Mon cœur se rebelle

68 6 0
                                    

Jamais il ne m'avait parlée sur un tel ton. Il ne se l'était jamais permis. En réalité, Jonathan était un garçon très doux, avec son petit caractère, bien sûr, mais jamais violent, toujours posé. Ce n'était plus l'homme que je connaissais. Ni l'homme que j'avais aimé... Avais aimé... Mais l'aimais-je toujours ? La question était là. Je reculai d'un pas et il renforça son étreinte surmoi, en me serrant le bras. Je grimaçai, il me faisait mal ! Il était si brute. Et son regard, si dur, plein de haine... Je ne le connaissais plus !

« Lâche-moi,Jonathan ! Tu me fais mal ! »

Cela eut l'effet inverse et je retins un petit cri de douleur. Il me serrait tellement le bras que je commençai à avoir des fourmis dans les doigts. Il commençait vraiment à m'agacer. Je m'étais toujours écrasée devant lui. Toujours soumise, je m'étais pliée à chaque décisions qu'il avait prise pour nous. Quand nous nous étions fiancés, je n'avais rien dit, j'étais juste heureuse, mais heureuse de quoi. D'être avec lui où juste le centre d'attention l'espace d'une soirée, qui avait été magnifique, en tout cas. Non...J'étais injuste, je l'avais aimé, mais ce n'était plus pareil. Je ne le connaissais pas réellement. Je n'avais manifestement vu que la face visible de l'iceberg. Et la partie immergée me faisait peur.Mais je ne voulais pas paraître impressionnée. Je fronçais les sourcils.

« Lâche-moi,sale con ! »

Il me fixa, visiblement surpris. Je vis Fanny arriver en courant sur notre gauche et s'arrêter à quelques mètres de nous. L'étonnement lui fit desserrer sa main et je pus me libérer de son emprise,reculant de quelques pas. Je ne me souciais plus de ce qu'il y avait autour, ni de mes camarades de fac, ni des passants qui n'avait rien demandé. Pour la première fois de ma vie, j'en avais marre qu'on me dicte ma conduite, qu'on m'impose ce que je devais faire. Je gardais un visage froid. Il s'était rapidement remis de la gifle verbale, un peu trop vite à mon goût. Jamais je ne lui avais parlé comme je venais de le faire. C'était une première. Il repris son air menaçant et s'avança, je reculai.

« Casse-toi,Jonathan. Tu n'as pas à me dire ce que j'ai à faire, ni qui j'ai à fréquenter. Tu traînes bien avec des mythomanes fouteuses de merde comme Blandine ! Alors reste avec elle ! J'en ai marre de toujours faire le petit chien à sa maman, à remuer la queue à chaque chose qu'on me dit alors que je ne suis pas forcément d'accord. Marre de subir ta fatigue en soirée, tes envies de cérémonie classe avec des petits fours pleins de beurre que je ne peux pas manger parce qu'il ne faut pas que je grossisse. Marre d'acquiescer à chaque fois que tu me parles de notre future vie rangée avec toi au travail et moi au fourneau... Et aujourd'hui, je suis triste de voir à quel point on ne peut rien te refuser sans que tu fasses un caprice. Je pensais te connaître, au bout de dix-neuf années. Je le croyais vraiment, mais ce n'était pas le cas. Et je refuse d'avoir un mari qui me traitera de cette manière, qui m'interdira de voir une personne sans la connaître et en écoutant les racontars d'une petite connasse ! Camille est décalée,mais ce n'est pas une criminelle. Renseigne-toi avant de causer. En attendant, c'est fini entre nous. Et je ne veux plus te voir. »

Doucement,je retirai le petit solitaire que je portais à l'annulaire gauche et allait lui poser dans la main, profitant du choc que je venais de lui procurer. Il me regardait, grands yeux ouverts, et je m'éloignai à nouveau. Il sera le poing de la main où j'avais déposé l'anneau.Son regard était empli de haine et de colère contenu. Heureusement je n'étais pas restée près de lui. Il m'aurait sans doute frappée.Je le sentais. Il fit mine de s'approcher mais n'eut pas le temps.Fanny et Sarah se placèrent devant moi. Fanny... Elle n'avait pas l'air commode à ce moment-là.

« Elle t'a dit qu'elle ne voulait plus te voir, c'était plutôt clair,non ? »

Son regard passa de mes deux amis à moi. Il était écarlate. Je ne l'avais jamais vu ainsi. Et franchement, même si je ne le montrai pas, j'étais bouleversée. Vous pensiez connaître quelqu'un par cœur depuis des années, et au final, il s'avérait être un simple inconnu. Et j'avais failli me marier avec lui... Un homme qui cachait sa violence et sa frustration. Je soupirai.

« Dinah,je te jure que ça ne se terminera pas comme ça. Toi et ta pétasse,vous paierez. Toutes des deux. Et tes amies aussi, crois-moi... Allez toutes vous faire foutre ! »

Il tourna les talons et partit comme une furie. Je déglutis. Un souci en moins à régler. Curieusement, malgré le mal-être latent au fond de moi, j'étais soulagée de l'avoir quitté. J'aurai pu ne pas le faire, j'avais eu des sentiments. Et j'avais, moi aussi, pour la première fois de ma vie, été violente, en parole, avec quelqu'un... Pas avec quelqu'un avec mon fiancé. Ça ne me laissait pas indifférente, à l'intérieur de moi. Je m'en voulais. Mais curieusement, je savais que j'avais bien fait. Ne restait qu'un petit problème à régler, et autant profiter de mon état de rage. Je me précipitai vers Blandine, qui essayait de s'esquiver discrètement.Je l'attrapai par l'épaule et la retournai vers moi. Elle me fixa d'un air hautain, me je voyais bien dans son regard qu'elle se savait prise au piège.

« Écoute moi, sale peste. La prochaine fois que tu essaies de nous descendre,les filles, Camille ou moi, à mentir comme tu le fais, je te jure que tu le regretteras. Je ne sais pas vraiment ce qu'on t'a fait pour mériter ça avec Fanny et Sarah, mais c'est ton orgueil qui a tout cacher. Donc maintenant, tu vas me faire plaisir et disparaître gentiment de nos existences. »

Je lui tournai le dos, prête à partir. Et elle le murmura, ce mot, le mot de trop... Pute... Pute ? Sans réfléchir, je me retournai et lui assénai mon poing dans la figure, avec une violence dont je ne me croyais pas capable. Je l'attrapai par le col et la regardai dans les yeux.

« En général, on se regarde avant de causer. J'ai eu la bonté de faire les choses en face, pas comme toi. Et essaie de te plaindre pour le pain, crois moi, j'apporterai les preuves de ce que tu as fait devant le Président de l'Université. On verra s'il sera si clément avec toi. »

Elle me défia du regard encore quelques secondes avant de me pousser et de partir, la tête basse et rouge de honte. Ce ne fut qu'à cet instant que j'entendis les murmures de la foule, qui commençait à se dissiper. La pression et la colère commençaient à retomber et je me sentis vidée... Et étonnée. Jamais je n'avais parlé ni agi ainsi avec qui que ce soit auparavant. Et franchement... C'était si libérateur ! Je souris légèrement, la fatigue commençait à revenir.... Une main se posa sur mon épaule.

« Et bah, t'en as d'autres à nous faire, comme ça ? »

Fanny.Je tournai la tête vers elle et souris.

  « Envoyer un message à Camille pour m'excuser... Et retourner chez moi dormir.Je n'en peux plus, je vous rejoindrai dans l'après-midi. » 

EllesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant