Chapitre 25

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Téo

Un bruit sourd et répétitif, comme un léger tambourinement, le tira de son sommeil. Pendant de longues minutes, il resta immobile, à l'affût de ce bruit étrange sans parvenir à l'identifier. Puis il comprit : il pleuvait à verse. Des litres et des litres d'eau se déversaient sur eux, creusaient des ravines au sol, les transformaient en ruisseaux qui serpentaient entre les pierres. Pourtant, il esquissa un sourire. Pour lui, l'île pleurait sa défaite. Son sourire s'élargit davantage quand il réalisa qu'il le pensait vraiment, il en était même intimement persuadé : ils avaient gagné. Bien sûr, le radeau n'existait pas encore, ils ne possédaient pas même un rondin, mais ils y parviendraient, ce n'était qu'une question de temps. Et du temps, ils en avaient à revendre, coincés sur cette île. Ils n'avaient même rien d'autre à faire que survivre, s'aimer et penser à s'évader.

Il laissa filer une dizaine d'autres minutes avant de s'étirer, s'admonestant de se lever. Une fois sur pieds, il constata avec entrain que sa cheville ne lui procurait enfin plus aucune douleur. Il la bougea de gauche à droite avec délicatesse. Puis il se hissa sur la pointe, fit quelques pas dans cette posture avant de reposer les talons au sol. Décidément, cette journée commençait bien. Il raviva le feu avec les quelques bûches bien sèches entreposées dans la grotte avant de s'asseoir sur un de leur tabouret de pierre. Devait-il commencer par manger, ou attendre son bel endormi ? Un petit soupir et un sourire béat de ce dernier le décidèrent à attendre, et pour passer le temps il attrapa les deux morceaux de feuilles déchiquetés qu'ils avaient ramenés la veille ainsi que les arêtes de poisson et les lianes. Avant de se pencher sur son travail, il jeta un autre regard à son petit brun aux yeux de glace. Il dormait toujours aussi paisiblement, pelotonné sur lui-même. Vu leur folle nuit, le pauvre en avait bien besoin. Avec un sourire idiot, le blond se reconcentra sur sa tache. Il n'en revenait pas à quel point c'était chose facile depuis la veille, avec ce plan d'il ne savait quoi citronné planté à côté de l'entrée.

Pendant quelques minutes, il se perdit dans ses réflexions. Il se demandait par où commencer, promenant son regard sur leurs maigres possessions avant de poser liane et feuilles pour se concentrer sur les arêtes. Il en brisa quelques-unes qui étaient bien trop fragiles avant de tomber sur une souple et solide avec laquelle il put faire une aiguille de fortune qu'il plaça précieusement sur le côté. Il n'avait pas vraiment envie de devoir retourner pécher parce qu'il l'aurait bêtement perdue. Ensuite, il se saisit de la liane. Elle était trop dure, trop sèche pour lui donner un fil qui ne serait pas cassant, aussi le garçon eut-il l'idée de la ramollir dans de l'eau. Comme pour les arêtes, ses premières tentatives furent des échecs. La première fois, il oublia la liane et se retrouva avec un bouillon infâme. La deuxième fois, ne voulant se refaire avoir, il la sortit trop tôt de l'eau, se brûlant les mains au passage. Agir dans la précipitation n'avait rien de bon. La troisième fois, il réussit enfin, mais la séparer en fil lui demanda du temps, beaucoup de temps et il dut refaire tremper les plantes de nombreuses fois avant d'avoir une quantité de fil satisfaisante. Pour consolider la chose, il tressa les matériaux obtenus, puis se saisit des deux morceaux de feuilles quand la voix endormie d'Evan s'éleva, juste derrière lui, le faisant frissonner malgré lui.

– Qu'est-ce tu fais ?

– Je vais coudre la voile du radeau. Ça pourra aussi servir de petit abri en cas de tempête.

– Très petit alors, ta voile ne fera qu'un mètre là !

– Je sais bien, peut-être que j'arriverais à récupérer d'autres feuilles avant notre départ, non ? Et puis, c'est toujours mieux que rien...

– Pas faux. Mais tout de même, je doute que ça tienne pendant une tempête mon chéri, se moqua Evan.

Tout en s'esclaffant, son amant leur prépara deux infusions. Le goût de la plante n'était vraiment pas terrible, mais ils n'en avaient cure. Vu l'effet bénéfique qu'elle avait sur eux, c'était même tut à fait secondaire. Alors qu'il était penché sur son ouvrage et qu'il cousait soigneusement les deux feuilles entre elles, son amant reprit la parole.

L'île maléfique (BxB) (WATTYS 2016, trésor caché)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant