L'Héritier - Chapitre 6

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« Alors, hum, où va-t-on comme ça? 

- Mais tu verras j'te dis!

- ... »

Nous avons traversé la ville en rasant les murs pour ne pas se faire remarquer. Nous sommes maintenant sorti de l'enceinte du village, marchant sur des petites routes de campagne. Il doit être aux alentours de midi et le soleil tape fort sur nos têtes. Je me déleste de ma cape pour ne pas succomber à l'étouffante chaleur. Arthur, de son côté, à l'air d'être habitué. Nous longeons en silence les champs qui s'étendent à perte de vue, passant devant quelques fermes et maisons aux toits de chaume disséminées çà et là. Dans le lointain, nous apercevons parfois des paysans qui récoltent du blé et du foin avec leur faux, en s'essuyant le front pour chasser les gouttes de sueur résultant de leur dur labeur.

Droit devant nous, je discerne l'orée d'une forêt verdoyante. C'est sûrement vers celle-ci que nous nous dirigeons d'ailleurs. Pour moi qui n'ai jamais franchi les limites du village, cette vision m'impressionne quelque peu. Je redécouvre mon propre Royaume.

« Hey Trist' ? demande soudainement Arthur.

- Oui ?

- J'connais rien de toi, déclare-t-il simplement en se tournant vers moi.

- Moi ? Il n'y a pas grand chose à dire en fait...

- Attends, attends, t'es l'Héritier envié de tous qui vit au palais royal, et tu vas me faire croire que tu n'as rien à me raconter ? 

- Envié de tous ? interrrogé-je avec un petit sourire.

- Tu vis au château, tu peux faire ce que tu veux, pas besoin de travailler, t'as une chambre confortable et tout... Ici on est que des paysans, forcément qu'on jalouse ton statut! Tu as dû vivre une vie de rêve!

- Je t'assure qu'il n'y a aucune raison de m'envier. J'ai peut-être le bonus du confort, mais c'est tout. Plus jeune, je passais - et je passe encore - toutes mes journées entre quatre murs à suivre des cours. Je m'ennuyais comme un rat mort, bien que les cours de défense me plaisaient bien. Il faut dire que je n'avais pas pas beaucoup de compagnie non plus... Les résidents du château n'osaient pas m'approcher, et je n'avais pas le droit de me mêler aux autres enfants. De toute façon j'étais trop timide pour me joindre à eux. J'ai donc passé mon enfance tout seul, sans parler à personne. Je jouais dans mon coin en regardant les autres s'amuser ensemble. Je ne te cache pas que j'étais assez jaloux. Heureusement que Julianna est arrivée au château il y a cinq ans. Enfin bref, rien de bien glorieux qui vaille le coup de raconter. Ah, mais je ne me plains pas, surtout quand j'entends tout ce qu'il se passe dans le Royaume en ce moment.

- Je trouve ça triste quand même... Et tes parents?

- Ma mère est morte à ma naissance. En couche.

- Désolé, je ne savais pas...

- Ce n'est pas grave. Tu sais je n'ai aucun souvenir d'elle donc... Je n'ai pas vraiment tellement souffert de son absence, et puis c'est une des servantes qui m'a élevée. Elle ne remplacera jamais une mère, c'est sûr, mais je m'y suis fait. Sinon comme tu as pu le constater, je suis pas en très bon termes avec mon père. Je crois qu'il m'en veut...

- On est deux... »

Je lève un regard interrogateur vers lui.

« C'est pas important, oublie, déclare-t-il en réponse à ma question muette.

- Est-ce que cela a un rapport avec le fait... Que tu ne veuilles pas rentrer chez toi ? »

Je le sens se crisper.

L'HéritierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant