Chapitre 3

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Finalement on a prolongé notre goûter jusqu'au repas. C'est Tom qui a tenu à ce que Harry reste manger avec nous et il lui a proposé sans même me demander mon avis. Ça m'a bien arrangé car je n'avais pas envie qu'il s'en aille mais je ne savais pas comment l'inviter à manger sans qu'il ne pense que je veux prolonger mon moment avec lui. Bon ok c'est le cas je veux que ça dure plus longtemps mais je ne veux pas qu'il le remarque. Bref, il ne s'est pas fait prier et je crois bien que c'est tout simplement ce qu'il attendait.
Comme ce n'était pas prévu j'ai du improviser quelque chose de rapide et le paquet de lardons qui trainait dans mon frigo m'a sauvé la vie puisque j'ai pu faire des pâtes à la carbonara. C'est ce plat que je réserve pour les fins de mois difficiles parce que ça revient pas cher. En tout cas notre invité a eu l'air d'apprécier et je n'ai pas jugé utile de lui signaler que les fameux lardons étaient périmés depuis deux jours. J'espère qu'il ne sera pas malade.
Après le repas et une petite histoire, je me suis occupé de mettre Tom au lit et quand je suis retournée dans le salon j'étais étonnée de voir que tout était rangé et que la vaisselle était faite. Canon et serviable ? Il commence à me plaire. Enfin à me plaire encore plus...
- Tu n'aurais pas du faire tout ça, je m'en serais occupé tout à l'heure... Tu veux un café ou un thé ? À moins que tu ne doives rentrer chez toi...
- Non, je suis pas pressé mais si tu veux rester tranquille, je peux m'en aller.
- C'est tous les soirs, toute l'année que je reste tranquille donc ça me change d'avoir un peu de compagnie.
- Ok. Alors je veux bien du thé ! Me dit-il tout sourire.
- Installe toi sur le canapé si tu veux, j'arrive dans deux minutes.
Depuis la cuisine je l'observe du coin de l'œil, il ne s'est pas assis, il marche dans le salon en détaillant chaque recoin de l'appartement. Il s'attarde quelques secondes devant la bibliothèque et je sais qu'il regarde la photo de David et moi le jour de notre mariage. C'est évident qu'il doit se poser tout un tas de questions et j'imagine que bientôt il osera me les poser. Finalement il s'assoit sur le canapé et au lieu de s'enfoncer dans le dossier il se penche sur la table pour attraper quelque chose. J'essaye tant bien que mal de voir ce que c'est mais je ne vois que son dos. Le sifflement de la théière m'indique que l'eau est chaude, je vais donc pouvoir aller constater par moi même ce si attire tant son attention.
Je dépose les deux tasses de thé fumantes sur la table basse.
- Tu as acheté mon Cd ?
Ah merde ! Je l'avais oublié celui là. À force de regarder des vidéos de lui en train de chanter je suis devenue accro à sa musique et j'ai acheter son album. En fait j'ai acheté celui qui vient de sortir en solo mais aussi les cinq autres qu'il avait enregistré avec son ancien groupe, les One Direction. Par chance ceux là sont sur ma table de nuit.
- Oui. Je me suis dit que j'étais pas au point après t'avoir confondu avec Justin Bieber alors...j'aime beaucoup ce que tu fais.
- Merci. C'est laquelle ta préférée ?
- Elles sont toutes superbes mais j'ai un faible pour "La-haut", je la trouve émouvante.
C'est une chanson qui parle du paradis et de la vision sur le monde que les gens ont de là haut, c'est absolument magnifique. Le texte est profond et j'ai été surprise de voir que c'est lui qui a écrit les paroles. Quel talent.
La conversation se poursuit et Harry retrace rapidement son parcours depuis son passage dans l'émission de télé crochet anglais X-Factor jusqu'à l'ascension du groupe qui a fait de lui une star mondiale et enfin sa carrière solo qui est assez récente mais temporaire puisque le groupe n'est pas définitivement séparé mais en pause.
Sa vie est passionnante, il vit à cent à l'heure et fait le tour du monde pour se produire devant des milliers de personnes qui paient une fortune pour venir l'écouter chanter quelque heures.
- Et toi ? Me demande t-il pour en savoir davantage sur ma vie.
Lorsqu'il parlait on s'est machinalement placé l'un en face de l'autre chacun positionné sur le côté et un coude  sur le dossier. J'ai éteint la grande lumière et allumé les petites lampes, la télé nous sert de bruit de fond. Je n'avais pas remarqué que l'ambiance était si intime. Je crois que ça m'avait échappé car tout simplement depuis le début de la soirée je ne pose pas de question, je profite de ce moment tout simple. Un moment tout simple avec Harry Styles assis sur mon canapé !
- Ma vie est beaucoup moins passionnante que la tienne, tu sais. Je travaille dans une banque, je suis conseillère financière et je vis seule avec mon fils que j'aime plus que tout. Voilà, je crois que j'ai fait le tour. Il y a pas de quoi écrire un livre... Dis-je en plaisantant.
Mais il ne sourit pas et plonge son regard dans le mien. Mon cœur s'accélère et je sais que le moment est arrivé.
- C'est arrivé comment ? Enfin...je veux dire...pour ton mari, c'était il y a longtemps ?
Je baisse les yeux pour ne pas qu'il puisse y lire toute ma tristesse et ma douleur. J'inspire profondément en me demandant si je dois lui raconter ou si il vaut mieux que je change de sujet car je ne parle jamais de ça avec personne. Seulement avec mes proches. Mais cet homme m'inspire confiance et finalement ça me paraît naturel de lui raconter ma vie puisqu'il vient de me faire partager la sienne.
- Il a eu un accident de voiture avec une bande de copains. Un seul a survécu. Ils étaient sortis boire un verre pour fêter le diplôme d'un de nos amis et le conducteur a perdu le contrôle de la voiture, ils ont percutés un arbre de plein fouet... Ça a fait quatre ans la semaine dernière...
- Quatre ans ? Demande t-il en fronçant les sourcils, il vient sûrement de réaliser que c'est aussi l'âge de mon fils.
- Oui. J'étais enceinte de Tom à ce moment là. Il est né trois semaines après la mort de son père...il aura quatre ans dans quinze jours.
Avec le temps j'ai réussi à maîtriser mes émotions lorsque j'évoque cette histoire, je ne m'écroule plus en sanglot comme avant et je parviens à retenir mes larmes. Les seuls aspects physiques qui rappellent cette immense douleur son mes yeux qui brillent, ma gorge nouée et mon cœur qui se serre.
- C'est affreux... Je sais pas quoi te dire. Murmure t-il désolé.
Je peux sentir qu'il est touché et ému par mon histoire mais je suis soulagé de ne pas lire de la pitié dans son regard. Je ne supporte plus que les gens s'apitoient sur mon sort et me dévisagent comme si j'allais m'écrouler.
- Il n'y a rien à dire... De toutes façons, il vaut mieux pas qu'on s'éternise sur le sujet, sinon d'ici quelques minutes tu vas prendre tes jambes à ton cou et partir aussi loin de moi que possible en pensant que je suis la fille la plus triste de la terre.
- Et pourquoi je ferai une chose pareille ? Demande t-il surpris.
- Parce que c'est ce que tout le monde fait en général...Les gens me voient comme "la pauvre Lisa" et prennent de la distance avec moi pour ne pas faire partie de ma triste vie comme si le malheur était contagieux.
- Ces gens sont des abrutis ! Ils t'ont pris pour une victime prisonnière de ta douleur alors que tu es une femme souriante, pétillante et courageuse !  Le peu que j'ai vu de toi, je suis impressionné...
- C'est gentil. Merci.
- C'est sincère... Et depuis, tu as eu des relations amoureuses ?
- Non. Pas une. Le calme plat. Le désert de Gobi même ! Deux ou trois rencards ces deux dernières années, mais je crois que le fait d'être veuve avec un enfant ça attire pas vraiment les mecs. Au contraire, ça a tendance à les faire fuir en général.
- C'est parce que tu ne sais pas y faire...Tu aurais dû leur montrer tes seins ! Ils seraient restés ! Je t'assure, regarde moi comme ils sont beaux ! Blague t-il en désignant la sirène au seins nus qui trône sur son avant bras.
Je le frappe gentiment pour le réprimander avant de rire avec lui. Je suis reconnaissante qu'il ait détendu l'atmosphère avec cette petite plaisanterie et notre conversation dérive sur des sujets plus légers.
Il est déjà plus d'une heure du matin quand il se lève pour rentrée chez lui. Je n'ai pas vu passer la soirée. Entre nos conversations animés et les anecdotes marrantes de nos vies, le temps a filé à vitesse grand V.  On a beaucoup rit et au fil de la soirée, j'ai senti comme une connexion inexplicable entre nous. Le courant passe sans encombre. J'ai l'impression de le connaître depuis des années. Je le raccompagne jusqu'à la porte d'entrée et il enfile son bonnet sur lequel il rajoute sa capuche pour éviter qu'on le reconnaisse.
Je m'appuie sur l'encadrement de la porte et il s'arrête sur la pallier et se retourne pour me faire face.
- J'ai passé une très bonne soirée. Merci. Dit-il en se rapprochant d'un pas.
- De rien. Moi aussi j'ai passé une bonne soirée... Et dire qu'on doit tout ça au hasard ! Je souris et il en fait de même.
Je peux sentir un frisson me parcourir l'échine. Il est juste en face de moi et cette distance si petite et si grande à la fois me trouble, me chamboule, me réveille . C'est comme si une force mystérieuse essayait de nous rapprocher. Il se passe de drôle de truc dans mon ventre comme des fourmillements.
Harry passe son regard de mes yeux à mes lèvres, je sais qu'il a envie de m'embrasser. Et quand il plonge son regard dans le mien et qu'il s'approche de moi lentement, j'ai l'impression de descendre les montagnes russes. Ma respiration s'accélère et les battements de mon cœur cognent et violemment dans ma poitrine. Est-ce qu'il v m'embrasser ? Je dois le repousser ? Me laisser faire ? De quoi j'ai envie ? Sans que je puisse répondre à toutes ces questions qui se bousculent dans ma tête, il met fin à mon supplice et écrase ses lèvres...sur ma joue. Je vascille entre le soulagement et la déception. Bon ok, la déception à quelques points d'avance. En fait, je suis carrément frustrée.
- À bientôt. Je t'appelle...
Il tourne les talons et disparaît dans les escaliers. Je claque la porte et m'adosse contre le bois dur et froid en reprenant doucement une respiration normale. Putain de merde ! C'était quoi ça ? Qu'est ce qu'il attend de moi ? Il a dit qu'il m'appellerait mais va t-il le faire ?
C'est vrai ça "je t'appelle..." La phrase la plus banale du monde après un rendez vous qui se solde sans même un baiser échangé. Si mes souvenirs sont bons c'est exactement ce que m'ont dit les deux prétendants qui avaient osé m'inviter au cours des deux dernières et années...et j'attend toujours que l'un d'eux me rappelle.
Peu importe, ce qui compte, c'est que on a passé un bon moment tous les deux. Je ne peux retenir ce petit sourire débile qui s'affiche sur mon visage.

Par HasardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant