Je remonte vivement la fermeture éclair de ma combi et sort. Plus tôt je serais partie, plutôt je serais rentrée. Je referme soigneusement la porte derrière moi, donne deux tours de clés et les glisses dans ma poche. J'habite au dernier étage d'une tour qui en compte cent cinquante. C'est un très bel immeuble en verre, partiellement recouvert de verdure. L'un des plus beaux d'Incarnat. Il est extrêmement moderne, compte trois parkings souterrains, une station de train suspendu et de très nombreux bureaux et magasin, du zéro au vingtième étage. Il y a des gens qui arrivent à compenser leur vide avec de l'argent. Je ne les comprends pas.
Je salue rapidement une voisine à la veste blanche et au chignon serré avant d'appeler l'ascenseur. Nous en comptons vingt unis personne et un grand pour les déménagements où les personnes handicapées. Je me glisse dans le tube de verre, le nez sur mon portable, et ajuste mon sac à main en latex. Les porte se referment et je me mets à descendre à toute vitesse dans les étages. Je regarde la ville, dehors, et le sol qui se rapproche. Plus on descend, plus j'aperçois de personnes au dehors. J'ignore un voisin Sytarien qui me regarde descendre, et détaille les devantures des boutiques à la recherche d'une veste en cuir doublée de fibre d'aluminium. Elle a été, selon ses créateurs, conçue pour diffuser de bonnes ondes à notre corps, mais moi je la voudrais surtout pour son design rebelle et pratique.
Je me rapproche du niveau 3, où se trouve la station de train suspendu, et me prépare à sortir. Je jette un coup d'œil à mon reflet. Je porte une combinaison gris brillant ceinturée à la taille avec des rebords en fils d'aluminium, et une veste noir en cuir à fermeture éclair. Elle est assez moulante mais je l'aime bien quand même. Au pied je porte mes bottes impression métal à talons compensés, que j'adore pour leurs designs ultra modernes. Un instant, je croise mon regard vif, me dévisage, avant de me forcer à sourire de manière décontractée. Je me détourne, ajuste ma veste avant de sortir, et savoure le bruit de mes talons qui frappent le sol. Je trouve ça hyper féminin. Il y a déjà de nombreuses personnes devant les magasins, assises sur les bancs, discutant un verre à la main. Je me dirige vers des portes battantes en plexiglas, et m'arrête au niveau du portail magnétique. Il ne faut qu'une demi-seconde à la machine pour reconnaître la signature magnétique de mon oreillette et permettre mon passage. Ce gadget est obligatoire. Il contient ma carte d'identité, mes diplômes, et toutes les autres informations me concernant, dont mon numéro de compte en banque et l'argent dont je bénéficie.
La porte se referme derrière moi dans un claquement magnétique, et je me retrouve sur une grande plateforme d'attente. D'autre magasins, des fontaines à eau et des bancs sont au service des gens qui attendent plus ou moins patiemment leurs trains. Pas un mot trop fort dans ce lieu ou patrouille régulièrement la police. Juste des automates. Des clones, dépareillés, qui ne savent plus penser.
Je jette un bref regard à un groupe de garçon qui me fixe comme si j'étais leur petit déjeuner. L'un d'eux me fait un clin d'œil, et je fais exprès de réprimer un rire. J'aimerais qu'ils comprennent ce que ça signifie. Qu'ils ne sont rien pour moi. Qu'ils n'intéressent pas, qu'ils me dégoûtent. Parce qu'ils ressemblent tous aux autres. Parce qu'ils sont tous les même. Parce qu'il y en a des milliers comme eux, que leur personnalité m'écœure car elle est une preuve de la standardisation du monde, de l'uniformisation des gens, qui pensent tous la même chose, on tous la même histoire, les mêmes idées, les mêmes passions, les mêmes combats. Ces gens qui laissent la vie les mener, au hasard, sans chercher de sens, de but, d'objectif. Qui voient la vie en 2D, à plat, sans relief. Au milieu d'eux, j'ai l'impression de venir d'une autre planète. De parler un autre langage. J'ai longtemps voulu m'abandonner à la futilité. Ne penser plus à rien, me noyer dans les biens matériels et me soûler tous les soirs. Mais je sais que je ne le ferais jamais. « Il faut que tu sois forte ».
J'emprunte un long couloir tapissé de vitre de verre pour me rendre au quai huit. J'aperçois mon train qui arrive et me met à courir vers les escaliers. Je m'arrête devant le point d'embarquement, légèrement essoufflée. La machine glisse sur les rails et s'immobilise dans léger crissement. Un signal bleuté suivit d'un son cristallin avertissent de l'ouverture des portes.
Je m'installe près de la vitre, calée sur la banquette, et je sors ma deuxième oreillette de mon sac, avant de la connecté à mon portable. La musique commence, d'une netteté parfaite. Je me perds dans les notes tandis que le train démarre dans un léger balancement. En contre bas, j'aperçois l'autoroute, et les voitures dernière génération à moteur Silence pro. Leurs silhouettes féminines et étincelantes se détache de la brume matinale qui semble couler dans les rues.
Je me laisse aller contre le dossier de cuir, les yeux fermés, concentrée sur la musique, qui se répète en écho dans mon esprit, me faisant frissonner.
- Je peux ? Demande soudainement une voix qui me sort de ma rêverie. J'entrouvre les yeux pour lui jeter un regard. Un garçon de mon âge, dix-huit ans peut-être. Je hoche vaguement la tête et me tourne pour regarder par la fenêtre. J'esquisse une moue dégoûtée en apercevant les vidéos propagandes projetées sur les écrans des immeubles.
La station suivante approche, et c'est à celle-là que je descends. Je me lève, mais mon voisin se lève aussi, un léger sourire aux lèvres. J'ai l'habitude de ce genre de comportement. C'est commun. Celui-là ne va rien comprendre à sa vie...
A peine impressionnée, je lui jette un coup d'œil, analysant sa morphologie. Grand, mince, une musculature voyante, mais due uniquement à des exercices de musculations. A mon avis, il ne pratique pas de sport de combat, et ne possède donc aucune technique. La forme dans sa poche m'informe qu'il possède un pistolet, et c'est ça qui doit le faire sentir aussi sûr de lui, ainsi que le fait qu'il soit Sytariens, que donc il pense qu'il ait tous les droits, et, qu'accessoirement, je sois une fille. Une fille pas comme les autres.
- Pardon, fis-je à mon avis trop brusquement à son goût.
- Oh. Tu me parle autrement OK ? Réplique-t-il, en levant une main menaçante.
- Pardon monsieur, pouvez-vous avoir l'obligeance de me laisser passer ?
J'ai essayé de dire ça d'un ton neutre, mais ma voix tranchante me trahis et la phrase sort comme une insulte. Il s'approche de moi. Je vois ses yeux étinceler. Les miens soutiennent les siens avec audace. Je sais que tout le monde nous regarde. Je sens le poids de leurs regards sur nous. Personne ne viendra m'aider. Personne ne se lèvera pour intervenir, parce que tout le monde sait que ceux qui ont le cran de se comporter comme ça ne sont autres que les fils de nos ennemis. Ne sont autres que des Sytariens.
De toute façon, je n'ai besoin ni d'eux, ni de personne d'autre. Ne compter que sur soi-même. C'est l'une des règles que je me suis fixée pour être forte.
- Non.
Je me prépare, tout en me concentrant pour paraître détachée, prête à passer la main dans ma veste à l'emplacement de mon revolver. Je croise les bras et lui jette un regard provoquant. Je n'ai pas peur. Je n'ai peur de personne. A une exception prête.
Du coin de l'œil, j'aperçois les passagers qui nous fixe. Un autre garçon à lever les yeux de son portable et nous dévisage avec amusement. Je lui lance un regard noir. S'il fait tellement le malin, il pourrait venir m'aider. Mais non. Personne ne bronche. Ça ne m'étonne absolument pas. Ma main glisse dans ma blouson d'un geste automatique. J'appuie sur le bouton. Mon gun se déplie en un cliquetis, et je le sors tranquillement de ma veste. Il sourit et sort le même. Je lève un sourcil et sort mon deuxième flingue. Il pâlit. C'est à mon tour de sourire.
Le train suspendu s'arrête. Les portes s'ouvres.
- Maintenant, dégage le terrain. Dis-je d'une voix glaciale.
Il s'écarte. Victoire.
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Expérience 21
Ciencia FicciónPeut-être que la force est pour vous une notion abstraite. Que vous contemplez chez le sexe opposé. Que vous admirez chez vos semblables. Mais pour moi, la force est un concept clé. Le seul qui m'ait permis de survivre, jusqu'à présent. Sans cet obj...