Cinquième Chapitre

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Je rêve d'un monde plus grand. D'un monde plus beau. Pourtant dans ce monde dans lequel je vis, il n'y a rien de plus à espérer qu'un peuple épris d'angoisse, de souffrance, et de haine.

L'angoisse? Elle m'a accompagné très tôt. Elle est petite. Elle est frêle au départ. Elle commence alors qu'il faut sauter dans les bras de son père. Elle te fait croire au début qu'il faut douter de la confiance. Et puis elle grandit. Elle évolue, en même temps que toi: elle prend de l'expérience. Et elle réapparaît quand tu te trouves devant la plus jolie fille de ta classe. À ce stade, elle te fait croire que tu dois douter de toi. Plus grande, elle se tient debout à tes côtés. Ensuite, elle est là, devant cet examen qu'il faut - dit-on - absolument réussir. Elle est par dessus ton épaule, et dès lors, tu l'appelles angoisse. Les médecins l'appellent ainsi. Maman l'appelait ainsi. Elle évolue, en même temps que toi, exactement en même temps. Et à partir du moment où tu l'entends ricaner à ton oreille, se foutre de ta gueule, l'angoisse est devenue une partie de toi.
Quand l'angoisse a désiré me tenir compagnie, il y a eu cette envie en moi. Cette envie croissante de la faire taire, de lui cracher de fermer sa gueule. À chaque fois qu'elle s'asseyait près de moi, et que je sentais sa respiration froide dans ma nuque, j'ai eu l'envie incessante de la faire disparaitre. Mais en désirant la faire disparaître, j'allais disparaitre moi aussi. Et j'ai commencé mes erreurs. Celles qui te rangent sans discuter dans la case des gens bizarres. L'angoisse m'a rendu bizarre. L'angoisse est plus forte que tout. L'angoisse te fait devenir bizarre, et une fois que tu es bizarre, tu angoisses de l'être toujours.

- Non, on continue de ce côté, on finit sur une impasse par là.

- Comment peut-il y avoir une impasse en forêt ? Demanda-t-elle en riant.

J'ai souri. Sa compagnie était agréable. Elle n'était définitivement pas belle, mais au final c'était presque tant mieux. Sinon, elle aurait sans doute eu des problèmes avec un ou deux pensionnaires.

- En fait, ça débouche sur un tas de branches qui obstruent le passage, et c'est difficile à détourner.

Elle a hoché la tête, en essayant de suivre le sentier et en gardant mon rythme. Elle était petite, et je lui avais fait la remarque. Elle m'avait répondu "plus c'est petit plus c'est mignon", mais je m'étais gardée de lui rétorquer qu'elle n'était pas mignonne. J'avais simplement souri.

- Tu es suivi depuis longtemps?

Elle avait posé cette question avec rapidité. Elle n'était pas tranquille. Elle savait qu'elle pouvait s'aventurer sur un terrain dangereux.

- Un peu, ai-je dis en haussant les épaules. J'en ai besoin de ce suivi je suppose.

- Tu sais, être suivi ne suggère pas toujours qu'on est fou ou bizarre hein !

Elle s'était presque emportée, comme si elle tentait de justifier sa question ou pour éviter de me mettre mal à l'aise. Mais elle n'avait pas à se justifier, et je n'étais pas mal à l'aise.

- Oui, ai-je répondu en marquant une longue pause, je sais.

Elle a aquiescé lentement, et elle a gardé sa tête baissée. Je savais que j'aurais sans doute du dire autre chose pour ôter son malaise évident mais je trouvais que mes mots auraient été dits juste pour être dits. Et je détestais ça.

- Pourquoi ici ?

Elle m'a regardé sans comprendre. Évidemment qu'elle ne pouvait pas comprendre, j'avais pensé le début de ma phrase et j'avais dis la fin.

- Madeleine a dit que tu faisais un stage ici pour tes études, mais pourquoi ici ? Je veux dire...

J'ai cherché mes mots pour terminer l'explication de ma question mais je ne savais pas trop si c'était une bonne idée de la formuler comme j'en avais l'intention. Elle me fixait en attendant que je poursuive.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 26, 2017 ⏰

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