Chapitre 2

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Une voix belle et pénétrante répétait son nom.

- Amaryllis... Amaryllis.

Elle l'appelait comme pour la réveiller doucement, sans la brusquer.

- Que me voulez-vous? Pourquoi dites-vous mon nom?
- Amaryllis...

La voix, qui semblait être celle d'une femme, continuait de l'appeler, mais cette fois son visage apparut à Amaryllis. L'étrange brume bleue les enveloppant empêchait de voir à plus d'un mètre devant soi et paraissait presque étouffante. Amaryllis se trouvait au centre et refusait presque de bouger tellement elle redoutait le moment où elle allait s'apercevoir que tout ceci n'était qu'un rêve... ou plutôt un cauchemar.

- Amaryllis...
- Arrêtez tout de suite de me tourmenter!
- Tu n'échapperas pas à ton destin, Amaryllis. Rends-toi au lac derrière la forêt et attends. Des réponses à tes questions t'apparaîtront.
- C'est à propos de la boîte à musique, n'est-ce pas? Vous savez ce qu'elle signifie!

Alors la brume épaisse les entourant disparut, laissant place à un fond de roche sans couleur. Elle était éveillée. C'était le jour, et la faim commença à envahir l'estomac de la jeune fille. Elle se rendit compte qu'elle n'avait pas mangé de tout l'après-midi de la veille. Comme si la musique lui faisait oublier le malheur, le froid et la faim. Elle se rendit compte qu'elle avait dormi sans arrêt pendant toute la nuit. D'habitude, elle se réveillait chaque fois qu'un bruit retentissait au dehors. C'était un réflexe qu'elle avait développé au contact des animaux dangereux de la forêt. Mais à qui était cette voix qui l'appelait dans son rêve? Une princesse? Une fée? Un ange?

Sans beaucoup d'effort, Amaryllis se leva et marcha vers les feuilles pendantes de sa grotte. Le soleil dehors la fit sourire. Elle jeta un regard sur sa robe salie par le sol caillouteux de sa maison en soupirant.

- Bon... Au village!

***

Calmement, comme une couleuvre se glissant entre les écailles d'écorce d'un arbre, Amaryllis se faufilait entre les habitants du village. Une cape noire couvrait sa tête ainsi que sa robe afin que tous ne voient en elle qu'une voyageuse égarée ou une pauvre mendiante. Le marché était ouvert au centre du village mais, comme toujours, Amaryllis, sans le sou, usait d'une technique infaillible pour arriver à ses fins. La jeune fille marcha jusqu'à un kiosque de marchand de pommes et lui adressa la parole, la tête baissée.

- Pardonnez-moi, Monsieur, je cherche un voleur de pommes, l'auriez-vous vu?
- Un voleur de pommes! Je ferais mieux de ranger ma marchandise!

L'étalier commença à ramasser ses fruits en surveillant les alentours.

- Attention! Vous en avez laissé tomber par terre, dit Amaryllis d'un ton innocent.

Elle fit tomber quelques pommes du kiosque du côté de l'homme. Celui-ci se pressa de les ramasser pendant que, subtilement, la jeune fille en prit trois.

- Au revoir, mademoiselle!
- Bonne journée!

Amaryllis partit du marché, trois pommes dans sa manche et un sourire en coin. Elle monta facilement sur un toit en tuiles d'une maison, se pencha et ramassa une tarte aux fraises refroidissant sur le bord de la fenêtre.

Finalement, elle se rinça le visage dans une fontaine publique et reprit la route dans la discrétion la plus totale. Dans sa main gauche, elle tenait la tarte qu'elle se pressa de manger pendant la journée. Elle en avait presque oublié son rêve étrange de la nuit passée. Dans sa grotte, aucun bruit, à part le son d'une pomme venant d'être croquée, ne se faisait entendre. Le vide régnait. Mais son esprit se reportait toujours vers la boîte à musique qu'elle avait soigneusement placée près de son lit de paille. Elle continua de la regarder jusqu'au moment où une douce mélodie de flûte entra dans l'atmosphère calme de la grotte. Cela ne venait pas de la boîte à musique, mais plutôt de l'extérieur. Voulant absolument savoir qui jouait de cet instrument avec autant de maîtrise, Amaryllis courut dehors. Elle repoussa les feuilles de lierre; la flûte continuait de jouer. Tendant l'oreille, Amaryllis suivit le son à la trace, contournant les arbres et les multiples obstacles au passage.
Parfois, la mélodie devenait plus floue et elle perdait sa trace, mais elle finissait toujours par revenir. Attirée par le magnifique son que produisait la flûte, Amaryllis passa par-dessus un rocher, marcha près de plusieurs arbres et atteignit le lac. S'arrêtant net, Amaryllis vit que la musique provenait de la flûte jouée par une demoiselle installée sur un rocher au milieu du plan d'eau. Derrière elle, la chute créait une délicate brume que la demoiselle semblait charmer au moyen de sa musique. Elle jouait exquisément de l'instrument qu'elle tenait dans ses mains fragiles. Amaryllis était ébahie devant une aussi belle mélodie. Ne pouvant plus attendre, elle s'approcha lentement. Ne voulant pas la déranger, Amaryllis s'assit en indien sur le bord de l'eau et attendit. L'instrumentiste continua de jouer les paupières closes pendant quelques minutes puis, toujours les yeux fermés, lança:

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