Alors que nous descendons de la calèche, le soleil nous offre ses derniers rayons. Nous franchissons le pont-levis avec hâte, de crainte que les gardes ne se décident à le remonter, tout en les saluant d'un signe de tête. Il me tarde de rentrer dans mes appartements avec Arthur pour pouvoir me reposer et discuter un peu avec lui. Cette journée pleine d'émotions nous a indéniablement rapprochés, et je dois dire que cela fait du bien d'avoir enfin un ami masculin. Nous marchons donc en direction de l'allée principale, lorsque nous apercevons une silhouette qui se dirige droit sur nous et qui s'arrête finalement à notre niveau. Je pense que vous pouvez aisément deviner qui se tient devant nous pour nous accueillir, les bras croisés contre sa poitrine. La charmante Adélaïde, bien sûr. Si la promesse qu'Arthur lui avait fait m'était sortie de la tête, elle ne l'avait visiblement pas oubliée.
« Je vous attends depuis si longtemps... Je commençais à me languir de vous », déclare-t-elle d'une petite voix plaintive.
Elle se tourne vers Arthur et lui offre son plus beau sourire, me faisant lever les yeux au ciel.
« Mais maintenant que vous êtes là, vous allez pouvoir honorer votre promesse, pour mon plus grand plaisir.»
Mon attitude détestable de ce matin me revient en mémoire, alors je décide de me faire pardonner en tentant de lui épargner la compagnie d'Adélaïde, du moins pour ce soir. Surtout que les savoir ensemble ne m'enchante guère, car j'ai bien peur qu'Adélaïde ait le même comportement douteux qu'elle adopte habituellement avec la gent masculine. Qui sait ce qu'elle serait capable de faire, par caprice, pour le séduire et pour qu'il reste auprès d'elle.
« Il est un peu tard pour une visite non? protesté-je.
- Cela n'est point un problème, nous pouvons remettre la visite des lieux à plus tard, et se trouver une autre occupation pour ce soir. Je souhaite juste passer un peu de temps avec Arthur, si tel est également son désir, évidemment, car je n'oserais imposer ma présence à pareil homme.
- Mais je ne pense pas que... tenté-je de nouveau.
- Tristan, me ferais-tu l'obligeance de me laisser passer cette soirée avec lui? N'as-tu donc pas assez profité de sa présence aujourd'hui? »
J'ouvre la bouche pour la refermer aussitôt, ne sachant pas quoi répliquer.
« Ne vous inquiétez pas, je serais ravi de passer un moment avec vous. », intervient Arthur en lui faisant un baisemain, de sa galanterie habituelle.
De nous deux, je suis presque persuadé qu'il ferait un bien meilleur prince. J'ai arrêté de suivre l'étiquette et de me comporter comme une vrai héritier du trône il y a bien longtemps...
« C'est parfait alors! Si vous saviez combien j'ai attendu ce moment, mes pensées ne cessaient de dériver vers vous tout au long de la journée. Tant et si bien qu'il m'était difficile de me concentrer!», glousse Adélaïde en s'agrippant à son bras.
Je n'ajoute rien, me contentant de supporter l'air narquois d'Arthur qui passe devant moi. Pour m'énerver davantage, il m'adresse un clin d'oeil en chuchotant:
« J'espère que je ne vais pas trop te manquer. »
Je soupire. ll fallait me le dire s'il préférait rester avec elle. Cela m'apprendra à vouloir l'aider. En plus, je suis prêt à parier qu'il a mal interprété mon geste. Je les regarde s'en aller en direction des jardins, tandis que je continue mon chemin sur l'allée centrale. Je croise quelques gardes venus faire leur tour de ronde, et des servants qui se dépêchent d'allumer les flambeaux avant la tombée de la nuit.
Alors que je m'apprête à monter les marches menant à l'entrée principale, il me semble que le vent porte à mes oreilles une mélodie des plus harmonieuses. Je m'arrête pour tendre l'oreille, curieux. Après une brève hésitation, je rebrousse chemin et me mets à chercher l'origine du son. Bien qu'incapable d'en jouer, j'ai toujours grandement aimé la musique. Je me laisse donc emporter, guidé par mon instinct, fermant à demi les yeux. Au fur et à mesure que je m'approche, la mélodie m'apparaît plus clairement et je parviens à distinguer une voix qui s'élève pour accompagner l'instrument. Je souris, car je l'identifie aisément. Je ne crois pas qu'il existe de voix plus douce et de plus cristalline que la sienne. Sans l'ombre d'un doute, je me dirige en direction du petit étang et je l'aperçois alors, assise sur le rebord d'une fontaine, une lyre entre les mains, pinçant les cordes méthodiquement. Ses cheveux auburn tombent en cascade sur ses épaules, encadrant son visage qui affiche un air concentré, tombant jusqu'au creux de ses reins. Un sourire flotte sur ses lèvres entrouvertes, qui laissent échapper des mots dont je ne comprends pas le sens. Ils me semblent provenir d'une langue ancienne, oubliée. La langue des Anciens, comme elle aime l'appeler. Je pousse un petit portail, en tentant d'éviter de le faire grincer, et poursuis mon chemin sur les dalles de marbre. Elle est si absorbée par la musique qu'elle ne me remarque même pas. Je m'assieds sur une pierre, en retrait, l'écoutant jouer avec attention. Au bout d'un moment, les dernières notes retentissent et, emportées par le vent, s'estompent dans le noir de la nuit. Je me lève et pose une main sur son épaule en la complimentant:

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L'Héritier
Ficção AdolescenteDans une contrée lointaine et dans un temps lointain, vivait un peuple étrange aux traditions toutes aussi particulières. Chaque nouveau siècle, une jeune fille naissait au sein de la famille royale. Celle-ci était appelée l'Héritière et était préde...