Evan
Pensif, Evan regardait par la fenêtre. La vue n'avait pourtant rien d'exceptionnel, d'ici, il n'apercevait qu'un petit parc dont les friches hurlaient l'abandon. Il n'en pouvait plus de cette chambre d'hôpital ; elle lui rappelait toujours et encore leur dernière journée sur l'île, leur fuite désastreuse. Tout s'était déroulé si vite...Téo avait sauté au milieu des méduses, tandis que ses bras à lui, dans une tentative de le retenir, s'étaient refermés sur du vide. Evan n'avait rien vu venir, il n'avait même pas pensé une seconde que son amant commettrait pareille folie. Il s'en était voulu alors qu'il réalisait l'horreur de la situation. Le banc de mollusques l'avait empêché de voir son sauveur évoluer sous l'eau. Le jeune homme avait bien tenté de leur asséner de puissants coups de rame pour les chasser, mais rien n'y avait fait, les bestioles étaient restées agglutinées autour de lui. Il avait ragé, hurlé, pleuré, supplié aussi, jusqu'à ce que son radeau bondit en avant. Libérée de ses entraves, l'embarcation s'éloignait à une vitesse folle, emportée par la marée et le vent, loin de l'île. Loin de Téo. Evan n'avait alors pu que s'agripper pour ne pas tomber à son tour.
Evan se souvenait encore de son hurlement de désespoir à ce moment-là, du sentiment d'impuissance qui l'avait ravagé. Puis de sa fougue lorsqu'il s'était remis sur pied pour ramer à s'en arracher les bras. Il ne voulait pas perdre Téo. Partir sans lui n'avait aucun intérêt, et demeurerait une victoire sans saveur si jamais il venait à être sauvé. Non, c'était même une défaite totale : l'île les séparait. Définitivement. Il se demandait depuis combien de temps Téo était sous l'eau, et s'il pouvait vraiment survivre aussi longtemps sans respirer lorsqu'il avait vu Okaasan émerger, un bras du garçon inconscient coincé dans la gueule. Leur sauveuse avait nagé jusqu'au radeau, y avait déposé son précieux fardeau avant de retourner sur cette île maléfique.
Evant s'ébroua. Non, il n'en pouvait plus de cette chambre, et pourtant, impossible pour lui de la quitter. Ses yeux se posèrent sur le visage de son tendre amour, son cœur se serra aussitôt. Téo demeurait immobile, jour après jour. Pas le moindre signe de vie hormis les bips incessants des machines. Les doigts d'Evan tracèrent le contour de la mâchoire, chatouillèrent les joues creuses, s'égarèrent sur les yeux clos. Les rouvrirait-il un jour ? Le rescapé y croyait encore malgré les annonces des médecins. Selon eux, son Téo était en état de mort cérébrale depuis des mois.
Lorsqu'ils avaient été retrouvés par un navire de pêche, Evan était dans un état alarmant alors que son compagnon, lui, menaçait de décéder d'une minute à l'autre. Les deux premiers jours de leur errance sur l'océan, il était resté somnolent, délirant, sans doute à cause du venin des méduses. Et comme Evan avait très vite manqué d'eau potable, ils avaient commencé à se déshydrater, ce qui avait aggravé l'état de Téo. Il avait sombré dans l'inconscience depuis de longues heures déjà, quand un hélicoptère les avait hélitreuillés pour les évacuer vers l'hôpital le plus proche. Il ne s'était jamais réveillé.
Dès qu'Evan avait pu sortir de sa propre chambre, il s'était précipité à son chevet et y avait passé ses journées entières, ses nuits. Il lui parlait, toujours et encore, lui racontait tout et n'importe quoi, juste pour que l'autre entendît le son de sa voix. Evan attendait son réveil. Il croyait à son réveil. Au début, les parents de Téodor le soutenaient, trop heureux de retrouver leur fils, ils n'avaient pas émis la moindre réserve sur la présence d'Evan, n'avaient pas posé la moindre question au sujet de la relation qui liaient les deux adolescents. Ils venaient tous les jours, souvent avec la mère d'Evan. Les médecins faisaient des analyses quotidiennes, essayaient de nouvelles choses en expliquant leur méthode avec des termes que le pauvre jeune homme ne comprenait pas. Et puis, il y avait eu cette annonce fracassante. Son état s'avérait irréversible, le score de Glasgow ne mentait pas. Ils ne le maintiendraient en vie que par devoir, pas par envie. Peut-être pour prélever ses organes, un jour, quand les parents se sentiraient prêts.
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L'île maléfique (BxB) (WATTYS 2016, trésor caché)
Macera⚠ ADULTE ONLY ⚠ *Enemies to lovers* Cela aurait du être une croisière classique. Un bateau de luxe. Des personnes âgées partout. Le ciel bleu azur, les plages de sable fin et les soirées mondaines à n'en plus finir. Téo aurait pu s'y ennuyer toutes...