Tisseur de Rêves

8- Nombriliste

Ça ne pouvait plus durer comme ça.

NON !

Impossible !!

Cela fait plus de quatre jours que je fais ces rêves doux-amer avec cet homme. Toujours pleins de charmes, romantique. Toujours avec des petites attentions particulières... Et la seule chose que je retiens de lui - à part son corps magnifique qui m'électrise à distance et ses mains magiques - c'est le grain de beauté qu'il a au coin de sa bouche.

Chose bizarre, comme la première où il m'a souhaité un joyeux anniversaire, nous ne parlons pratiquement pas. Sa voix rauque me commande et je m'exécute sans jamais pouvoir poser une seule de mes dix milles questions. Non que ça me dérange en fait.

Non, ce qui m'agace, c'est cette tension sexuelle inachevée qui me réveille au petit matin, me laissant sur ma faim. On n'arrive jamais à passer le stade des préliminaires !! Même s'il faut avouer qu'il a réussi à m'offrir quelques orgasmes spectaculaires... Mais jamais avec le membre dur qui bat entre ses cuisse.

Quoi ? Je ne joue pas les timorées, moi ! J'assume pleinement d'être une jeune femme et d'avoir des envies... Envies que je dois assouvir toute seule mais qui ne me soulage pas du tout comme je le voudrais.

J'en viens presque à avoir peur de ses rêves intenses en sensations. Plus intense même, parce que j'ai l'impression d'avoir déjà vécu ces moments. Dans une vie antérieure peut-être ?!

Ce matin, je me suis réveillé alors qu'il avait réussi à me faire grimper si haut que j'en ai eu le vertige. Un simple souffle aurait pu me faire basculer dans une extase sans nom. Et ce, sans même utiliser sa troisième jambe. Vous imaginez ? Juste ses doigts sur ma personne, tandis que ses dents mordillaient mes tétons à tour de rôle.

Oui j'y étais presque... Mon corps tremblait de partout... mes hanches accompagnant ses va et vient de plus en plus fort... mon esprit se déconnectant et de mélangeant à chaque parcelles de peau en contact avec son superbe corps... oui presque... Juste un tout petit peu plus... plus fort... un souffle... plus vite... il mord mon téton droit... hmm... oui... plus... plus... Je suis tellement concentré sur nos souffles... Quand j'entend la musique de ... de mon portable éclater dans mes oreilles, me réveillant en sursaut, en sueurs, tremblant de tous mes membres à deux doigts de la délivrance. J'ai alors éclaté en sanglots, tout en insultant Dan, qui avait eu le culot de m'appeler à la meilleure partie de mon rêve.

Je me suis levé, trempée - heu, partout - pour aller prendre une douche qui aurait dû apaiser mes nerfs. Mais non ! Il a fallut que mes yeux tombent sur des traces de morsures sur mes seins, des suçons dans mon cou... Les preuves flagrantes de ce que je vis dans ces rêves érotiques !

Il vaut mieux ces marques d'un plaisir inassouvi que la douleur d'un coup de poignard dans le ventre me direz-vous ! Mais impossible.. Pourquoi ? Comment ?

Je ne comprend pas comment je ramène ces choses du monde des rêves avec moi. Pourquoi je ne récupère presque pas, alors que je passe plus de dix heures par jour à dormir. Je ne sais pas ce qui a déclencher ces cauchemars à répétition, ni même cette tension avec l'inconnu de mes fantasmes.

Et même si j'assomme Speechless - ah pardon, Mark ! - de questions au moins quatre fois par jour. Parce que oui, il est toujours là !! Aucune réponse ne me vient...

J'ai remarqué cependant des évolutions dans le style de Mr Muet. De ténébreux avec son attirail de mauvais garçon, je l'ai vu se transformer en une sorte de SDF avec la barbe mal entretenue, fourni et épaisse qui lui mangeait la moitié du visage et yeux fatigués de la vie, cheveux hirsute... Avec le même vêtement, T-shirt noir et difforme, jeans couverts de tâches douteuses depuis des jours.

Puis, il s'est transformé en un tas bizarre.

Bon, aujourd'hui il a, apparemment, appris à se servir d'une douche puisqu'il a repris forme humaine : la barbe a disparue pour laisser place à un fin duvet et des T-shirt plus colorés.

Il ne m'assassine plus, non plus, du regard quand je lui parle, mais ne me répond pas pour autant. Il me renvoie cependant, ses petits sourires énigmatiques qui font, il faut l'avouer, vibrer ma petite personne. Mais tomber sous le charme de mon hallucination personnelle et être frustrer par l'Adonis de mes rêves c'est...

Bon, soyons claire ! Avec la peau aussi blanche qu'une aspirine, ses muscles se dessinent bien plus actuellement sous son haut bleu électrique. Ses dents bien alignées attirent inévitablement le regard sur ses lèvres pleines. Et oh ?! Il a un petit point noir au coin des lèvres...comme... comment ?

- Comment va mon Grinche aux Bois Dormant ? M'interrompt une Manon que je n'avais pas remarqué, en entrant dans ma chambre.

- Rrrrg ! Je lui répond en fixant toujours Speechless du regard.

- Ok ! Tout doux Rocquette ! me lance -t-elle en levant les mains. Qu'est ce que tu es chiante au levé...

- Bonjour Manon, comment vas? Je vais pas trop mal, comme tu le vois. Qu'est ce que tu me veux ? J'embraye avant qu'elle ne se lance dans l'une de ses longues tirades sur moi, mon amour pour mon lit et mes problèmes relationnels.

- Bonjour Cocotte, je suis venue voir tes bandages ET prendre des nouvelles de l'ingrate qui me sert de meilleure amie !!

- Moi, ingrate ?!

- Ce n'est pas moi, qui répond par monosyllabes depuis plus d'une semaine, joue les ours mal baisés, ne sais plus comment fonctionne un téléphone et est incapable de me dire ce qui se passe... s'énerve-t-elle.

Étonnée, je fixe ma meilleure amie. Elle est d'un naturel calme et jovial, et c'est extrêmement rare d'arriver à entamer son optimisme légendaire. Une vérité me saute aux yeux alors. 

Elle a de petits yeux dont la brillance habituelle à disparue. Des poches énormes sous chaque œil, que son maquillage n'arrive pas à gommer. Et elle est habillé de façon... disons, comme moi ! Elle porte son T-shirt vert bouteille qu'elle utilise exclusivement pour dormir, avec un jogging noir. Je ne savais même pas qu'elle possédait ce genre de vêtement. Ce n'est pas ma meilleure amie accro à la mode et à ses originalités ! Ça non...

Depuis que toute cette merde au niveau de mes rêves a commencé, je me suis replié sur moi-même, plus que jamais, sans oser m'ouvrir à personne.

Je n'ai regardé que ma petite personne, m'apitoyant sur ma folie, sans regarder véritablement mon entourage. Sans leur faire confiance. De crainte qu'on ne me croit pas, qu'on me prenne pour une folle... Je ne sais pas trop enfin.

Je ne suis pas très confiante, je l'avoue. Et je remarque que depuis que tout a commencé, je me suis véritablement montré garce, ingrate et nombriliste. Ne prêtant attention à rien d'autre qu'à moi... Pourtant Manon a toujours répondu présente, quoiqu'il se passe. Elle a toujours été là pour moi. Indéfectiblement. M'acceptant sans condition. Me protégeant. Et me soignant, sans m'harceler de question, comme maman.

Je suis véritablement une mauvaise amie... honte à moi !