7.

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Dans les romans, il y a deux types de filles.

Un : Celle qui est le centre d'histoires d'amour impossibles.

Deux : Celle qui tend les mouchoirs.

C'est donc en débarquant en pleurs dans ma chambre que Coralie me rappelle ma condition de deux.

« Hubert m'a quittée, sanglote-t-elle. Il dit que nos différences sont irréconciliables ! »

Elle s'écroule sur mon lit, son carré de cheveux blonds en bataille, ses yeux rougis, et reprend :

« Iris, il faut qu'on regarde un film d'horreur. »

Ça, c'est la grande solution de Coralie aux peines de cœur. Les films d'horreur. Selon elle, lorsqu'on est larguée, il suffit de regarder un film d'horreur bien gore, d'imaginer que c'est son ex qui est découpé par le tueur, et on se sent de meilleure humeur. Selon elle.

« Allez, Iris. Pose ton propa-je-sais-pas-quoi et... WOW ! »

Elle a enfin relevé la tête.

Elle m'a enfin vue.

« Iris est déjà prise, ce soir, intervient Lila. »
Coralie me fixe, ahurie.
« Mais où est ce que tu vas habillée comme ça ?

- A une fête chez Aidan, répond Lila à ma place.

- Qui ?

- Aidan. Un gars qu'elle a rencontré chez Léonard.

- Ah bon ?

- Oui, et maintenant, ils se parlent tous les jours, et à chaque fois qu'elle reçoit un message de lui elle sourit toute seule devant son téléphone. »

Coralie pousse un cri suraigu, et s'exclame :
« Iris, ma chérie, tu vas enfin découvrir les joies du sexe ! »
Avant que je n'ai pu répliquer quoi que ce soit, elle saute du lit, s'approche de moi, et lance :
« Oublie ce que je t'ai dit pour le film d'horreur. Je le regarderai avec Lila. Tu...

- Coralie, tu sais que je n'aime pas les films d'horreur, et de toute façon il y a ce cours sur l'anatomie que je dois relire, et...

- On s'en fiche, Lila. Tu reliras plus tard. »

Lila se tait.
Coralie m'inspecte, et énonce :
« Bon. Ta robe, bien. Si j'avais été toi, je l'aurais choisie encore plus courte, mais tant pis. Tes yeux, parfaits. Ton rouge à lèvres aussi. Non, la seule chose qui ne va pas c'est... »
Elle retire la pince qui détient mes cheveux. Mes mèches noires s'échouent sur mes épaules, en boucles légères.
« Voilà. Là, tu es canon. »
Elle me tapote l'épaule, et renchérit :
« Sauve-toi, maintenant. Lila et moi, on t'attendra. Et tu as intérêt à conclure et à tout nous raconter après. »
Elle me pousse gentiment vers la sortie, et s'écrie, si fort que je me demande si elle n'a pas envie de mettre au courant tout le campus :

« Et dis-lui de mettre un préservatif, hein ! »
J'aurais bien aimé lui rétorquer que je ne compte pas coucher avec Aidan, mais elle m'a déjà claqué la porte au nez.

Je viens de me faire chasser de ma propre chambre.

Super.

De toute façon, c'est idiot. Je ne vais pas conclure avec Aidan ce soir. Ni aucun autre soir. C'est juste un ami. Enfin, j'essaie de me persuader que c'est juste un ami.

Les garçons comme Aidan ne s'intéressent pas aux filles comme moi. Nous sommes à l'image de Coralie et Hubert : trop différents.

A cette pensée, je ne peux m'empêcher d'être déçue.

Qu'est ce qui m'arrive ?

Je ne peux pas être amoureuse de lui.

On se connaît à peine.

Qu'est-ce que je sais de lui, au fond ?

Qu'il est mécanicien, dans une petite station-service. Qu'il n'aime pas les études –sur ce point, il s'entendrait bien avec Coralie-. Il se moque de moi, lorsque je lui parle de la fac, de la médecine. Il a deux frères, plus âgés que lui. Il n'est pas proche d'eux, juste de leurs enfants. Et il retient, encore, ma peluche panda en otage.

Voilà tout ce que je sais de lui.

Alors pourquoi ai-je l'intime conviction qu'il est le garçon que j'ai toujours cherché ?

Qu'il est quelqu'un de bien ?

Non, c'est ridicule.

Je ne suis même pas sûre qu'il m'apprécie.

Je prends une grande inspiration, et me poste devant l'entrée de l'appartement d'Aidan. Je tente de trouver en moi le courage nécessaire pour sonner. Je ne connais personne, à part lui. Et on ne peut pas dire que je sois très à l'aise en soirée.

Du calme, Iris. Il a écrit « seulement une dizaine de personnes ». Pas besoin de m'angoisser autant.

Et s'il m'a choisie pour fêter ses vingt et un ans, parmi cette dizaine de personnes, c'est qu'il m'apprécie.

Non ?

Rassurée par cette idée, j'appuie sur la sonnette.

Instantanément, un grand type dégingandé m'ouvre la porte. Les cheveux longs, accrochés en une demi-queue plutôt floue, le front décoré d'un piercing, il sourit de toutes ses dents. Comme si ouvrir des portes était la chose qu'il préférait faire dans la vie.

« Bonjour, je m'appelle Jimmy. Enchanté. »

Par-dessus l'épaule de Jimmy, je peux voir les invités danser, sans retenue, au rythme de la musique, forte à en détruire les tympans. Et il y a bien plus qu'une dizaine de personnes.

Je ne suis pas si spéciale que ça. Je dois être une fille parmi toutes les filles présentes.

Peinée, je ramène mon regard sur Jimmy, et remarque enfin qu'il me tend la main.

Je la serre. Un dragon chinois s'étend sur son bras.

« Et tu es ?

- Iris. »

En entendant mon prénom, son visage s'illumine, et il s'écrie, à l'intention des danseurs :

« Les gars ! Voilà Iris ! »

Certains se figent pour m'observer.

Gênée, je détourne le regard.

Un jeune homme se détache alors du groupe.

C'est lui.

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En espérant que ce chapitre (un peu plus long que les deux précédents) vous aura plu ! Bisous ♥

Iris Où les histoires vivent. Découvrez maintenant