Maman! Ce fut la première pensée d'Eric lorsqu'il se réveilla. La femme rousse était penchée au-dessus de lui et lui souriait. Elle avait en effet presque l'âge d'être sa mère, mais c'était la femme la plus belle qu'il ait jamais vu! Ces joues blanches que l'on devinait douces et fraîches, ces dents éclatantes comme des perles. Et ces seins lourds entre lesquels on avait envie de se blottir!
Cependant comme ses sens lui revenaient, le souvenir du combat se rappela à lui ainsi que l'objet de sa quête: cette femme était une sorcière! De plus il avait un mal de crâne terrible et ses oreilles sifflaient. Il tenta de se relever mais il eut le souffle coupé. Manifestement il avait aussi quelques côtes brisées, il en reconnaissait la douleur; cela lui était déjà arrivé lors des durs entrainements que son parrain lui imposait. Il roula doucement sur le côté, se mit à quatre pattes puis se redressa lentement. Il vit le troll mort, vidé de son sang. Ça y était: il avait vraiment tué un troll! Et en sauvant une dame! Car il avait du mal à croire que cette femme soit véritablement un démon. Elle était si belle. De plus elle l'avait aidé dans son combat en détournant l'attention du troll, ce qui lui avait permis de récupérer son épée. Et pour finir elle l'avait soigné alors qu'il était inconscient. Il ramassa son arme qu'il rangea ostensiblement dans son fourreau, puis il s'approcha de la soi-disant sorcière, la tête haute et l'interrogea:
- Qui êtes-vous ? Que faites-vous ici?
Elle lui répondit dans une langue incompréhensible. Il remarqua alors au-dessus de ces seins incroyables (dont il avait une peine terrible à détourner les yeux!) un petit crucifix qu'elle portait en sautoir. Il le savait! Ce n'était ni une sorcière ni un démon mais une chrétienne, probablement une étrangère aux us juste un peu bizarres. Il parti d'un grand éclat de rire... qui fut immédiatement coupé par la douleur des côtes cassées.
Il retourna vers le corps du troll, se plaça devant et se retourna vers la femme avec un sourire triomphant. Il lut dans les yeux de l'étrangère de l'admiration ainsi qu'un certain trouble qu'il avait déjà vu chez les jouvencelles que son statut et sa réputation impressionnait. Cependant ce n'était pas une jouvencelle mais une dame et, s'il se sentait attiré par elle, il était aussi intimidé par cette femme splendide, d'âge mûr et qui était aussi grande que lui. Pour se donner une contenance, il dégaina son épée et il entreprit de décapiter le troll. Ce n'était pas facile car ses côtes le faisait souffrir. Quand il eut fini, il se retourna le menton haut, en brandissant la tête coupée devant lui. Mais la femme se détourna et sembla soudain s'intéresser aux débris du chariot maléfique. Il comprit que son approche était maladroite; si les femmes étaient souvent impressionnées par des récits guerriers, la confrontation à la réalité de ceux-ci était une autre histoire.
Il lança le tête du troll derrière lui, s'essuya les mains sur sa tunique et s'avança vers la dame. Il lui saisit la main et elle lui répondit par une pression. Il mit un genou à terre, appuyant son front contre la main de la dame. Elle dégagea sa main et lui caressa la joue, ou du moins la partie qui n'était pas couverte par le bandage. Eric était dans tous ses états et son sang battait dans ses tempes. Il voulait la prendre dans ses bras et la serrer contre lui, mais il craignait de la brusquer et de la perdre. Une dame ne se traite pas comme une servante qu'on culbute sur une table. Et maintenant il en était sûr cette dame était sa dame, et c'est à elle qu'il dédierait toutes ses actions héroïques. Mais alors qu'il était normalement si à l'aise et entreprenant avec les femmes, aujourd'hui il se sentait emprunté, n'osant rien tenter de peur de la blesser ou simplement de lui déplaire. La simple idée d'être repoussé lui déchirait la poitrine de bien pire manière que ses côtes brisées. Il se releva. Les yeux de sa dame étaient tristes et les pupilles grandes dilatées. Il voulu à nouveau saisir ses mains, mais elle le repoussa doucement en balbutiant quelque chose dans son langage incompréhensible. Il se figea, incertain. Elle recula manipulant quelque chose de jaune sous son fin manteau blanc tout en lui faisant signe de se retourner. Croyant à une sorte de jeu, il obéit tout d'abord docilement. puis brusquement, il lui fit face, lui saisit l'avant-bras et l'attira à lui. Il fut alors pris d'un terrible vertige accompagné d'un éblouissement et d'une nausée indicibles.
