C'était la première chose qui m'était venue à l'esprit. Voler, quelle drôle d'idée ! J'ouvris brusquement les yeux et rougis violemment. C'était la honte intersidérale ! J'allais baisser la tête, quand...
« Non ! Ne t'arrête surtout pas. Continues. »
Elle,encore et toujours. Mais j'obéissais, aussi curieux que cela puisse être. Me concentrer sur mes désirs. Me concentrer sur mes rêves. Même si c'était complètement insensée, elle l'avait dit pas vrai ? Et puis, ce fut la tornade, l'ouragan dans mon esprit. Tant d'idées tellement saugrenues, mais tellement belles.
« J'aimerai pouvoir toucher les nuages, créer un paradis et des plages à perte de vue, partir loin, sans savoir où aller, plonger dans l'océan toute habillé et n'en avoir rien à faire, faire le tour du monde !Être libre ! Oui, j'adorerais tout ça. »
J'ouvris à nouveau les yeux. Mes amies me fixaient, elles semblaient assez étonnées. Mais cela m'importait peu à côté de SON regard. Elle me fixait de manière très étrange. Je me faisait sans doute des idées. Même de loin, je crus voir briller la flamme de l'envie, du désir dans ses iris. J'étais vraiment conne, quand je m'y mettais.Bien sûr que je me faisais des films. L'orateur principal semblait ravi. Et moi, dans tout ça, j'étais dans un état se trouvant entre la honte et l'euphorie complètement. Gênée d'avoir révéler le fond de ma pensée. Mais, dans le même temps, cette réflexion m'avait fortement donnée l'envie de peindre, chose que je n'avais pas fait depuis longtemps, de mon point de vue. En même temps, mon agenda avait été un peu chargé, ces derniers temps.
« Merci,Mademoiselle Patrick. Quelqu'un d'autre ? »
Ce fut un autre élève qui fut interrogé, de la même manière que moi. Et il y eut un petit rire quand il parla de chevaucher une autruche. Je ne riais pas moi, c'était un désir comme un autre. Il fut beaucoup plu expressif que, moi, comme la fille en seconde année de master pas loin de lui, qui n'eut même pas besoin de réfléchir.Elle s'assumait complètement, sans complexe, si bien qu'elle évoqua même deux trois désirs très érotiques. Je n'aurais jamais pu.C'était bien trop intime.
« Merci jeunes gens ! Ces désirs que vous avez évoqués peuvent être la flamme de votre inspiration. Et je cite Mademoiselle Aarons, ici présente, ils doivent être ce qui motive la création de votre œuvre. »
Le débat reprit la dessus, mais je n'arrivais vraiment plus à suivre.Mon esprit était pris par autre chose. J'avais envie de l'attraper par la main et de l'entraîner, en courant, à l'atelier et peindre,peindre pendant qu'elle m'observe. Travailler sous ses yeux avisés et critiques, me sentir observée par elle. C'était très perturbant ce genre de pensées ! Mais, ça me chamboulait bien plus que je ne pouvais l'avouer. Je ne savais plus que faire, ni quoi penser. Il fallait que je m'isole, et vite.
Il était un peu plus de vingt-deux heures trente lorsque nous sortîmes,les filles et moi. Les première dehors. Et oui, les cours le lendemain, et personne ne tenait à les rater. C'était bien trop important pour nous. Nous nous séparâmes, en silence, au métro,que je prenais seule, Blandine et Sarah partant dans l'autre sens.Jonathan avait essayé de me joindre, mais je n'avais pas envie de lui parler. Pas ce soir. Je lui enverrai un message en me levant.Mais là non, j'étais bien trop perturbée.
Le voyage en métro sembla durer à peine quelques secondes, tant j'étais perdue dans mes pensées. Je ne lus même pas le message de Fanny que je reçus en sortant. Mes parents étaient devant la télévision, quand je rentrais. Je les saluais, vaguement, avant de me rendre dans ma chambre. J'avais les gestes d'un automate. Pourquoi est-ce que je réagissais ainsi ? Même moi, je ne me comprenais plus. Je me couchais, et vu la nuit que j'avais passé la veille, le sommeil ne fut pas long à venir. Mes rêves furent peuplés de nuages en barba à papa, de course nue sur la plage et d'un jeune homme à cheval sur une autruche.
Blanche !Les écrivains c'était la page, moi, c'était la toile. Le vendredi après-midi, nous n'avions pas cours. Nous utilisions ce temps pour nous rendre à l'atelier. C'était un endroit calme, un peu excentré du reste du campus, mais on y était bien. Chaque étudiant en Art pouvait y venir pour dessiner ou autre et nous y avions tous un casier, à l'entrée, avec notre nom. En général, nous y passions tous les jours, c'était comme ça que les prof nous communiquait les petites choses sans importance.
En silence, nous étions là, toutes les quatre. Sarah était la seule à ne pas peindre mais à sculpter. Elle modelait l'argile à la perfection. Elle était la moins bavarde de nous trois, pas la plus réservée, juste taciturne, mais on sentais qu'elle s'exprimait dans son art... Ses émotions y étaient, c'était certain. Toutes les trois travaillaient, sauf moi, qui bloquait cruellement sur une toile vierge. Depuis deux heures... Misère... Je soupirais. Fanny leva le regard vers moi et sourit. Nous n'avions pas évoqué le débat d'hier de la journée, donc encore moins mon intervention dans celui-ci. Sarah était concentrée sur son travail et Blandine me sourit avant de reprendre. Fanny me lança un petit clin d'œil.
« Tes désirs, Dinah, penses-y. »
Nouvelle œillade. Je posais mon pinceau.
« Non,je n'y arrive pas. Je ne sais pas pourquoi, j'ai aucune inspiration,aujourd'hui. »
Fanny termina de rectifier sa touche, sur sa propre création, avant déposer son tablier à son tour et de sortir son paquet de cigarettes de sa poche. Elle fumait peu, rarement même, presque seulement lorsqu'elle peignait. Mais là, dans l'immédiat, ça voulait dire« tout le monde dehors, faut qu'on prenne l'air d'urgence, ça va pas. ». Elle me connaissait tellement bien. Pas pour rien qu'elle était celle à qui je faisais le plus confiance, malgré l'amitié immense que je ressentais pour les deux autres.
Nous sortîmes, elle alluma sa cigarette. Prise d'une impulsion subite, je lui arrachais sa clope et en pris une goulée... Avec laquelle je m'étouffais, bien sûr. Fanny la reprit et éclata de rire, alors que les deux autres me fixait, ahuries, Sarah passant ses mains pleines d'argile dans ses cheveux.
« Non,mais t'es sérieuse, là ? Ça va plus, ma belle ! C'est ce qu'il s'est passé hier, qui te perturbe. »
OUI !Clairement ! Mais je me contentais de hausser les épaules en me dirigeant vers les casiers. Je l'entendis rire, derrière moi. Mais je refusais de perdre le minimum de contenance qu'il me restait. Mine de rien j'ouvris mon casier. À vrai dire, je ne pensais rien trouver. Mais il y avait un papier, une note... Une seule phrase qui fit chavirer ce qui me restait d'esprit et de cœur.
« Retrouve-moi ce soir devant la galerie où tu exposes. »
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Elles
RomanceDinah est une jeune femme qui a tout pour elle : des études qu'elle aime par dessus tout, des parents adorables, un petit ami formidable, des amis géniaux. Une vie parfaite. Pourtant, il lui arrive de rêver à autre chose, d'aventure, d'imprévus ? Et...