Chapitre 18

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Elle se rongeait les ongles. Elle. Elle qui s'était battue pour arrêter, elle se rongeait ses beaux ongles vernis. C'était mauvais signe. Quand elle eut fini, elle se leva. Elle se plaça face au miroir. Elle regarda son chignon de danseuse parfait. Elle enleva les pinces unes par unes. Ses boucles blondes retombèrent mollement sur ses épaules. Quand elle eut fini, ses cheveux ne comportaient plus aucunes boucles. Elle n'avait jamais eu de boucle. Elle passait le fer dans ses cheveux tous les matins.

Elle prit le dos de sa main et essuya ses larmes. Elle s'en servie pour enlever le maquillage qui recouvrait ses yeux. Elle regarda ses yeux bleus se radoucir sans le maquillage noir. Elle se regarda. Elle se trouvait pitoyable. Elle observait ses cheveux que personne n'avait jamais vus au naturel. Elle regarda ses yeux que personne n'avait jamais vus sans le cadre noir. Elle regarda sa taille si fine. Si seulement les autres savaient quels sacrifices elle avait fait pour en arriver là. Elle regarda la salle vide autour d'elle. Elle était seule et elle le resterait si elle n'arrivait pas à convaincre Sébastien de la pardonner.

-Tu l'avais cherché, tu l'avais voulu, murmura le fantôme de sa grand-mère, ce n'est pas comme ça que je t'ai élevée ma fille. Aurais-tu oublié tes valeurs ? Mes valeurs ? Tu t'es perdue à toi te retrouver ton chemin. Ce garçon aurait raison de ne pas rester. Tu lui as déjà fait beaucoup de mal. Mais je ne te blâme pas. Ta mère est en tort aussi. Est-ce que c'est comme cela que j'ai l'ai élevée ?! On n'abandonne pas ses enfants ?! Surtout pas quand ils ont besoin de nous ! Je meurs et ça y est, votre vie se barre en couille ! s'énerva-t-elle

Nathalie sourit. Bien sûr tout cela se trouvait dans sa tête mais c'était certainement ce qu'elle aurait dit si elle avait été là.

Elle vit enfin l'ombre de Sébastien arriver. Elle le regarda avec espoir mais son espoir disparu lorsqu'elle vit son visage. Il était recouvert de bleus et de sang séché. Elle ne s'était pas rendu compte qu'il était blessé à ce point.

Elle courut vers lui.

-Sébastien ! Je suis vraiment vraiment désolée. Je ne voulais pas que tu sois... tu sois...

-Ce n'est pas ta faute, c'est la mienne

Bizarrement Nathalie le sentait mal.

-Laisse-moi te soigner, essaya-t-elle

-Non, dit-il fermement, je me souviendrais jusqu'où j'ai été pour toi, pour t'aider

-Quoi ? gémit-elle

-Je n'aurais jamais dû te parler ce jour-là sur ce banc. Cela m'aurait évité bien des complications.

Il ne disait pas ça avec colère mais plutôt avec tristesse.

-Je suis vraiment désolée de ne pas avoir réussi à t'aider. J'aurais essayé.

Il semblait vraiment déçu.

-Désolé mais je ne peux plus rien pour toi. Si je reste, tu vas me tuer. Je ne peux pas continuer à me faire du mal.

Chaque mot qu'il prononçait était pour Nathalie un coup de poignard. Une douleur aigüe la traversait. Elle ne pouvait pas y croire. Non, il ne pouvait pas partir. Elle avait envie de s'agripper à lui, de crier, de gémir, de l'attacher. Elle ne pouvait pas le laisser partir. Elle avait besoin de lui, elle avait envie de lui. Elle allait mourir de douleur s'il s'en allait. Elle avait envie de le voir sourire, de glisser ses mains dans ses cheveux, d'inhaler son odeur. Alors, elle eut une révélation. Quelque chose qu'elle n'avait jamais voulu s'avouer et qui lui apparaissait clairement. Elle lui cria en s'agrippant à son bras dans l'espoir de le retenir :

-Sébastien, je t'aime !

Il la regarda avec tristesse.

-Moi aussi sauf que j'ai mis moins de temps que toi à m'en rendre compte. C'est trop tard maintenant, je m'en vais. Tu ne me reverras plus jamais. Je m'en vais après-demain.

-Non, je t'en prie. Je vais changer. Je le dirais à tout le monde. Je te promets que je ne te ferais plus jamais de mal.

-C'est la chose la plus dur que j'ai faite depuis longtemps mais...

-Ne la fait pas, le coupa-t-elle

Il la regarda avec résignation et douleur, il murmura :

-Adieu Nathalie

Et il lui tourna le dos pour toujours. Elle regarda son dos et cria de désespoir :

-Reste ! Je t'en prie ! Ne m'abandonne pas ! J'ai besoin de toi ! Je t'aime ! Je t'aime !

Elle se mit à pleurer et crier en même temps :

- Ne me laisse pas ! Je t'en supplie ! Je ferais tout ce que tu me diras !

Sauf que rien n'arrêtait Sébastien. Il avançait toujours vers la porte sans se retourner, sans rien dire, sans regarder cet océan déchainé.

Elle tomba au sol.

-S'il te plait ! Je t'aime ! C'est vrai !

Il passa la porte et le noir l'engloutit pour toujours. Il avait disparu pour toujours. Elle ne verrait plus ses yeux noirs. Elle n'entendrait plus sa voix. Il l'avait abandonnée et elle était encore seule. C'était encore sa faute. Elle arrêta de crier et resta immobile pendant quelques secondes. Elle venait juste de s'apercevoir qu'elle l'aimait et elle venait juste de le perdre pour toujours. Quelle ironie !

Alors, la douleur se réveilla. Son ventre se tordit et elle s'effondra contre le sol. Les larmes coulèrent sans s'arrêter. Ses yeux déversaient leur océan. Une impuissance amère la torturait. Elle n'arrivait pas à l'accepter. A chaque fois qu'elle y pensait, à ses paroles, ses expressions, la douleur devenait plus forte. Sa tête allait exploser. Elle n'entendait rien, elle ne voyait rien. Elle sentait juste cette immense douleur qui se déversait sur elle sans qu'elle ne puisse rien faire. Elle murmurait en boucle : « Je t'aime » sans jamais s'arrêter ni de pleurer, ni de gémir, ni de le dire.

Dehors, la nuit avait avalé Sébastien et une partie de Nathalie qui s'en était allée avec lui. La nuit, une grande ombre noire  qui s'était abattue sur la ville et sur la vie de Nathalie.

Nathalie & SébastienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant