Past [Partie 2]

83 15 1
                                    

Après tout ce qui m'était arrivé en peu de temps, j'ai commencé à sombrer de plus en plus. Je me suis mise à enchaîner les insomnies et à me renfermer sur moi-même. Le harcèlement que je subissais à l'école ne cessait de grandir et au fil des ans, je me laissais faire, ne ripostais plus, abandonnais. Au fond cela me blessait, mais c'était comme si je ne ressentais plus rien, que je n'étais plus qu'une coquille vide. J'étais tellement sensible que mon hypersensibilité, pour me protéger, se mutait parfois en insensibilité totale, si bien que, de temps en temps, je me demandais si j'étais encore vivante. Physiquement oui, mentalement non. 

Les années passaient et tout allait en s'empirant. Moi qui adorait l'école malgré tout, je me mis à la détester puis je développai une phobie scolaire. Je tombais malade tous les lundis matins mais au bout d'un moment, plus personne ne me crus quand je disais avoir mal au ventre. On me forçait à y aller. Je me sentais de plus en plus seule. Je cessai de me plaindre puisque de toutes façons cela ne changeait rien à ma situation. Et me renfermai encore plus.

Au fil du temps je compris que j'étais devenue la tête de turc de tous depuis bien longtemps. Personne ne m'aimait, on m'accusait de tout, même les parents de mes amis me rejetaient toujours la faute dessus car c'était moi "la violente", celle qui "influence les autres" alors qu'en réalité c'étaient leurs gosses qui m'avaient rendue ainsi. Je voulais rire tellement c'était pathétique comme situation. Il y avait juste cette fille qui me suivait depuis le début de la primaire et qui restait toujours avec moi. Mais en elle comme en tous les autres, je n'avais pas confiance. Et elle, autant que tous les autres voir même plus, m'énervait. Comment avait-elle réussi à s'en sortir tandis que moi je m'enfonçais encore plus ?

Tout le monde m'énervait. Pourquoi devais-je souffrir et subir leur attitude ? Pourquoi moi ? Qu'avais-je fait ? Sûrement de la jalousie, je me dis, sans vouloir me vanter. 

Au final mes parents ont commencé à s'inquiéter. J'ai enchaîné les psys, mais ce qu'ils ne savaient pas, c'est qu'il était déjà trop tard. J'étais quasiment au plus bas.

Puis j'entrai en quatrième.

Juste avant la rentrée, mon père déménagea une nouvelle fois car ça ne s'était pas bien passé avec sa copine. On s'est retrouvés dans un appartement au centre-ville de notre petite ville de campagne, voisins d'une fille de mon collège que j'admirais de loin sans oser lui parler. Mais grâce à ce déménagement, on devint proches. Tellement que je fus la première personne de toute sa vie qu'elle appela "meilleure amie". 

Grâce à un nouvel élève, je changeai du tout au tout : depuis ma manière de m'habiller jusqu'à ma manière d'être. Je me laissai être moi. J'étais beaucoup mieux ainsi et même aujourd'hui alors que je pense qu'il ne m'a jamais réellement appréciée et qu'il a totalement coupé les ponts avec moi depuis un bail, je lui en suis reconnaissante. Il a été le premier à m'aider à m'affirmer même s'il ne l'a pas fait exprès.

Cette année-là j'ai aussi pu goûter le bonheur d'être en couple. Du moins c'est ce que je croyais quand un garçon de ma classe m'a fait sa demande. J'étais si heureuse et par un concours de circonstance, j'ai été amenée à accepter. Mais cette relation n'était pas du tout ce à quoi je m'attendais : on ne traînait jamais ensemble, on ne se parlait pas et c'était à peine si l'on se disait bonjour le matin. Au bout d'une semaine j'en eus marre et lui en parlait. Le lendemain fut l'un des plus beau jour de ma vie et le surlendemain, tout était fini. Quelque temps plus tard, j'ai appris qu'il était sorti avec moi pour un pari. Si je me souviens bien, il s'est fait 10€. Il aurait pu partager avec moi, quand même...

J'ai un peu de mal avec l'amour depuis.

Puis un jour, je rencontrai mon voisin, celui qui avait sa fenêtre juste en face de celle de ma chambre. On a entretenu une relation très particulière jusqu'à ce que je déménage de nouveau. Car il n'est pas donné à tout le monde de pouvoir discuter comme ça par la fenêtre tous les soirs, parler de tout et de rien avec lui ou sa mère, se faire la guerre en envoyant ses affaires chez l'autre, établir des codes pour se parler, etc. Ces moments étaient très libérateurs pour moi. Mais au collège on faisait comme si on ne se connaissait pas. C'était douloureux pour moi, mais je comprenais : il traînait avec les gens qui me harcelaient. 

Mais bon. Il m'a quand même bien aidé, et sa mère aussi.

Mais malgré tout, je touchais le fond sans arriver à remonter. J'ai commencé à me blesser pour me défouler à partir de la fin de la quatrième. Je faisais des crises de colère en rentrant chez moi, dieu merci j'étais seule dans ces moments-là.

Fin de l'Automne de mon année de troisième, la gendarmerie est venue m'annoncer la tentative de suicide de ma meilleure amie. Qui plus est, elle m'avait choisi comme excuse pour sortir de chez elle. Je me sentais inutile, seule. Je ne pouvais en parler à personne, je ne voulais rien. Au fil de l'année mes rapport avec mes amis se sont dégradés, je me suis mise à les détester sans aucune raison, je ne voulais plus rien, juste fermer les yeux et pouvoir me reposer. Pendant les vacances d'Avril, mon ex est revenu me parler pour me harceler et me faire du chantage. Le lundi de la rentrée de ces vacances, des filles de ma classe se sont moquées du fait que je me mutilais parfois. Le mardi suivant, les pompiers m'emmenaient à l'hôpital.

J'y suis restée une semaine. J'étais bien, c'était calme, je n'avais aucun moyen de communiquer avec l'extérieur mais de toutes façons je n'en avais pas la moindre envie. Le weekend, je pus sortir avec mes parents puis ils me ramenèrent à l'hôpital. Lorsque je rentrai chez moi pour de bon, je ne retournai pas de suite à l'école. La semaine suivante, le jeudi, j'y allais juste pour discuter avec la principale et mon professeur principal. Je repris les cours la semaine d'après. Peu de gens s'étaient inquiétés pour moi et ironie du sort, les seuls si l'on puis réellement dire ça, étaient certains de mes harceleurs car la principale était allée voir ma classe pour leur dire que je ne "me sentais pas bien dans ma tête". 

Et je finis l'année comme une formalité, avant d'aller chez les flics pour témoigner. Même si je crois bien que ça n'a servi à rien.

Maintenant que je suis au lycée, ça a changé. Je ne suis plus dans la même ville alors les gens sont différents. Je ne peux toujours pas me faire d'amis comme j'aimerai mais au moins plus personne ne m'insulte du moins pas devant moi. Je sais qu'il y a des gens qui m'apprécient, et c'est déjà ça. Alors, peu à peu, je réapprends à vivre. Je me rends compte petit à petit que parfois, les gens c'est bien. Que l'on peut parfois en venir à les apprécier.

Je ne peux toujours pas faire confiance, mais je peux apprécier quelqu'un. C'est déjà un grand pas en avant. 

Et ce n'est que le début.

Surdouance, mais pas trop non plusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant