Cartes sur table

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C'était de pire en pire, ma parole. Je venais de faire un malaise, sans doute un trop plein et ça continuait toujours. Je n'en voulais pas à Fanny, bien sûr. Elle aurait été incapable de me cacher une chose si importante. Et puis, sincèrement, je préférais qu'elle m'en parle elle-même plutôt que je ne l'apprenne par quelqu'un d'autre. Je soupirai et une larme s'échappa sans que je puisse contrôler quoi que ce soit. Fanny l'essuya du bout des doigts avant de me sourire, gênée. Me dire ça alors que je venais tout juste d'avoir un malaise ne devait pas être simple pour elle non plus. Je lui pris la main.

« Quoiqu'il en soit, il vaut mieux le savoir et la mettre devant son hypocrisie. Au moins, on est au courant, et c'est le principal,non ? »

Elle acquiesça d'un signe de tête et serra ma main dans la sienne. Elle,je savais qu'elle ne me trahirait jamais. Au final, j'avais bien l'impression qu'elle était vraiment la seule sur qui je pouvais compter.

Je sursautais quand la porte s'ouvrit brutalement. Jonathan... Depuis laveille, il s'était rasé, et il était habillé de sa manière habituelle. Trop habituelle. Jamais une fantaisie. Pas une mèche quidépassait de sa chevelure laquée. Ses costumes étaient toujours neutre, ses chaussettes noires ou blanches, toujours unies... D'une platitude. Je pensais certainement cela parce qu'il m'avait brusquée,la veille, et que je n'arrivais pas à lui pardonner. Je baissais le regard quand il me fixa, une attitude que j'utilisais bien trop souvent face à lui. Trop soumise ? D'un côté, il m'avait apporté une certaine sécurité, un semblant de douceur. Il avait fait tellement de choses pour moi... Mais il avait été si détestable, que cela effaçait tout le reste ou presque.

« Fanny, tu peux sortir, s'il te plaît ? J'ai à parler avec Dinah. »

Ce qu'il pouvait être formel, parfois. Et directif ! C'était agaçant ! Surtout qu'il nous coupait en pleine conversation.

« Jonathan,on est en train de parler là. Alors si tu pouvais sortir, ce serait cool ! »

Il resta planter là, en me fixant d'un air tellement étonné que je crus que ses yeux allaient sortir de ses orbites. Puis, il me regarda, prenant son air professoral sévère, limite s'il ne mit pas les mains sur les hanches pour me gronder comme une enfant.

« Notre discussion est prioritaire, Dinah. Notre couple n'est guère comparable à vos potins de gamines écervelée. »

Je n'eus pas le temps de dire quoi que ce soit. Fanny se leva et lui assena une gifle monumentale. Là c'est moi qui était choquée. Bon,lui aussi l'était. Ça ne devait pas être dans ses habitudes de se faire frapper par une gonzesse d'une tête de moins que lui. Et manifestement, il se contenait, je le voyais.

« Autant je t'appréciais quand nous étions au lycée, mais depuis que tu es avec elle, tu es de plus en plus immonde. Tu prends les décisions à sa place. Tu ne demandes même pas comment elle va, tu lui imposes sa vie et ce que tu veux sans lui demander son avis. Un comportement de gros connard prétentieux. Ça fait un moment que je me retiens de te le dire, pour ne pas blesser Dinah, qui n'a rien demandé si ce n'est ton amour. Et qui te laisse faire par peur de te perdre, sans aucun doute ! Mais je crois qu'il y a un truc très important que tuas oublié depuis que tu la fréquentes. Le respect ! Alors tu sors, et tu reviendras le jour où tu l'auras retrouvé ! »

Elle le poussa à l'extérieur de la chambre et claqua la porte sous les yeux outrés d'une infirmière et de mon petit ami. Je me mordis la lèvre inférieure. Elle revint vers moi et reprit ma main.

« Net'en fais pas pour lui, il s'en remettra, mais avoue que j'ai raison.Il n'est pas correct dernièrement avec toi. S'il t'aime, il réfléchira à son comportement et changera. »

Elle avait raison dans le fond... Et si il me quittait... Je pensais instantanément à Camille, mais rapidement, j'essayais de l'éloigner de mes pensées. Ce n'était pas le moment. Fanny et moi avions à discuter d'une certaine personne.


Je quittais l'hôpital, accompagnée de Fanny et sa mère, dans la soirée. Le lundi, nous ne commencions qu'à onze heures et demie.Alors nous improvisâmes une soirée film. Nous avions décidé de mettre notre soi-disant amie dos au mur dès le lendemain,franchement. Pas de plan foireux, juste de la franchise. En espérant qu'elle en ferait autant avec nous. La nuit fut agitée, pour toutes les deux. Mais nous nous réveillâmes tout de même aux alentours de neuf heures et demie.

Le voyage jusqu'à la faculté fut tendu, bien sûr. Nous ne savions pas vraiment à quoi nous attendre, en vérité, mis à part à une confrontation douloureuse, ce qui serait déjà beaucoup. Nous étions partie en avance pour pouvoir parler. Nous arrivâmes aux alentours de onze heures à la fac... Et Sarah nous attendait devant le portail. Elle semblait nerveuse. Quoi de plus normal. Elle nous sourit dès qu'elle nous vit.

« Vous êtes sûre de ce que vous dites ? J'ai remarqué qu ça tournait sur moi aussi, mais c'était des choses dont j'avais tellement rien à foutre que je n'y ai pas fait attention. Je ne la voyais pas comme ça... C'est si décevant. »

Elle soupira et nous fîmes de même. Il fallait que nous le fassions, il le fallait. Doucement, le pas lourd, nous nous dirigeâmes vers l'atelier. Elle ne pouvait être que là. Et nous avions raison...Blandine peignait, comme si de rien était. Et à trois, nous nous dirigeâmes vers elle, la peur au ventre, en espérant secrètement que les gens avaient tord, qu'elle n'était pas cette hypocrite qu'on nous dépeignait. Elle releva la tête et sourit.

« Bah,qu'est-ce qu'il y a ? »

Elle semblait si innocente ! J'avais du mal à croire qu'elle nous ait fait ça. Fanny explosa.

« Arrêtes avec tes airs de Sainte Nitouche ! On sait que tu parles dans notre dos, Blandine ! Et pas en bien ! Je croyais que tu étais notre amie ! On t'a toujours dit ce que l'on pensait en face, nous. On a toujours été franches ! Et jamais, jamais nous ne sommes allés balancer ta vie à des inconnus. Pourquoi tu as fais ça, hein ? Tu cherches quoi ? À nous humilier ?Parce que franchement, là, c'est réussi. »

Le visage de Blandine se métamorphosa soudainement. Elle avait l'air si mauvaise, d'un seul coup. Elle éclata littéralement sa palette sur le sol.

« Pourquoi ?Tu l'oses me le demander ? Vous vous plaignez tout le temps !Toujours à pleurer pour des simagrées ! Entre toi et ton passé soit disant merdique... T'es même pas allée en garde à vue, te plains pas. Et toi Dinah, toujours à chouiner alors que tu as une vie des plus chouette et un petit ami admirable ! Tout ça pour aller tomber amoureuse d'une ancienne taularde qui conduit une moto !Laisse moi rire ! »

J'avais bien entendu ? Elle avait bien dit ex-taularde, pas vrai ? 

EllesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant