Aura

Chapitre 6 : Le Passage

Aurore accueillit l'explication avec un calme inhabituel. Tout ceci prenait sens, suivait une logique : une logique folle, mais cet enchaînement implacable d'idées avait au moins le mérite d'être cohérent.

C'était l'explication du fait qu'elle était aveugle aux auras, l'explication du fait que le lien entre les deux mondes était si récent, l'explication aussi de l'agressivité déplacée de Rob à son égard.

Il semblait avoir si peur de ces gens...

"Ceux aux auras rouges.", fit Aurore comme en écho à ses pensées, "Ils sont si dangereux que ça ?"

"J'ai eu une autre vision.", révéla Blanche, "Les gens d'ici la connaissent bien. Dans cette vision les auras négatives remportent une bataille, et font disparaître la réalité dans laquelle nous vivons."

La jeune fille déglutit, et pensa : "C'est un peu gros, mais..."

"C'est pour ça qu'il faut que tu nous aides à les arrêter. Use de ton aura pour nous, et ils ne pourront pas nous faire de mal, à nous ou aux gens de ton monde."

C'est alors que Claire intervint, tandis que quelques clameurs d'approbation s'élevaient dans les gradins.

"Blanche !", s'écria t-elle, "Tu ne devrais pas l'influencer de cette façon. Laisse-moi lui révéler plus de choses sur son aura, laisse-moi lui parler encore, elle sera libre de prendre sa décision ensuite...Nous n'avons aucun droit à l'entraîner dans une guerre qu'elle n'..."

"C'est son destin !", répliqua Blanche en la coupant d'un ton sec, "Et si nous n'arrêtons pas le développement des auras négatives, nous ne serons bientôt plus de ce monde !"

"S'il...S'il vous plaît !", tenta d'intervenir Aurore. "Je veux bien vous aider, il n'y a pas de souci, mais...Je ne sais pas comment fonctionne mon aura, je ne peux même pas la voir !"

Blanche sourit, et tous les autres autour d'elle se regardèrent, se chuchotant des bribes de phrases inaudibles les uns aux autres.

"En fait", commença t-elle, "ton aura a déjà fonctionné. Tu ne l'as peut être pas vu, mais après ton contact avec Claire, son aura s'est chargée d'une façon très impressionnante et a gagné très vite en taille et en luminosité."

Les souvenirs remontèrent péniblement à la surface : ce qu'elle avait vu ce jour-ci était impossible à croire...Mais que fallait-il croire quand ces folies composaient à présent pleinement sa réalité ? Une réalité tangible, si concrète qu'elle avait vu de ses yeux, elle avait vu...

"Les flashs de lumière ? Je me souviens d'un flash bleu et or, juste avant que je perde connaissance."

"Oui ! Oui !", triompha Blanche, "Tu as vu les auras, l'espace d'un instant, et ensuite..."

"Mon esprit s'est refermé.", compléta Aurore, tandis que Blanche hochait la tête, confirmant cette analyse. "Je ne voulais pas croire, je ne voulais pas voir ce que je voyais. Alors que..."

Avec un hoquet de surprise, la jeune fille constatait qu'une imperceptible lumière émanait de tous ceux qui l'entouraient.

"Alors que j'étais dans l'erreur.", confirma t-elle, plus sûre d'elle au fur et à mesure que les auras lumineuses lui apparaissaient enfin.

Elle laissa échapper un rire nerveux, laissa éclater son émerveillement face à ce magnifique phénomène :

"Les auras sont réelles !", s'écria t-elle alors, soudain surprise de sa propre lumière luisante d'un doré plus doux et ambré que celui auquel elle s'attendait. Elle lança alors un sourire désolé à Rob, enveloppé à présent d'une splendide lumière émeraude, auquel il répondit d'un haussement d'épaules qui semblait dire : "Tu es pardonnée, va."

"Tu nous vois maintenant de la même façon que nous te voyons.", déclara Blanche. "Ton aura a déjà fonctionné. Tous les gens présents dans la salle lors de ton Eveil ont vu leurs auras augmenter, devenir plus puissantes. Je ne sais pas ce qu'il y a de l'Autre Coté, mais quelque chose t'autorise à agir sur les auras."

Aurore acquiesça alors : "Je peux vous être utile. Je vous crois, et je vous aiderais. Mais là, j'ai vraiment besoin de repos !".

A ces mots, Aurore remarqua une lourde porte en bois massif fichée dans le mur de pierre à sa droite. Elle était certaine qu'elle n'existait pas il y a quelque secondes, et n'était sûrement pas étrangère à son apparition. Mais cette idée ne la gênait même plus.

"Prends tout le repos qu'il te faut.", dit alors Blanche. "On te recontactera quand tu seras prête."

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Elle était rentrée, comme si rien ne s'était passé en son absence, avait salué sa mère comme à son habitude, et s'était couchée comme tous les soirs. Mais ce soir-là, une foule de pensées nouvelles assaillaient son crâne. Et son sommeil en fut très agité, une suite de rêves frénétiques s'enchaîna, jusqu'à celui-ci.

Aurore était dans une sorte de grotte sombre et humide, si large qu'elle n'en voyait pas le plafond. Ses chevilles baignaient dans une eau sale et boueuse, et l'impression désagréable qu'elle en ressentait lui paraissait tellement réelle qu'elle aurait dû la réveiller.

Cette simple pensée la choqua d'un coup : ce rêve là était lucide, différent. Elle avait conscience d'elle, toute entière, dans cet environnement si sombre et si inquiétant.

La peur commença à s'emparer d'elle, et elle se mit à espérer un peu de lumière, d'où qu'elle vienne. La lumière vint d'elle même. Son aura se mit à éclairer la grotte, dévoilant son gigantisme : la jeune fille pouvait voir sur une centaine de mètres, et n'apercevant pourtant aucune paroi.

L'eau ondulait bizarrement à certains endroits, comme si elle était habitée. Un sinueux courant s'installa, s'intensifia, et un son sinistre en sortit.

Un terrible prédateur était caché là, elle le savait.

"Ny'lytah revok Kaïss"

L'estomac de la jeune fille se noua de terreur. Elle ne put que bégayer :

"Qui...Qui est là ?"

Seul le silence lui répondit, et Aurore se concentra sur son aura, s'abandonnant à sa lumière chaude et rassurante.

"Alors c'est ça la façon dont tu me vois..." fit une voix cliquetante, inhumaine, désarticulée.

L'effroi d'Aurore prit une nouvelle dimension. Elle cherchait à présent à échapper à tout prix à ce cauchemar, mais elle semblait prisonnière de son propre esprit.

La lumière qui émanait d'elle faiblit soudain, cependant sa visibilité n'était plus réduite, et, en levant les yeux, elle put apercevoir une masse informe descendre du plafond de la grotte. L'horreur se saisit d'elle : elle put entrevoir un instant la chose qui lui parlait.

Elle hurla, hurla à s'en briser la voix devant le plus cauchemardesque des monstres qu'il lui était donné d'imaginer. Sa mère tambourina à sa porte :

"Aurore !? Tout va bien ?"

Il lui fallut un instant pour se rendre compte qu'elle était bien de retour dans sa chambre pour répondre d'une voix fébrile :

"Ça va ! Juste un cauchemar !"

Mais elle ne put ensuite dormir de toute la nuit, les yeux écarquillés, hantée par la peur de se replonger dans le sommeil et de vivre à nouveau cet enfer.