Phase de doutes

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Je la sentis lâcher prise et je dus ouvrir de nouveau les yeux pour ne pas tomber. Quoi que, j'aurai peut-être mieux fait de chuter. Je vis Julie s'éloigner en courant... Enfin, façon de parler, c'était un bien grand mot avec ses talons aiguilles. Mais je m'en moquais pas mal. Je n'allais pas la courser, c'était hors de question. Ce n'était pas elle qui m'intéressait pour le coup mais mon sauveur,enfin ma sauveuse, vous l'aurez bien compris. Je me retournais. Elle était bien là, je n'en revenais pas. Pourquoi toujours elle ?C'était incroyable ça ? Je déglutis en la voyant approcher.Elle regarda Julie disparaître au bout de la rue avant de reporter son attention sur moi.

« Ça va, petite ? Qu'est-ce qu'elle voulait, la Barbie ? »

Elle alluma une clope qu'elle venait tout juste de sortir. Je baissais le regard et soupirais. J'étais résignée à la croiser à chaque fois, vraiment. Était-ce un signe ? Je l'ignorais mais ça y ressemblait bien. Je secouais la tête, choquée par ce qu'il venait de se passer. Je la savais mauvaise et fourbe, mais de là à me frapper alors que je me défendais de ses attaques ? Non, je n'aurais jamais cru. Il fallait que je retienne mes larmes. Je ne devais pas pleurer devant elle. Je pris une grande inspiration.

« Je lui ai juste rappelé que de toute la promotion, c'était moi qui avait été choisie pour exposer ici. Je crois que ça ne lui a pas bien plu. »

Elle eut un petit sourire compréhensif avant hocher doucement la tête.

« La jalousie est l'un des plus grands maux de cette société, mais il faut être heureux de l'attiser. Ça signifie juste que tu as réussi,et ceux qui la ressentent non. »

Je lui souris, elle me le renvoya. C'était parfaitement vrai, il fallait pas que je me laisse abattre.

« J'étais seulement passée poser quelque chose à la galerie. Je suis ravie de t'avoir revue. »

Oh, déjà... Elle tourna les talons. J'allais partir également quand...

« Hey,petite ! J'aimerais expérimenter certaine choses avec toi. Pour ta peinture. Tu serai partante ?

Des expériences ? Avec moi ? Pour ... Quoi ? Je la regardais, interloquée. Elle semblait si mystérieuse, tout à coup ! Elle me faisait un peu peur, en fait. Elle me perdait de plus en plus.

« De quel genre ? »

Elle eut un petit rictus indéchiffrable.

« Tu verras bien. Si je te le dis, cela ne te surprendra pas. »

Je réfléchis quelques instants avant d'acquiescer d'un signe de tête.Ça eut l'air de lui plaire puisqu'elle revint vers moi, tout de même pensive.

« Hmm...Demain, je ne suis pas libre, mais dimanche, dans l'après-midi, ça te va ? On se donne rendez-vous à ton campus, vers 15h. Et un conseil, évite les jupes, ok ? »

Je n'eus pas le temps de faire quoi que ce soit, elle s'en alla. J'avais dit oui... Dans quoi je m'embarquais, moi, encore ?


Enfin rentrée ! Mes parents n'était pas là, étrangement.J'essayais d'appeler ma mère, en vain. Et mon père était sur répondeur. Il devait être en rendez-vous. Dans un sens, cela m'arrangeait. Je n'aurais pas de reproches sur l'heure à laquelle j'étais rentrée, ni sur la tête que je tirais. Dans le métro,j'avais pris clairement conscience que l'une de mes amies m'avaient sans doute trahie. C'était sans aucun doute exagéré, mais c'était exactement ce que je ressentais. J'avais fait le tour de l'exposition, le soir du vernissage, il n'y avait aucun étudiant. Et je n'avais raconté ce passage qu'à elles. J'étais désappointée.Heureusement, je les voyais le lendemain, je pourrais leur en parler.Je ne me sentais pas de les appeler ou de les questionner par SMS.

Je pris un biscuit dans un des placard de la cuisine, et, pour une fois,me mis devant la télévision. Je n'avais rien envie de faire. Et surtout, il fallait que je me vide l'esprit. Je n'avais pas envie de peindre, pour la première fois de ma vie. Ce que m'avait demandé cette femme m'intriguait et me perturbait grandement, certes. Je me demandais d'ailleurs si je n'allais pas laisser tomber. Mais ce n'était pas ce qui me préoccupait le plus, franchement. Mes amies... Je n'arrivais pas à le croire, pas venant d'elles. Je leur faisais confiance. Une confiance infinie, même. Mais il fallait que je me rende à l'évidence. Ce n'était pas Camille qui serait aller dire ça à Julie, ce serait ridicule. Je soupirais. Je lançais un film, au hasard. Peu importe, du moment que ça me vidait de mes mauvaises pensées.

Je regardais les trente premières minutes. J'aimais ce film, même si je ne connaissais pas le titre, pas encore du moins. Et puis, la porte claqua et les éclats de voix retentirent. Mes parents se disputaient...Je mis le film en pause et allais voir.

« Tu devais avoir honte, Richard ! Pourquoi pas tout le bureau pendant qu'on y est ! Si Dinah savait ça, elle serait... »

Si je savais quoi ?... Ils remarquèrent enfin ma présence. Mon père s'avança. Son regard me choqua. Si dur.... Pourquoi ?

« Dinah,dans ta chambre, ça ne te regarde pas ! »

Il me poussa dans ma chambre, assez brusquement. J'étais tellement abasourdie. Pourquoi une telle violence. Je les entendis crier,hurler même. Je faillis sortir quand j'entendis les pleurs de m mère. Mais j'avais trop peur. L'état de mon père n'était pas habituel, je le savais. Il était si doux en général, à rire pour rien, sous ses airs de patron d'entreprise sérieux. Je ne comprenais plus rien. Les larmes vinrent alors que je les retenais de toutes mes forces. Entre Julie, les filles et ça... Je n'avais même plus à craindre les surprises que me réservait la commissaire-priseur...

Puis,il eut un ultime cri et la porte d'entrée claqua. C'était trop calme, d'un seul coup. Je me précipitais dans le couloir et m'arrêtais net en voyant ma mère, en larmes, sur le sol froid de l'appartement. Je m'approchais doucement d'elle et m'agenouillais à ses côtés. C'était la première fois que mes parents avaient une engueulade si violente. Alors je comprenais...

« Maman,ça va aller. Laisse le se calmer, ça rira mieux quand il reviendra. »

Elle secoua la tête et me prit par le bras, tournant son visage vers moi.Elle me brisa le cœur à cet instant. Elle semblait si triste, si désespérée. Elle m'attira à elle et me prit dans ses bras, dans un élan de détresse.


 « Il ne reviendra pas, Dinah... Il est avec son assistante... Il va demander le divorce. »  

EllesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant