Quatrième Chapitre

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L'innocence première, c'est d'aimer dans savoir. L'innocence seconde c'est de savoir, mais d'aimer quand même.

Madame SAILDE a accouru vers lui. J'ai senti qu'elle était paniquée, et en le voyant tomber dans ses bras, j'ai compris qu'elle connaissait cette situation. Je n'ai pas mis longtemps à assimiler le garçon au plus jeune pensionnaire. Qu'est ce qu'il pouvait bien avoir? Il semblait désemparé. Lui qui pourtant avait semblé si heureux la matinée même. J'ai alors réalisé que les apparences étaient généralement trompeuses. Un des pensionnaires dont j'avais oublié le nom, s'est caché derrière mon dos, et je me suis aventurée à lui demander:

- Tu sais ce qu'il se passe?

Il a hoché la tête mais il n'a rien dit. J'avais eu raison, cette situation avait déjà eu lieu auparavant. Monsieur SAILDE, que j'avais rencontré plus tôt, est arrivé discrètement et a soupiré en voyant la scène. C'était un homme petit de taille que j'avais apprécié dès les premières conversations. Madame SAILDE, qui insistait pour que je l'appelle par son prénom était tout aussi aimable, mais me mettait mal à l'aise pour une raison que je n'avais toujours pas découverte. Elle semblait accorder trop d'importance à ce rôle de deuxième maman, et agissait parfois d'une manière trop couveuse qui me paraissait excessive. Monsieur SAILDE était beaucoup plus détendu, et donnait quant à lui, l'impression de vouloir voir tous ces pensionnaires s'envoler un jour et construire une vie sociale à peu près normal qui les rendrait heureux.

- C'est Jonas, a-t-il dit de sa voix rauque imprégnée des désastres de la cigarette. Ce jeune m'épate.

J'ai sursauté bêtement, ne m'attendant pas à ce qu'il prenne la parole. Il a ri et s'est excusé de m'avoir fait peur.

- Ce n'est rien, ai-je avoué en souriant. J'étais perdue dans mes réflexions.

- Tu pensais à quoi?

J'ai haussé les épaules, et j'ai remarqué que le pensionnaire qui se cachait dans mon dos n'était plus là. Il avait du partir au moment où Monsieur SAILDE était arrivé.

- À Jonas? A-t-il demandé.

- Un peu, murmurai-je en regardant le jeune garçon toujours dans les bras de Madame SAILDE.

- Tu sais, il n'est pas méchant.

Sans doute, j'ai pensé. Il y a quelques heures encore, il était souriant. Il semblait davantage blessé que méchant. Et le plus dingue dans tout ça, c'est qu'il paraissait plus blessé de l'intérieur que l'extérieur. L'extérieur qui pourtant, était absolument détruit.

- Pourquoi il est là ?

Monsieur SAILDE a inspiré très fort avant de me fixer dans les yeux.

- Si seulement quelqu'un le savait. Médicalement parlant, il y a une raison très simple, il t'en parlera de lui même. Mais je crois, et j'ai l'intime conviction qu'il n'est pas là uniquement pour ça.

Je n'ai pas exactement compris ce qu'il voulait dire, mais j'ai fais comme si. Au même moment, Madame SAILDE se détachait de Jonas qui paraissait déjà beaucoup mieux. Ils se sont retourné vers nous, et Madame SAILDE nous a salué de la main et Jonas a souri. J'ai alors secoué ma main en l'air timidement, et Monsieur SAILDE m'a accompagné. Leur accolade avait du durer un peu moins de dix minutes. Dix minutes, ça semblait suffisant pour que le jeune homme aille mieux. Épatant avait dit Monsieur SAILDE... Je comprenais mieux pourquoi.

- T'es allé saluer la mama? A-crié Monsieur SAILDE.

Jonas a acquiescé, et s'est avancé vers nous avec un petit sourire. J'avais été très étonnée de le voir la première fois. Étonnée, voire même un peu dégoutée. Je n'ai jamais vraiment jugé le physique de quelqu'un, mais Jonas était très particulier. J'ai cru d'abord qu'il avait été victime d'un incendie, et j'ai en premier lieu eu de la peine, en même temps que de la fascination. Et puis Madame SAILDE m'a dit calmement, après que je lui ai demandé l'origine de ce tableau presque macabre que constituait le visage du garçon :

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