Premier Chapitre

128 16 37
                                    

Le centre se trouvait à quelques heures de Paris, dans une petite ville près de chez moi. Madame SAILDE m'avait appelé dans la matinée pour me dire « Ils se font une joie de t'accueillir ! » De mon côté, je n'étais pas sûre d'éprouver de la joie. Du stress. De l'excitation au plus. Alan m'avait demandé quelques jours auparavant "Ce n'est pas dangereux ? " J'avais répondu que non. Aujourd'hui, je n'en étais plus tout à fait certaine. D'après ce que m'avait rapporté Madame SAILDE, il y aurait de tout. Des malades mentaux, des schizophrènes, et même des personnes touchées par des pathologies plus ou moins avancées. Je n'étais pas rassurée. Et si Alan avait raison, et que contre toute attente, je me faisais agresser par l'un d'eux? Mon amie Danaé, avec qui j'avais des cours en commun, n'était pas de cet avis, et répétait " Mais Laura ! Ce sont des personnes tout à fait comme tout le monde ! ". Oui. À la simple différence qu'ils étaient enfermés pour ne pas représenter un danger de la société.

J'adorais la psychologie, là n'était pas le problème. Je me voyais dans ce métier, parce que j'étais, paraît il, très à l'écoute. Et je crois bien moi aussi que c'était vrai. Toutefois, c'était mon premier véritable stage dans un institut de ce genre. Il n'y avait rien de vraiment sécurisé. Madame SAILDE et son mari avaient racheté une ancienne usine, qu'ils avaient réarrangé en une grande maison, dotée de plusieurs chambres. Ils accueillaient alors des personnes dérangées mentalement pour les aider dans leur pathologie, mais de façon moins stricte qu'un hôpital. Les patients, nommés résidents alors, allaient et sortaient de cette maison la journée, comme bon leur semblait, revenaient à l'heure de la prise de leurs médicaments, et au moment du coucher. Ainsi, ils étaient presque libres, entre la vie normale d'une personne non atteinte par la maladie, et celle d'un patient interné. C'était tout l'intérêt de mon stage, cet entre deux, presque inexploité en France.

Je devais être là bas avant 11h30, heure précise à laquelle les résidents prenaient leur déjeuner. Madame SAILDE avait insisté "C'est important que tu prennes tes marques avec chacun de nos charmants pensionnaires ! "
Alan m'avait embrassé et m'avait dit "Je ne m'inquiète aucunement pour ma championne", et il était parti travailler.

Alan et moi étions ensemble depuis maintenant six ans. Notre couple avait beaucoup détruit autour de nous, puisque mes parents ne l'aimaient pas. Alan était le cliché parfait du hippie. Il était bien souvent négligé, mais ce côté je-m'en-foutisme m'avait rapidement fait tomber amoureuse. De mon côté, toute petite, toute fine, il ne m'avait pas aperçu tout de suite. Néanmoins, quand il m'a demandé pendant une pause si j'avais une feuille, et que j'avais répondu confuse "Non j'ai laissé mon classeur en classe", il a su que c'était une évidence, et que j'étais son évidence à lui. Il avait sourit, et n'avait pas osé me dire qu'il ne parlait pas de cette feuille là. Cette anecdote stupide avait fait que des années plus tard, nous partagions le même appartement...

Je regardais l'heure et décidai de prendre la route pour satisfaire les attentes de Madame SAILDE. Dans la voiture, j'avais mis ma playlist préférée, celle appelée "Colorée". Dans cette playlist, il n'y avait que des musiques qui m'inspiraient l'envie de vivre. Il s'agissait de musiques qui coloraient ma vie. Il y avait en premier temps, bien évidemment, les musiques qui appartenaient à Alan et moi. Ces musiques, qui, lorsqu'elles passaient à la radio, faisaient que nous nous regardions en murmurant "Notre chanson...". Chaque couple à sa chanson, celle qu'il identifie plus ou moins à leur relation. Les notre étaient "She looks so perfect" de 5SOS, "Marley" de Danakil sur laquelle nous nous étions embrassés la première fois, et "Summer" de Calvin Harris. Ma playlist "Colorée" regroupait un tas de musiques de ce genre. Je ne supportais par de faire le trajet en silence. C'était trop triste, trop effrayant, et chaque moment inhabité par le bruit me stressait inutilement. Tandis que je laissais les musiques s'enchaîner, je repensais à l'appel de Madame SAILDE.

TIEDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant