que tu fais ?", s'écria t-elle, sa voix partant dans les aigus.
"Il faut que j'y aille.", avança Aurore, sans avoir la moindre idée de ce qu'elle pourrait avancer comme raison cette fois-ci. Sûrement pas la vérité.
"Mais...Tu as entendu, il y a un couvre-feu, c'est dangereux dehors !", protesta Alice comme si sa fille était devenue folle.
"Il y a...heu...une amie près de la place, il faut que je m'assure qu'elle aille bien.", hésita Aurore.
"Il y a les téléphones pour ça, ma chérie.", argua sa mère d'une voix douce.
Aurore se mordit la lèvre, frustrée. Elle était coincée. Une idée, il lui fallait une idée...
"Je dois y aller.", répéta t-elle simplement, baissant la tête. "Parce qu'il n'y a que moi qui pourra arranger tout ça." souffla t-elle doucement.
Sa mère la considéra avec tristesse un instant, puis reprit calmement :
"Aurore...Je comprends comment tu te sens, mais..."
"Non tu ne comprends pas ! Tu ne comprends pas du tout !", explosa Aurore, à la fois sincère et ravie d'avoir une telle ouverture.
Elle sortit précipitamment en claquant la porte derrière elle, espérant que son petit numéro fonctionnerait.
La rue était noire de monde. Devant chez elle, Lydia et Rob l'attendaient, visiblement rongés d'inquiétude. Elle les avisa d'un signe de tête et s'approcha d'eux, soulagée.
"Emmenez-moi, s'il vous plaît. Il faut qu'on arrête ça.", leur demanda t-elle dès qu'ils furent à portée de voix.
"Nous sommes d'accord.", admit Rob, portant un coup d'œil surpris derrière l'adolescente.
"Aurore !" appela sa mère en arrière, "Qui sont ces gens ?"
Aurore fit immédiatement volte-face, rongée par le remord et l'inquiétude. Elle avait failli partir faire la chose la plus dangereuse de sa vie sans lui dire au revoir.
Elle souffla profondément pour se calmer, puis déclama :
"Écoute maman, ces gens...Ce sont des gens capables d'arranger la situation. Je ne t'ai pas tout dit ces jours-ci. Je...J'étais au courant que quelque chose comme ça arriverait. Mais on va tout arranger, c'est promis. Il faut que j'y aille."
Elle avait l'impression de déposer un énorme fardeau à ses pieds, de se libérer progressivement en avouant.
"Aurore...Il faut que tu ailles, ou ça ? Dis-moi où tu vas aller."
Le regard d'Alice furetait de Lydia et Rob à sa fille, confus.
"Ceux qui ont font tomber l'Arche, maman...On va les arrêter.", avoua t-elle.
"Non..." souffla Alice, incapable de supporter l'information. "Non, tu restes ici, c'est de la folie !"
"Maintenant.", fit Aurore, donnant la main à Lydia derrière elle.
Le visage d'Alice s'effaçait progressivement, ses boucles blondes fondant dans le flou du changement de décor, tandis que le sol glissait sous leurs pieds comme s'ils étaient sur un train en mouvement. Ils étaient passés de l'Autre Côté.
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Aura
FantasyElle vous est très certainement invisible, mais comme tout le monde, vous possédez une aura. Vous n'en n'avez pas conscience, mais certains voient briller sa couleur aussi clairement qu'un phare dans la nuit. Vous ne le savez surement pas, mais la c...