Chapitre 3.

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     Le 2 septembre, le jour J, j'étais debout dès l'aube. Mon excitation était à son apogée, et je ne pouvais plus attendre de voir ce monde magique, dont je rêvais maintenant chaque nuit depuis des jours. Eliad m'avait donné rendez-vous au café, comme à notre habitude, en début d'après-midi. J'avais bouclé ma valise la veille, et ce matin, je tournais en rond. Après avoir fouillé trois fois dans mes affaires pour vérifier qu'il ne manquait rien, je descendis laborieusement les escaliers avec ma valise, avalai un sandwich et attendis quelques minutes ma mère qui devait m'emmener en voiture a café. Lorsqu'elle fut prête, je dis au revoir à mes frères. Mon père était à Paris pour les affaires, je lui avais fait mes adieux deux jours auparavant, sans effusions de sentiments, contrairement à mes frères, qui ne voulaient pas lâcher mes jambes (probablement plus pour m'embêter qu'autre chose). Nous sommes donc finalement parties, ma mère et moi, pour aller retrouver Eliad. Elle me serra très fort dans ses bras, triste de me laisser partir, me rappelant de lui faire parvenir des lettres régulièrement par l'intermédiaire d'Eliad, puis nous quitta. Ce dernier me guida vers la ruelle dans laquelle il m'avait fait découvrir le Miroir. Ses belles valeurs de gentleman le poussèrent à m'aider à porter mes bagages : il prit mon petit sac à dos sur une épaule, tandis que je traînais derrière moi une valise plus lourde qu'un cachalot. Je le regardai d'un air bougon, m'apprêtais à le sermonner lorsqu'il me dit, serein comme un vieux sage :

- Comme disait La Fontaine, la vieillesse est impitoyable, ma belle.

Je ricanai.

- Tu n'es pas si vieux, seulement jeune depuis plus longtemps que moi.

Sur ce, je tirai mon sac à dos de son épaule pour le porter moi-même, puis je posais ma valise à ses pieds dans un tremblement de terre, et avançai.

Arrivés dans l'ombre de la petite rue sombre, nous étions presque invisibles aux yeux des passants. Eliad sorti alors le Miroir du petit fourreau de velours émeraude. Il me regarda gravement.

- Tu es prête ? C'est le moment Lana.

- Allons-y ! m'exclamai-je.

- Accroche toi bien à tes sacs ! Tout ce que tu as à faire, c'est de poser ta main à plat sur la surface du Miroir.

Dans une profonde inspiration, je posais ma main sur le Miroir. D'un coup, je ne vis plus rien : je n'étais pas plongée dans l'obscurité, je ne voyais pas noir, je ne simplement voyais rien. J'eu l'impression, pour une poignée de secondes, d'être aveugle, et, prise par surprise, je paniquai et poussai un hurlement à faire affoler un lion.

Puis je recouvris la vue. En face de moi se dressait un magnifique et gigantesque château de briques écarlates. Ses nombreuses fenêtres à guillotine étaient plus hautes que moi et son impressionnante porte d'ébène finement sculptée d'une multitude de symboles anciens était ouverte sur un grand hall rempli d'adolescents bruyants accrochés à leurs bagages qui disaient au revoir à leurs familles. Quelques personnes me regardaient avec un air étrange, ils avaient probablement dû m'entendre paniquer. Je ne voyais pas de réelle différence avec le monde réel, ce qui me décevait un peu. Je m'étais imaginé un monde plein de magie, mais l'Académie m'apparaissait plutôt comme un pensionnat ordinaire. Majestueux, certes, mais semblable à certains que l'on trouvait dans mon monde. Je me retournai et cherchai Eliad du regard. Il était dos à moi et regardait le parc. Aussi grandiose que le château, il était clos par des bois denses et feuillés, qui s'ouvraient ici et là sur des petits chemins de terre qui s'enfonçaient dans les fourrés. Une grande pelouse, elle aussi envahie par des étudiants, s'étendait sur des dizaines de dizaines de mètres et à son extrémité se trouvait un grand terrain de basket. Je m'approchais d'Eliad.

Lana CleeseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant