Chapitre 1 - Révisé

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Le jour de Noël, est un jour, si l'on en croit la coutume, de festivité et de joie, mais ici, ce n'est pas le cas. Le jour de Noël, il fait froid et gris, la neige laisse peser un épais brouillard opaque sur la ville, et l'atmosphère morose de ma chambre, déjà plane et dénuée de vie, semble encore plus triste. Je déteste Noël. Ou peut-être pas. Peut-être que je ne déteste pas la fête en elle-même, mais plutôt le sentiment d'appartenance familiale ou amicale qui en l'accompagne.

La solitude que me confère ma chambre est en train de me ronger. Je pourrais bien compter les heures, les jours ou même les mois avant de la quitter, mais lorsqu'on parle d'éternité, comment se compte-t-elle ? J'ai l'habitude maintenant ; la solitude et l'enfermement ont toujours fait partie intégrante de ma vie. Adolescente je ne sortais que rarement, mais la différence était que, si je le voulais, je pouvais sortir. Pas ici, pas dans l'unité pour détenues de l'Hôpital psychiatrique de Rosero.

Je suis ce qu'on appelle plus communément une criminelle, ou pour être plus précise une meurtrière. J'ai pris la vie d'une des façons les plus horribles qui soit. Mineure, j'ai eu le droit à un procès des plus rapides et sans équivoque. Aucune défense, aucun proche ni soutien, et la folie comme verdict final. Mon avocat n'était pas de ceux que l'on voit à la télévision, soucieux de ses mots et maniant la loi d'une main de maître. Non, il avait beau se faire appeler "Maître" par la cour, il n'en avait que le titre. Bafouillant, transpirant dans sa robe cheap au tissu bien trop brillant, il n'a pas su quoi dire face à la partie adverse. La peine de mort avait par pendaison avait été requise. Selon le père de la victime, l'injection létale aurait été une peine trop douce pour moi. Le jury en a décidé autrement, s'appuyant sur un vague passé déterré par des témoignages de voisins et sur mon incapacité à présenter une quelconque émotion au procès. Je fus condamné irresponsable pénalement, avec une abolition de mon discernement au moment des faits, et une obligation de soins jusqu'à la fin de mes jours. Une vie entre ses murs parmi les fous.

Après de longues heures à regarder fondre les flocons qui s'accumulent sur le rebord de ma fenêtre aux vitres sales et poussiéreuses, je suis autorisée à quitter le silence de ma chambre pour me rendre dans la salle commune. C'est une des rares sorties permises aux résidents condamnés, car elle ne consiste qu'à marcher en ligne droite dans un long couloir dépourvu de fenêtres ou de portes. Errant d'un pas fatigué dans le long passage, je me laisse sombrer dans de froides pensées, évitant de me soucier de ce qui se trouve autour de moi. Ce qui, à mon grand malheur, fonctionne un peu trop bien. Au détour d'un angle que prend le couloir, je le heurte.

Planté là, un homme que je ne connais pas me fixe sans un mot. Il faut quelques secondes à mes yeux, dans leur lassitude habituelle, pour remonter jusqu'à son visage. Jeune, à peine sorti de la vingtaine, son visage, marqué par une mâchoire bien définie et des pommettes saillantes malgré des traits fins, est encadré par une chevelure de jais bouclée qui lui arrive aux oreilles. Ses yeux, aussi froids et dépourvus d'émotion que les miens doivent l'être, ont la forme de fines amandes qui trahissent son appartenance à la communauté asiatique. Il est plutôt grand, malgré la réputation de ses congénères, et possède des épaules bien carrées sous son uniforme de soignant, sur lequel un badge métallique indique sa place au sein du corps médical de l'hôpital : "Docteur Kim Taehyung, tuteur et psychologue agréé". Je le détaille encore quelques secondes, évitant son regard dur, probablement dû à la lecture de mon dossier, puis je le contourne pour reprendre cette courte balade de fin de journée.

一 Mademoiselle, m'interpelle-t-il d'un ton aussi froid que la température extérieure à cette période de l'année. Attendez.

一 Aucune interaction verbale ou physique autorisée avec le corps médicale, je connais les règles, soufflé-je en feignant l'indifférence, bien que le son rauque et glacial de sa voix me hérisse les poils.

𝑷𝑺𝒀𝑪𝑯𝑰𝑨𝑻𝑹𝑰𝑬 𝑽 [𝑲𝒊𝒎 𝑻𝒂𝒆𝒉𝒚𝒖𝒏𝒈 || 𝑩𝑻𝑺]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant