chapitre 9

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Ce genre de choses ne lui était jamais arrivé. Elle et ses parents s'étaient toujours débrouillés pour effacer les traces de ses crimes. Pour la retrouver, les enquêteurs avaient sûrement dû s'appuyer sur les preuves qu'on avait recueillies dans les villes lointaines qu'elle avait fui après ses incendies.

Elle s'était toujours débrouillée pour échapper à la sentence, mais cette fois-ci, elle le savait bien, c'était la fin. Il n'y avait plus rien à faire, à part se cacher derrière un masque d'indifférence. Après tout, elle savait que ça allait arriver un jour ou l'autre. Alors pourquoi son cœur se faisait si lourd ? Le temps d'une micro seconde elle tourna la tête vers Noah, et elle lui sourit. Oui, elle lui sourit. C'était sa manière de lui dire au revoir. Avec les yeux, ils s'échangèrent des milliers de mots. Pardon, désarroi, amour, tristesse, adieu. Ils virent beaucoup de choses défiler devant leurs yeux, à ce moment-là, pourtant, ça ne dura qu'une seconde, pas plus. Les deux policiers les fixèrent durement. Ils étaient loin de se douter de ce qu'allait faire Noah. D'ailleurs, lui non plus ne s'en doutait pas. Il perdit le contrôle de lui-même. Poussé par l'adrénaline et prit d'une violente pulsion, il poussa fortement les deux policiers, qui perdirent l'équilibre et tombèrent. Il profita de cet instant d'inadvertance pour claquer vivement la porte, attraper la main d'Eden et crier :

- Par ici !

Elle se laissa tirer à travers la maison, pendant que les policiers se mettaient à frapper contre la porte en criant « ouvrez ! ». Noah ne savait toujours pas ce qu'il était en train de faire. C'était comme si un mécanisme s'était déclenché en lui et le poussait à agir de la sorte. Ils sortirent par la porte du jardin (qu'il avait repéré la veille). Il n'avait pas beaucoup de temps. Les policiers n'allaient pas tarder à trouver un moyen d'entrer, ou appelleraient des renforts pour aller les chercher. Cette fois-ci, ce fut Eden qui tira sur sa main. Son jardin était une petite aire d'herbe sèche, encadrée par de petites haies, qui donnaient sur le jardin de ses voisins. Elle le regarda et il comprit qu'il fallait qu'ils escaladent ces haies et qu'ils traversent jardin après jardin jusqu'à ce qu'ils trouvent une autre alternative. Elle lâcha sa main, chercha quelques branchages solides sur lesquels elle pouvait s'appuyer et escalada avec aisance la haie, avant de retomber avec grâce. Il fut étonné par sa facilité à grimper, mais sûrement avait-elle dû faire ce genre de chose un bon nombre de fois. Lui, eut beaucoup plus de mal à escalader. Il se hissa avec difficulté en haut, puis glissa sur le côté et retomba sur le coude. Il n'avait pas le temps de s'apitoyer sur sa douleur qu'il s'était déjà relevé et remis à courir vers le jardin suivant.

- Je sais où aller. Déclara Eden en courant. Je prévois toujours un plan de secours au cas où les policiers me retrouveraient.

Il ne répondit rien, de peur de perdre son souffle, et hocha simplement la tête. Ils passèrent dans quatre jardin d'affilé avant d'en trouver un qui avait un portail qui donnait sur un petit lotissement. Ils le poussèrent et leurs pieds se retrouvèrent enfin sur le goudron.

- Tu sais où on est ? demanda-t-il, en s'arrêtant enfin de courir.

- Non. Mais ne t'inquiète pas, j'ai un bon sens de l'orientation.

Elle sourit et ils reprirent leur course folle. Ils sortirent du lotissement et c'est là qu'ils entendirent. Ils entendirent le hurlement inquiétant des sirènes de police. Eden poussa un soupire tandis qu'il resta figé par la peur. Elle dû l'attraper par le bras pour qu'il se remette à fuir. Mais dans quelle galère s'était-il mis ? Il venait seulement de réaliser ce qu'il venait de faire. Les problèmes allaient pleuvoir du ciel.

Heureusement, personne ne connaissait encore le visage d'Eden, alors ils pouvaient se balader librement dans les rues.

- Police ! s'écria Noah.

Ils se hâtèrent d'aller se cacher derrière plusieurs poubelles. Noah sentit son cœur accélérer et une goutte de sueur glisser sur son front. Le voiture de police passa devant eux sans les repérer.

- On doit faire vite. Murmura-t-elle, comme si, jusqu'ici, ils avaient pris un train de vacances.

Ils s'assurèrent que la voiture était bien éloignée pour se remettre à courir. Il était mort de peur tandis qu'Eden conservait un calme parfait. Décidemment, il ne comprenait pas comment cette fille fonctionnait. Ils s'arrêtèrent néanmoins de courir pour marcher, histoire de faire moins suspect. Noah respirait bruyamment pour retrouver un souffle normal, en vain. Eden le stoppa pour qu'ils se trouvent face à une ruelle sombre et minuscule, à peine assez large pour deux personnes.

- Raccourci. Expliqua-t-elle.

Ils s'engouffrèrent dans la rue, en passèrent une autre et continuèrent plus loin. Plus ils s'éloignaient et plus le brouhaha de la ville et des voitures s'estompait. Ils marchèrent en silence jusqu'à ce qu'ils arrivent à la bordure d'une forêt. Silence. Tout était si calme. Noah songea qu'ils étaient enfin en sécurité. Tout pouvait s'arranger. Ils pourraient se cacher ici quelques temps, ne vivant que d'eau et d'amour, jusqu'à ce que l'affaire se tasse un peu. Tout allait s'arranger, se convainc-t-il. Pourtant, lorsqu'il se tourna vers Eden, ce ne fut pas un sourire qu'il trouva sur ses lèvres mais une larme sur sa joue. Cette larme se mua en un sanglot, qui se multiplia, encore et encore. Elle n'avait pas le même espoir que lui. Il comprit alors que c'était le début de la fin.

- C'est trop tard. Pleura-t-elle.

Elle lui faisait perdre tous ces moyens. Il ne savait pas comment réagir. Il était totalement effrayé, que ce soit par la police ou par elle. Peur qu'elle change d'avis et qu'elle s'en aille. Peur qu'elle disparaisse à tout jamais.

- Mais non, ne dis pas ça. Bafouilla-t-il.

Ils devaient s'engouffrer dans la forêt et se cacher. On allait les retrouver.

- Je t'avais dit qu'il ne fallait pas que tu restes avec moi.

Il prit sa main pour la tirer jusqu'à la forêt, mais elle résista, restant totalement statique.

- Ce n'est pas une bonne idée. Tu es en danger Noah. Sanglota-t-elle.

Ses pleurs lui étaient insoutenables. Il avait envie de se mettre en boule par terre et de se boucher les oreilles jusqu'à ce que ce cauchemar cesse. « Arrête d'être si triste ! » avait-il envie de lui crier. Mais il n'en fit rien. Il continuait de tirer désespérément sur sa manche.

- Arrête ! Mais arrête ! Tu empires les choses ! Tu vois bien qu'il n'y a plus rien à faire ! hurla-t-elle à travers ses larmes.

Peut-être que si on le pinçait il se réveillerait. Il avait envie de partir loin d'ici. Il DEVAIT partir loin d'ici. Loin des cris d'Eden, loin de ce chaos qu'elle était. Le temps d'une seconde, il regretta de l'avoir connue.

On entendait les sirènes au loin. Ils avaient arrêté de lutter.

Il repensa à la tranquille vie qu'il menait avant de la rencontrer. Cette vie bien faite, bien carrée, qu'elle avait totalement chamboulée. Peut-être qu'il en était mieux ainsi, dans le fond.

La police n'était plus loin maintenant. Ils restaient immobiles, lui contemplant sa belle, elle contemplant sa fin.

Il avait tellement envie de pleurer que les larmes ne sortaient pas. Comme quoi elle avait tout brûlé en lui, jusqu'à la dernière goutte d'eau. Son cœur deviendrait sûrement un désert aride sans elle pour pleurer dessus.

Elle était si triste, Eden. Elle avait raison, on ne pouvait plus rien faire pour elle. Elle continuait de briller, mais c'était seulement parce que le feu la kidnappée. D'ailleurs, elle aimait tellement le feu qu'elle ait devenu son propre incendie, brûlant tout ce qu'il y avait de beau dans sa vie.

Lorsque la voiture de police s'arrêta devant eux, elle ne tenta même pas de s'échapper. Elle embrassa Noah en trempant sa joue de larmes, puis, calmement, fièrement, tête haute, elle se dirigea vers les policiers. C'est étrange à dire, mais elle était plus belle que jamais. Elle affrontait le sort qu'elle avait fui toutes ces années. Dans le fond, Noah savait qu'elle était soulagée. Il resta là, sans bouger, comme s'il regardait l'écran d'une télé et que tout cela n'était pas réalité. Derrière la vitre de la voiture, elle lui lança un regard qu'il n'oublierait jamais. Sûrement parce qu'il a su lire dedans comme dans un livre, et il disait :

« Je t'aime. Mais pardonne-moi, je m'en vais. »


Les embrasés [Heart on fire]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant