Arthur

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Jour n°2357

Cible : Arthur, mâle de type maigrichon, avec de grosses lunettes rouges greffées sur le nez

Tentative(s) : 1

Je m'étale sur le rebord de ma fenêtre, me dorant au soleil.

Alors qu'on pourrait croire que je dors sur mes yeux oreilles, je surveille mon humaine. Elle se tient sage ces derniers jours et elle s'est même souvenu qu'aujourd'hui était le divin jour de la pâté. Comme chaque dimanche, cette offrante gélatinée avait été déposé dans ma gamelle.

Un délice des papilles. 

Et dans ma grande bonté, j'avais décidé de répondre à cette offrande par une autre offrande. Déposée avec amour et enfouie sous le sable de la litière, comme une sorte de cadeau de Noël. Mais en avance.

Je vous laisse imaginer la joie de mon humaine à l'instant précis où la délicate odeur de mon étron encore fumant parvint à ses narines alors qu'elle savourait son yaourt bio spécial ventre plat.

C'était trop pour moi de la voir ainsi ravagée par le pouvoir de mon amour, si bien que j'avais trouvé refuge sur la fenêtre. Ouverte spécialement pour aérer la maison.

Je remue doucement la queue, écoutant mon humaine dans la maison. Elle est en plein "nettoyage de printemps" et je l'entends fouiller dans le placard pour récupérer l'engin du démon. Mon sang ne fait qu'un tour et mes oreilles se dressent en entendant le sifflement de l'aspirateur.

Ce monstre de plastique avait une fois tenté d'aspirer ma longue queue touffue et depuis ce jour numéro 125, j'évite soigneusement le contact avec la bête. Je bondis donc dans le jardin, en profitant pour fuir et me dégourdir les pattes.

Et j'ai bien fait. Voilà qu'un mâle s'approche de la maison. Je plisse les yeux en essayant de mettre un nom sur ce visage grotesque. Tout s'éclaire lorsque que je reconnais sa démarche de canard, mais surtout ses yeux de verres globuleux.

Le voisin. Le mâle faiblard qui passe ses journées à regarder mon humaine depuis la maison d'en face. Un admirateur secret. Cela aurait presque pu être mignon, si l'objet de son désir n'était pas mon humaine.

D'un pas mal assuré, il se glisse dans notre jardin, rampant comme un vulgaire insecte pour ne pas se faire voir. Une idée me traverse l'esprit. Je n'ai qu'à miauler et sa présence sera de suite dévoilée. 

Non. C'est trop gentil.

Surtout qu'il tient une enveloppe recouverte de petits cœurs roses et rouges dans la main. Oh. Une lettre d'amour. Mon petit cœur serait en train de fondre si je disposais encore d'une âme et d'un peu d'émotions. 

Je le laisse glisser sa lettre sur le paillasson. LE paillasson qui m'est réservé, là où je fais mes griffes avec amour. MON paillasson.

Je ne peux tolérer cela. J'attends qu'il s'en aille et je me précipite vers l'entrée. Je récupère la lettre et décide de la porter ailleurs. Tel Cupidon, je choisis la nouvelle destinataire de ce message d'amour et ce sera donc Mme Michelle. Humaine aussi sourde qu'un pot et aussi vieille que mes lointains ancêtres égyptiens.

La lettre entre les dents, je me glisse sous le grillage et je traverse le jardin de la voisine avec discrétion. Une fois l'enveloppe laissée sur le perron, je fais demi-tour. 

Mais là, horreur. Je me retrouve nez-à-nez avec un gros chien.

Vous savez, ce gros chien avec les babines retroussées, dévoilant de longues dents tranchantes. Ce gros chien qui fait quatre fois ma taille et trois fois mon poids. Ce gros chien dont la haine pour les chats se lit dans les flammes de son regard.

Oui, ce gros chien-là.

Et je suis paralysé devant lui.

Félin pour l'autre [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant