L'Héritier

L'Héritier - Chapitre 4

Je me réveille en sentant la caresse du soleil sur mon visage. Et aussi parce que quelqu'un est collé à moi et me ronfle dans l'oreille. S'en est trop! Déjà que je n'ai pas arrêté de me réveiller tout au long de la nuit par sa faute! Entre baffes, coup de pieds et vol de couverture, je n'ai fait que de subir de viles attaques. Sans parler de son problème de somniloquie! Décidément, partager un lit est une bien mauvaise idée. Résultat: je suis mort de fatigue. Je cligne des yeux plusieurs fois de suite, histoire de rétablir ma vision et d'émerger complètement. Je me libère avec une grimace de l'étreinte d'Arthur qui avait passé son bras par-dessus mon flanc. Je n'aime pas vraiment le contact avec les autres, je n'y suis absolument pas habitué.

Ce matin, nous avons rendez-vous pour prendre le petit déjeuner. En principe il se prend en chambre, mais le roi veut nous faire ses recommandations et nous devons donc le rejoindre. Il faut que nous nous dépêchions si nous ne voulons pas le faire attendre. Surtout que si j'ai bien compris, la journée va être chargée... Pour mon plus grand malheur. Je secoue vivement la chose qui me sert de fiancé, mais celui-ci ne daigne pas ouvrir les yeux.

« Arthur, bouge-toi on va être en retard!

- ...

- Arthur! Nous n'avons pas que ça à faire!

- Mais ferme-là un peu, j'veux dormir... », râle-t-il d'une voix ensommeillé.

Hébété, je le regarde s'enrouler à nouveau dans les couvertures, en me tournant le dos. Un vrai gamin.

« Bon tant pis! Ne me dis pas que je ne t'avais pas prévenu. »

Je saute hors de lit pour me préparer. Normalement, c'est la tâche des servants, mais je déteste dépendre de quelqu'un, surtout pour m'habiller. Donc je profite qu'ils ne soient pas là pour le faire seul. J'ouvre l'armoire. Il y a trois tenues préparées. Celle que je portais hier, une autre plus princière, et une dernière qui ressemble à celle d'un roturier. Je suppose que c'est celle-là que je dois mettre vu que nous allons aller au village. Une fois vêtu je me retourne et croise le regard pénétrant d'Arthur, assis sur le lit, arborant un léger sourire.

« J'allais me plaindre du brusque réveil, commence-t-il. Mais finalement j'aime bien. »

Il ponctue sa phrase en me détaillant de haut en bas. Je rougis en serrant les poings. Ce qu'il peut m'horripiler... Est-ce que c'est vraiment un fagot?

« Tu es réveillé toi maintenant? lui lancé-je.

- Tu faisais trop de bruit.

- Bien sûr. Tu es prêt au moins?

- Oui, je me suis pas changé hier. Je prévoyais pas de passer la nuit ici en fait.

- D'accord... Bon on y va ?

 Je te suis. »

On part donc en direction de la salle à manger du château. Je marche d'un pas rapide, ce qui ne plaît pas à Arthur. Il se plaint de ne pas pouvoir se repérer et observer les alentours. Oui, mais s'il s'arrête à chaque vieux tableau, chaque tapisserie et chaque fenêtre, on est encore là demain! En plus, je ne vois pas ce qu'il y a d'intéressant. À part deux trois portraits flippants d'anciens rois, des tapisseries aux couleurs estompées et des tapis miteux... Enfin oui, peut-être le paysage. La baie vitrée donne sur les jardins royaux et la ville au loin. C'est une vue plutôt attrayante compte tenu du fait que le château se trouve sur une haute colline. Il fut un temps où ce palais débordait d'allégresse et de richesse. Notre fief était le plus puissant et le plus respecté. Il paraît même qu'on venait des quatre coins du Royaume pour en admirer la beauté. Il faut croire que c'est une époque révolue. Si auparavant les couloirs du châteaux grouillaient de vie, ils sont maintenant austères et vides. Depuis quelques années, les épidémies et la famine mettent à mal notre domaine, forçant ses habitants à déserter pour essayer de trouver mieux ailleurs. Malheureusement, il est devenu tellement dangereux de voyager qu'on est pas sûr d'atteindre la terre promise vivant. Beaucoup de raisons à cela, les bandits, les esprits du mal de plus en plus nombreux, les guerres qui font rage un peu partout... Le monde n'est plus un endroit sûr. Vous comprenez un peu mieux la raison de mes craintes.