La neurotypie

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Tous me le disaient, mais moi, retranchée dans ma peur d'être différente, je ne voulais pas l'admettre. "Surdouée". Je trouve ce terme un peu trop pédant, trop prétentieux.
Mais il agit bel et bien de ma triste réalité.
J'ai un quotient intellectuel largement supérieur à la moyenne, mais un quotient émotionnel largement inférieur. Cette différence me pèse et ruine ma vie depuis plusieurs années déjà. Je n'en savais rien jusqu'à il y a peu, et, heureuse de pouvoir enfin mettre des mots sur mon malheureux sort, j'en ai parlé à mon meilleur ami.
Je lui ai tout raconté, mais il est parti, mettant en cause ma vantardise et ma soi-disante manière de le rabaisser sans cesse en indiquant ce nombre censé représenter la valeur de mon cerveau.
J'ai eu beau lui expliquer que je ne me considérais absolument pas comme un être appartenant à une race supérieure, il a mal pris me fait de n'être "qu'un neurotypique" en comparaison.
Seulement, il ne se rend pas compte que mon rêve le plus intime aurait été d'être comme lui et de rentrer sans la norme imposée par la société.
Cependant je dois me contenter de cette intelligence inutile que m'ont si gentiment offert mes géniteurs et qui me sépare des autres mammifères. D'ailleurs, la rencontre avec certains d'entre eux peut être assez problématique, surtout si leur niveau de compréhension et de tolérance s'approche de la nullité.
Je me sens moi-même nulle.
Et coupable.
Coupable, car ce qui semble être un don, est devenu, au fil du temps, une terrible malédiction : j'ai perdu le seul être qui me comprenait à cause de ce cerveau trop rempli et fonctionnel.
Moi, je n'en veux plus. Ce n'est pas une chance.
Je suis un zèbre qui en a marre de se cacher derrière ses rayures car il est trop différent pour s'intégrer réellement.

Surdouance, mais pas trop non plusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant