Chapitre VIII

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 Face au professeur Feather éberlué, Francesca se matérialisa sur la plate-forme du laboratoire tenant un jeune homme serré dans ses bras.

- Qu'avez-vous fait Francesca, s'écria le professeur! Il n'a sûrement pas de papier en règle! Cela va être un binz administratif effroyable!

- Ne dits pas de bêtise professeur. Passez-moi plutôt une batterie de rechange pour le générateur quantique, il faut le ramener au plus vite pendant qu'il est encore groggy. Dieu merci il est entier, la bulle de transfert a pu nous contenir tous deux entièrement.

- Gachlissssh pfof greug, fit le jeune guerrier.

 Puis il vomit tripes et boyaux. Le professeur couru prendre une recharge qu'il donna à Francesca.

- Êtes-vous sûre de vouloir enchaîner plusieurs transferts de suite? Ça va vous secouer terriblement.

 Francesca jeta l'ancienne batterie loin de la plate-forme et inséra la nouvelle dans le générateur qu'elle actionna immédiatement. Elle serra le jeune homme dans ses bras puis disparu pour réapparaître seule quelques secondes plus tard. Elle tomba à quatre pattes sur la plate-forme et rendit à son tour son petit-déjeuner. L'air autour d'elle crépitait et l'odeur d'ozone mêlée à celle du vomis était abominable. Avant de perdre connaissance elle entendit le professeur pousser la ventilation au maximum et appeler l'infirmerie.

***

 Quelques minutes plus tard, le professeur Feather se tenait pétrifié face à Francesca. En effet elle avait disparu, puis réapparu de manière évanescente, avec des mouvements extrêmement lents, disparut encore une fois avant de réapparaître. Le verre d'eau qu'elle tenait était tombé et s'était fracassé sur le sol du laboratoire. 

- Oups, désolée, je suis maladroite, dit Francesca.

- Vous ne vous rendez compte de rien, Francesca? Vous apparaissez et disparaissez comme un ludion à la surface de l'eau. Votre présence dans cet univers est en train de devenir incertaine!

- Non, je ne me rends compte de rien, le verre m'a simplement semblé glisser des mains.

 En fait, ses pensées étaient toutes tournées vers le jeune guerrier et elle avait beaucoup de peine à se concentrer sur autre chose. De plus ses sentiments alliés à la situation présente la mettaient dans une sorte de désespoir mélancolique qui lui retirait toute son énergie.

- Les choses s'accélèrent. Je n'ai pu faire aucun sondage avec le géoradar qui a été détruit. J'ai cependant pris en photo un document qui me semble intéressant. L'appareil photographique se trouve dans mon sac à dos. C'est du latin je crois. Il nous faut une traduction le plus rapidement possible. Où est Pascal?

- Il devrait être à l'infirmerie et vous allez l'y rejoindre immédiatement.

 Le docteur Jacquot entra dans le laboratoire accompagné d'une infirmière qui poussait une chaise roulante. Ils firent s'asseoir Francesca dedans. Comme ils se dirigeaient vers la porte, elle sombra dans une torpeur nauséeuse.

***

 Elle se réveilla deux heures plus tard dans un lit de l'infirmerie, le docteur Jacquot se penchait au dessus d'elle.

- Ah Professeur Aebischer, nous revoilà. Comment vous sentez-vous ?

- En fait je me pose moi-même cette question. Je me sens plutôt bien et je suis toujours là apparemment. Quant est-il de mes disparitions-apparitions?

- Vous vous êtes stabilisée si je puis dire. Mais il y a parfois une sorte de halo bleuté et vous devenez légèrement flou, un peu comme une photographie ratée. Ce phénomène s'accompagne d'une diminution significative de votre poids que vous récupérez lorsque cette instabilité s'atténue. C'est proprement incroyable! Je n'ai évidement jamais rien rencontré de pareil, et je dois admettre que je me sens un peu désarmé.

- C'est bien la peine de perdre du poids pour le récupérer ensuite. Je ne pourrais même pas en profiter pour faire une publication dans un magazine féminin!

- Euh oui, bon. Pour l'instant, nous n'avons rien trouvé de particulier dans les premières analyses. Mais d'autres sont toujours en cours.

- Bien! Où est le professeur Feather? Auriez-vous un ordinateur que je puisse me connecter sur mes données? Je ne sais pas où se trouve le mien.

 Elle sentait qu'il fallait agir promptement, malheureusement les dernières péripéties l'avaient passablement sonnée et de plus ce jeune guerrier était toujours là, occupant en permanence une partie de son esprit, nuisant à sa concentration. 

- Écoutez Professeur Aebischer, vous devez impérativement rester ici sous observation et vous reposer. Sinon je ne réponds de rien.

- Ce qui m'arrive dépasse vos compétences, Docteur. Mon équipe et moi-même sommes les seuls à pouvoir résoudre ce problème. Je dois voir le professeur Feather.

 Le docteur Jacquot se redressa l'air pincé : 

- Aux dernière nouvelles le professeur Feather négociait avec le service d'entretien le nettoyage du laboratoire.

 Le professeur est dépassé par les événements, songea Francesca, j'ai besoin de Pascal. Même si elle ressentait une certaine culpabilité à faire appel à lui, elle n'avait pas le choix. Seulement il n'était pas à l'infirmerie qui ne comptait qu'une seule chambre à quatre lits, tous vides à l'exception du sien. 

- Savez-vous où se trouve mon assistant Pascal Longchamp?

- Il est sensé se reposer dans sa chambre mais en fait il semble que lui aussi se considère comme indispensable à la survie du monde.

 Francesca se leva, se dirigea vers l'intercom et composa le numéro du bloc et de la chambre de Pascal. Sa chambre ne répondant pas, elle tenta le bureau qu'elle partageait avec lui. 

- Oui, Longchamp répondit-on.

- Bonjour Pascal, c'est Francesca. Comment allez-vous?

- Francesca quel bonheur de vous entendre. Moi ça va bien, mais c'est à vous qu'il faut poser cette question.

- Cela va à peu près. Nous devons nous parler. Pour analyser les dernières données, ajouta-t-elle précipitamment.

- Retrouvons-nous au bureau si vous le voulez bien. J'ai du nouveau. Entre autre la traduction d'un parchemin que vous avez photographié et qui est très intéressant. Vous savez que le professeur perd les pédales? Il est obsédé par des détails administratifs. En ce moment il serait en train de harceler l'administrateur pour une question de couleur des murs de son laboratoire! Il m'a cependant laissé accéder à vos dernières données. En fait il a l'air de s'en désintéresser complètement.

- Nous en parlerons au bureau, coupa Francesca. À tout de suite.

 Elle éteint l'intercom et ramassa ses affaires.

- C'est du professeur Feather qu'il parlait, questionna le docteur? Dois-je me préparer à accueillir un nouveau membre de votre équipe?

Le Carrefour DiaboliqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant