Chapitre IX

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 Eric se sentait épouvantablement mal. Le combat contre le troll devait l'avoir plus secoué qui ne le pensait. Une fois passé l'euphorie de la victoire, les douleurs augmentées d'une terrible nausée le terrassait. Il avait perdu conscience et ne se souvenait plus très bien de ce qui c'était passé juste avant.

 Mais il se souvenait de la Dame rousse! Elle n'était plus là, mais il savait au fond de lui qu'elle reviendrait. De toute façon il l'attendrait toute la vie s'il le fallait. Il se releva lentement puis il mit un genou à terre, planta son épée dans le sol, les mains posées sur la garde, et fit le serment devant Dieu que toujours il lui serait fidèle, la défendrait, vivrait et mourrait pour elle. Il se sentit mieux, ragaillardi et un sentiment de plénitude baignait son âme.

 Il se mit à inspecter les alentours, cherchant un indice de la direction prise par sa Dame, mais il ne trouva rien de significatif. Peut-être le carrefour s'était-il encore déplacé la laissant sur place. Pourvu qu'elle ne tombe pas sur Emilius et ses hommes, ils l'étriperaient sans retard. Si cela devait se produire il les occierait tous autant qu'ils sont! Il jugea que le plus sage était d'attendre sur place, à proximité du Clou et il entreprit donc d'installer son bivouac. Desseller son cheval fut pénible à cause de ses côtes cassée mais il lui devait bien ça, lui qui n'avait point fuit au loin, avec les provisions et l'arc, lors de son combat contre le troll. Malheureusement les provisions de bouches étant réduites à peu de chose, il devrait chasser. Mais d'un autre côté s'il s'éloignait du Clou, celui-ci pourrait disparaître, il devrait donc rester à proximité ce qui ne faciliterait pas les choses. L'idée de manger tu troll l'effleura, mais la nausée le repris immédiatement. Jamais il n'avait entendu que quiconque ait jamais mangé du troll.

 Il mâcha lentement une petite ration de ce qu'il lui restait de viande et de grain tout en conduisant son cheval en bordure de la clairière pour qu'il puisse brouter. Il surveillait continuellement le Clou du coin de l'œil, prêt à regagner en vitesse le centre du carrefour. Mais il ne se passa rien de particulier. Soit le Clou ne se déplaçait plus, soit Eric était encore suffisamment proche pour se déplacer avec lui. Le soir arriva en même temps qu'une pluie glacée, rendant l'ambiance déprimante. Encore une fois la nuit serait humide et inconfortable.

 C'est alors qu'à travers le rideau de pluie il distingua une petite troupe de cavalier. Ils durent l'apercevoir aussi lui et le clou. Du coup ils foncèrent au galop vers le carrefour. Il alla chercher la tête du troll qu'il déposa à ses pieds, et les attendit, jambes légèrement écartées, une main sur le pommeau de l'épée, l'autre sur la hanche.

- Salut à toi Emilius, vous voici enfin.

- Salut à vous sieur Eric, nous pensions vous avoir perdu.

- C'est plutôt vous qui vous seriez perdu me semble-t-il. Je suis ici depuis une demi-journée. J'ai eu le temps de trucider un troll, mais je n'ai point vu de démon.

 La petite troupe mit pied à terre. Les hommes étaient nerveux, scrutant les alentours.

- Je suis bien aise que vous soyez ici, car ma tente sera la bien venue par ce temps, reprit Eric. Mais je vous prierai de quitter ce carrefour après m'avoir laissé des provisions. La présence d'une troupe pourrait effaroucher le démon et gêner mon combat contre lui.

- Vous voulez que nous partions maintenant, questionna Emilius? Sous la pluie et dans la nuit tombante? Rappelez-vous ce que le roi a dit: nous devons vous assister et couvrir vos arrières.

- Je n'ai point besoin de vous. J'ai déjà vaincu seul ce troll. Et maintenant je dois affronter seul ce démon, c'est ma quête et mon destin, il vous faut quitter le carrefour.

- Les ordres du roi cependant...

- Écoute Emilius, intervint l'un des hommes, si le sieur Eric dit qu'il nous faut partir, nous devons faire comme il dit. Il sait certainement ce qu'il fait et qui sommes-nous pour intervenir dans son glorieux combat contre ce démon. Laissons-lui ce qu'il désire et retirons-nous à l'écart de ce carrefour maudit avant que la nuit ne soit d'encre.

- Soit, soupira Emilius. Nous resterons à l'écart. Mais nous devons partir avant la nuit noire. Il vous faudra donc monter votre tente vous-même, tout seul sous cette pluie battante qui nous gèle les os.

- Je m'en arrangerai, répondit Eric. Mais vous emmènerez aussi le corps du troll.

 Une heure plus tard, la tente était de guingois et son ciel détrempé gouttait à plusieurs endroits. Eric bricola une sorte second toit interne avec son bouclier, mais touchant la toile avec, il aggrava le problème: l'eau s'accumulant sur le sol risquant de détremper les provisions.

 Finalement, la pluie cessant, il sortit et s'assit sur son bouclier. Il regarda le ciel se dégager et la lune percer à travers les nuages tout en songeant à sa dame.

Le Carrefour DiaboliqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant