Émilie se rapproche de moi.
-Tu ne te rappelles de rien ? Rien du tout ?
Je fronce les sourcils et essaie de me remémorer les évènements de la veille. Mais je ne trouves pas. Je hausse les épaules.
-Non. Je ne me souviens pas. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Alors elle me raconte comment elle s'est réveillée en pleine nuit, à trois heures du matin, car je l'ai appelée . Je l'écoute attentivement. Je dois avouer que je suis assez choquée par ce qui est arrivé. Je ne pensais pas que ma maladie me ferait faire ce genre de choses... Une fois qu'Émilie a terminé de me raconter ce qui s'est passé, je tente de sortir du lit, mais une fois debout, je dois me retenir à la table de chevet qui se trouve à côté du lit pour ne pas chuter. Ma tête me fait horriblement mal. Émilie m'aide à me rasseoir sur le lit, l'air quelque peu paniquée.
-Il faudrait que tu rentres chez toi tu ne crois pas ? Tes parents vont s'inquiéter si tu n'es pas revenue avant qu'ils se réveillent...
Je tiens ma tête d'une main, ferme les yeux et inspire un grand coup.
-Non. Ce dont j'ai besoin, c'est d'un tour dehors.
Je peux deviner le regard étonné de ma meilleure amie.
-Mais... Mais enfin Claire, ce n'est pas raisonnable ! Il faut que tu rentres chez toi !
La douleur s'étant quelque peu estompée, je me lève précautionneusement du lit et vais récupérer mes vêtements, soigneusement pliés et déposés sur le dossier de la chaise de bureau d'Émilie. J'examine le mur trop rose contre lequel est appuyé son bureau. Je connais par cœur chaque recoin de la chambre de ma meilleure amie, mais je ne me lasse pas de regarder ce mur. Sur ce mur sont accrochées avec des punaises multicolores des photos d'Émilie et moi, petites. On peut nous voir, sur l'une d'elle, assises sur des balançoires côte à côte. Nous devions avoir neuf ans environ. Je souris tristement. Sur une autre, on peut nous voir bras-dessus bras-dessous, souriant de toutes nos dents devant un gâteau surmonté de onze bougies roses. Émilie et moi fêtions nos anniversaires ensemble, même si nous ne sommes pas nées le même jour. J'effleure la photo du bout des doigts. Je n'entends pas Émilie me rejoindre. Je tourne la tête vers elle quand je sens une main sur mon épaule. J'ai les larmes aux yeux. N'aurions-nous pas pu rester éternellement ces petites filles souriantes, sans problèmes ni maladies ? Mais il a fallut qu'on grandisse... Emilie me prend la main et dit de sa voix douce, posée :
-Aller viens, on va petit-déjeuner et après, promis, on va se balader.
Je repose mes vêtements et suis Émilie. Nous descendons l'escalier et allons dans la cuisine dans laquelle Monsieur et Madame Verney sont déjà attablés. Le père d'Émilie pose son bol de café sur la table pour m'observer, visiblement surpris.
-Tiens, Claire. Je ne savais pas que tu avais dormis à la maison cette nuit.
Je baisse les yeux, gênée, ne sachant pas comment expliquer le fait que je sois là. Heureusement, Émilie vient à mon secours.
-Oui, j'avais envie que l'on passe plus de temps ensemble alors je me suis dit que ça ne vous dérangerai pas, vu la situation.
La situation, c'est moi. Enfin, moi et ma maladie. Les parents d'Émilie évitent d'en parler, pensant éviter de faire de la peine à leur fille unique. Après tout, je suis sa seule amie, nous sommes presque comme des sœurs. Marie, sa mère, pose sa main sur celle de son mari et hoche la tête dans notre direction. Ce sont des personnes calmes, posées, qui cherchent à éviter les conflits et qui prônent la paix. Je ne les ai jamais vu se disputer. Ils représentent, pour moi, l'exemple même du couple parfait. Nous nous asseyons à côté d'eux. Émilie et ses parents parlent pendant que moi je reste silencieuse, à l'écart. Je prends une tranche de pain et mets de la confiture à la fraise dessus (ma préférée !). Le petit-déjeuner terminé, je remonte dans la chambre d'Émilie pour me rhabiller pendant qu'elle m'attend en-bas. Nous sommes sensées être en cours, après tout nous sommes mardi, mais avec la "situation", les parents d'Émilie ont accepté qu'elle rate des cours de temps en temps, tant qu'elle les rattrape et que ça n'affecte pas trop ses résultats. Je rejoins Émilie et nous sortons marcher. Nous restons silencieuses. Nous ne sommes pas gênées ou quoi que ce soit, non, nous trouvons juste le silence apaisant. Nous marchons, à travers les quartiers fait de maisons toutes plus identiques les unes que les autres, à travers les petites rues désertes, à travers les chemins pavés du centre-ville où nous sommes arrivés. Nous nous arrêtons devant un café, notre café. Nous venons ici depuis notre entrée au collège, c'est notre petite habitude. Je commande deux limonades pour Émilie et moi. Puis elle brise le silence qui régnait auparavant.
-Tu sais, je n'ai pas envie que tu partes.
Je plisse les yeux. Que je partes ? Mais pour aller où ? Et puis je suis là... Elle semble voir mon incompréhension.
-Je n'ai pas envie que tu meures.
Je soupire, lassée. Je sens d'avance qu'elle va me faire son speech comme quoi je dois me battre, etc. Mais je n'ai pas du tout l'envie, ni la force de l'entendre.
-Émilie s'il-te-plaît, pas main...
-Non. Stop. Écoute-moi pour une fois.
Son ton est sec. Je ne l'avais jamais entendue parler comme cela. Elle serre son verre dans ses mains, et un instant, je crois qu'il va exploser. Mais non.
-Tu es égoïste. Oui, parfaitement, égoïste. Tu ne penses qu'à toi, à ton petit plaisir. Tu ne veux pas te battre pour toi. Mais as-tu pensé à ta mère ? A ton beau-père ? As-tu pensé... à moi ?
Sa voix se casse. Je vais pour mettre ma main sur son bras pour la réconforter mais elle secoue la tête et repousse ma main.
-Non, tu n'y as pas pensé. Est-ce que tu penses que ta mère va réussir à tenir le coup ? Elle a déjà perdue ton père, et maintenant, elle va te perdre toi !
Elle s'arrête, puis recommence à parler avec une toute petite voix.
-Et moi ? Tu es ma seule amie... Si tu pars, je serais seule. Je ne supporterais pas la vie sans toi tu sais ?
Je vois des larmes silencieuses glisser sur son visage baissé. Je vois son regard vide, fixé sur son verre. Je la vois fragile.
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Chapitre fait, posté avec un peu de retard. Pour cause : le brevet blanc et l'oral blanc d'histoire des arts. Bisous ! <3 <3 Et n'hésitez pas à poster un petit com ou de mettre un vote, ça me ferais très plaisir ^^
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Ne t'attache pas à moi, car je partirai
RomansaClaire a 17 ans quand elle apprend qu'elle est atteinte d'une tumeur au cerveau inopérable. Elle décide donc de vivre à fond le peu de temps qui lui reste à vivre. Mais sa relation avec Louis, un garçon de sa classe à qui elle n'avait jamais parlé...