40.

1K 181 27
                                    

Un mois.

Les blessures commencent à cicatriser.

Mais elles ne s'effaceront jamais.

Je ne touche plus aux somnifères, je m'efforce d'être aussi insouciante qu'avant. De convaincre les autres que tout va bien, à présent.

Les cheveux ramenés en une queue de cheval grossière, je marche, yeux baissés. Je reviens du café, où j'étais avec Coralie. C'était la première fois que nous nous retrouvions là-bas, depuis... depuis l'accident.

Ça m'a fait du bien. Comme un retour à la normale.

C'est un soir d'été, chaud et étoilé.

Les rues sont calmes. Douces.

J'aurais dû me douter que ce jour arriverait, et pourtant, je ne pensais pas que ce serait maintenant.

Il est là.

Il est là.

Aidan est là.

Mon cœur rate un battement.

Malgré moi, je ne peux m'empêcher de me hisser sur la pointe des pieds, pour mieux le voir.

Il n'a pas changé. Toujours les mêmes boucles cuivrées, le même sourire moqueur, les mêmes yeux gris.

Sauf que cette fois, il n'est pas seul.

Une petite brune l'accompagne. Elle a la peau dorée, les yeux sombres. Elle paraît heureuse. Elle rit, pendue à son bras. Elle l'aime.

Le pire, c'est qu'elle me ressemble.

Il s'est trouvé une nouvelle Iris.

Ou une nouvelle Léa, une nouvelle Camille, une nouvelle Hélène, je ne sais pas comment s'appelait la fille du début. Celle que toutes les autres n'ont fait que remplacer. Celle que je n'ai fait que remplacer.

Son regard croise le mien.

Je tourne la tête.

Trop tard.

« Pandagirl ! »

Je prends une direction au hasard.

C'est fini, c'est fini, Aidan. Ne reviens pas détruire ma vie.

« Pandagirl ! »

Il est plus rapide que moi.

Il m'attrape le bras, me force à le regarder.

« Lâche moi, j'ordonne, en serrant les dents.

- Non.

- Tu me fais mal. »

J'essaie d'être sûre de moi, mais ma voix flanche.

J'ai beau me répéter que je suis forte, je ne suis qu'une petite fleur, fragile, fanée.

« Pandagirl, je suis désolé... Je ne voulais pas... Je suis un connard, je n'aurais pas dû... »

Il plonge ses yeux gris dans les miens.

J'ai tellement envie de le croire.

« S'il te plaît... Je suis désolé. Je ne recommencerai pas. Je te le promets, Pandagirl. Je te le promets. On pourrait reprendre à zéro... »

Son pouce effleure ma joue.

J'ai tellement envie de le croire.

Il me prend dans ses bras.

« Je suis désolé, Pandagirl, je suis désolé... »

Il tremble contre moi. Il pleure.

Je me dégage, fixe son beau visage, une nouvelle fois. Je ne m'étais pas trompée, il pleure.

« Pandagirl... »

Il sent l'alcool.

J'ai tellement envie de le croire.

« Aidan ? »

J'avais oublié la présence de la nouvelle Iris. Elle nous observe, légèrement inquiète. Elle ne comprend pas, mais elle continue de sourire. Elle ne doit pas être sobre.

Est-ce qu'il va coucher avec elle ?

Est-ce qu'elle va tomber enceinte ?

Est-ce qu'il va l'ignorer ?

Est-ce qu'il va la repousser, quand elle aura besoin de lui ?

Est-ce qu'elle sera forcée d'avorter ?

Est-ce qu'elle se réfugiera dans le sommeil, est ce qu'elle prendra trop de somnifères ?

Est-ce qu'elle mourra ?

Ou est ce qu'elle sera une miraculée, comme moi ?

Aidan me regarde toujours.

« Pandagirl... »

Je prends une grande inspiration, et je réponds, un peu hésitante :

« Aidan, je ne peux pas. Tu ne peux pas me demander de te pardonner. Je suis désolée, mais c'est trop pour moi. Je ne veux pas. Je veux... Je veux que tu sortes de ma vie. »

Surprise par ce que je viens de dire, je reste immobile, attendant sa réaction.

« S'il te plaît... On va discuter...

- Non ! Non, je ne veux pas discuter ! »

Cette fois, j'ai crié. La colère m'envahit, sans que je ne parvienne à la retenir.

« Tu m'as abandonnée ! Tu as brisé mes rêves, mon cœur, tu m'as brisée, tu ne peux pas me demander de m'assoir avec toi, et de discuter. Je ne veux pas. Tu m'as comprise ? Je ne veux pas ! »

J'étouffe un sanglot. Ce seront mes derniers pleurs pour lui. Je le jure.

Je fais volteface, pour partir, loin de la nouvelle Iris, loin d'Aidan.

« Pandagirl ! »

J'avance. Encore.

« Iris... »

Je me fige.

Il ne m'a jamais appelée par mon prénom.

Profitant de l'occasion, il s'élance jusqu'à moi, me prend la main, et glisse quelque chose à l'intérieur.

J'ouvre le poing.

Une larme coule sur ma joue.

C'est le panda.

La petite peluche panda.

La gorge nouée par la tristesse, je murmure :

« Au revoir, Aidan. »

Je tourne les talons.

Je m'éloigne de lui.

Je cours.

Je contemple une dernière fois la peluche panda, avant de la lâcher. Elle s'écrase sur le sol.

Je ne serai plus jamais une pauvre fille. Une petite fleur fanée.

C'est fini.

Iris Où les histoires vivent. Découvrez maintenant