L'île maléfique (BxB) (WATTYS 2016, trésor caché)

Chapitre 24

NDA: comme vous le voyez, je fais participer l'île aux Wattys. Je ne sais même pas trop pourquoi en fait, mais bon, après tout, pourquoi pas^^ ( 2016)

Evan

Cette fois, les rôles étaient inversés. Tandis que Téo s'escrimait à vouloir découper les énormes feuilles, c'est lui qui le regardait sans rien faire. Les tiges des plantes semblaient se reconstituer au fur et à mesure, s'il s'acharnait encore ainsi, il allait finir par briser la lame de son canif. Lui s'était uniquement chargé des lianes qu'il avait enroulées et fourrées dans sa besace, et à présent il se prélassait dans l'herbe. Il n'avait non seulement rien de mieux à faire, mais il n'en avait pas non plus envie. L'ambiance de cette forêt lui pesait, et il espérait y rester le moins longtemps possible.

Au début, il avait bien continué de réfléchir à son problème de silex, mais la chose était ennuyeuse et il avait décidé de faire une courte sieste. À son réveil, Téo n'avait pas beaucoup avancé dans sa tache et commençait à s'énerver, jurant comme un charretier. À ses pieds, gisait uniquement deux pauvres feuilles déchirées, la cause de son énervement sans doute. Son compagnon avait pourtant de la patience, surtout comparé à lui, mais il fallait croire que l'île venait à bout de tout à la fin. En serait-il de même de leurs sentiments ? Non, Evan était sûr que non. Enfin, en considérant que Téo avait des sentiments pour lui. Il n'en était pas totalement sûr, mais ça en avait tout l'air, sinon il n'envisagerait pas d'avoir un bébé !

Un bébé. Le brun se demandait comment les pensées de son amant avaient pu dériver au point de les imaginer avec un bambin. Lui n'avait même jamais réfléchi à ce genre de chose, il était trop jeune, leur couple aussi et ils étaient coincés sur une île mortelle. Non, vraiment, il ne voyait pas. Distraitement, il cueillit une fleur des plus étrange. Bleue, avec des pétales ornés de motifs jaunes et rouges ressemblant de manière étrange à des yeux. Cette fleur avait quelque chose d'inquiétant, mais sans savoir pourquoi, il la porta à son visage pour en humer l'odeur. Un bébé. Décidément, cette idée était non seulement loufoque, mais elle était aussi terriblement stupide. Un bébé. Qu'est-ce qu'ils allaient bien pouvoir en faire ?

Même s'ils revenaient un jour dans une ville et rien n'était moins sûr, ils ne réussiraient jamais à gérer une de ces petites choses hurlantes et « vomissantes » lui n'était littéralement qu'un fils de pute et son homme n'était rien d'autre qu'un enfant gâté ne sachant rien faire par lui-même. ! Et puis, il fallait rester lucides, les gays avaient peut-être le droit d'adopter, personne de censé ne leur confierait un bébé. Et tant mieux, ça n'aurait pas été sain pour l'enfant.

Ce point de vue rétrograde mit terme au flot de pensées d'Evan et il se redressa en fronçant les yeux, lâchant la fleur par la même occasion. La réflexion qu'il venait d'avoir était anormale. Parce que même par le passé, quand il refusait encore son homosexualité, il avait souvent été choqué par les manifestations contre le droit au mariage et à l'adoption des couples homosexuels.

Par curiosité et par ennui, il avait même vu une ou deux émissions de télévision ou les deux « camps » exposaient leurs arguments. Et il n'avait jamais compris ceux de la « manif pour tous ». En quoi des enfants élevés par deux personnes du même sexe devraient-ils devenir moins stables que les autres ? Vu le contexte actuel de la société où des gamins se retrouvaient avec deux maisons, des demi-frères et sœurs à ne plus savoir qu'en faire, cet argument de la stabilité lui semblait aberrant.

Il pensait également sincèrement que l'éducation comptait bien plus que le sexe des parents. Dans ce cas, pourquoi donc avait-il estimé, quelques instants auparavant, qu'ils n'étaient pas aptes à adopter ? Perplexe, son regard se posa sur la fleur qui gisait sur ses genoux. Les yeux semblaient le narguer, suspicieux, il s'en saisit et se pencha pour en humer la corolle. De nouveau l'idée qu'il fallait être inconscient pour confier un enfant à deux êtres tels qu'eux le traversa.