L'île maléfique (BxB) (WATTYS 2016, trésor caché)

Chapitre 14

Evan

Allongé sur le dos, il fixait le plafond irrégulier de la caverne. Il ne l'avait jamais autant regardé que depuis les trois jours qui venaient de passer à une lenteur incroyable. Et lui n'avait que très peu quitter cette grotte. Uniquement pour se laver et se soulager, veillant toujours à rester à une distance respectueuse et prudente du blond. L'autre avait mis des heures à revenir, et quand il était revenu, il avait mauvaise mine. Les traits tirés, l'air coupable. Evan lui s'était juste senti vide et il n'avait pas bougé d'un poil, le corps douloureux, se contentant de surveiller son ancien amant. Le gosse de riche avait retrouvé son comportement habituel. Il ne l'avait pas approché, avait juste essayé de bredouiller des excuses qu'Evan avait balayées d'une voix glaciale. L'autre n'avait pas insisté, il était ressorti de l'abri, la tête baissée.

Les heures et les jours qui avaient suivi, Evan les avait passés à penser. Le blond avait réduit ses espoirs à néant, son cœur en miette. Il savait bien que ce qu'il s'était passé n'était pas normal, il le sentait. Que Téo change à ce point juste après l'attaque de l'arbre ne pouvait être une coïncidence. Ce qu'il ignorait, en revanche, c'est si l'arbre avait révélé la nature réelle de Téo ou si au contraire il l'avait fait disjoncter. Était-il un gentil garçon qui avait pété un câble, ou un beau salaud qui avait caché son jeu depuis le début ? Pour le savoir, Evan allait devoir lui parler, et pour le moment, il n'était pas près. Son corps se remettait à peine de l'agression, quant à son cœur et son âme, il ignorait s'ils s'en remettraient un jour.

En attendant, Téo lui amenait régulièrement de quoi se nourrir et boire et chaque fois, Evan reculait en sursautant, redoutant une nouvelle saute d'humeur ou un geste déplacé de son compagnon, mais celui-ci se contentait de grogner quelques mots, de lui déposer la nourriture et de redescendre au pied de la grotte. Il y restait quasiment en permanence, le dos appuyé à la paroi. Apparemment, il attendait comme un condamné qu'Evan daignât lui livrer son verdict quant à cette situation.

Le soir du troisième jour, il se décida. Aucun des deux ne pouvait continuer comme ça. Evan avait besoin de sortir, de marcher et de manger autre chose que des fruits et Téo... Il se fichait de ce dont il avait besoin, mais il n'en pouvait clairement plus non plus. Prenant son courage à deux mains, il appela le blond doucement, espérant presque que l'autre ne réponde pas. Sauf qu'à peine sa voix se fut-elle élevée que Téo releva les yeux et monta précipitamment dans l'abri.

– Je te préviens Téo, un seul geste suspect et je te poignarde avant de te pousser dans le vide. Alors, reste bien où tu es, là, juste au bord.

– Comme tu voudras...

Au final, Evan se sentait plutôt calme. Il se tenait debout à quelques mètres de l'autre homme, le canif serré dans la main, les yeux plantés dans les orbes grises. Téo était cerné, fatigué, inquiet. Inquiet, Evan en aurait presque ri. C'est lui qui aurait dû être inquiet, pas son agresseur. Il hésita à l'insulter, mais il se rendit compte qu'il n'avait pas envie de hurler, ni même de le frapper. Il voulait juste être froid, lui faire mal, l'oublier.

– J'ai beaucoup réfléchi ces derniers jours, et tu avais raison sur un point, j'ai besoin de toi pour vivre. J'ai hésité à te tuer dans ton sommeil d'ailleurs, mais je signerais mon arrêt de mort aussi. Tu... as complètement anéanti mon ego, brisé mon estime de moi... Entre autres... Tu as tout gâché. Et je n'ai plus rien à perdre maintenant, alors si pour survivre je dois faire la pute, tant pis.

Il mentait, l'idée même de recoucher avec son tortionnaire le révulsait. Mais il espérait capter quelque chose dans la réaction de Téo, un indice qui lui dirait si cette horrible scène avait juste été un écart incontrôlé ou sa vraie nature. Et c'est avec un soulagement non feint qu'il vit l'autre écarquiller les yeux d'horreur.