Quelqu'un jouait, fredonnant et souriant. Autant pour le plaisir des yeux et des oreilles dirait-on. Des notes tragiques se bousculaient dans un ballet endiablé et prenaient naissance sous le toucher de doigts fins et habiles. Dextres. Le piano. Qui n'aimait pas cet instrument ? Pas le Diable en tout cas.
L'homme poursuivit sa mélodie pendant plusieurs longues minutes. Puis, il s'arrêta. Le silence hurla. On n'entendait plus rien, pas même un battement de cœur. Normal, puisque celui du musicien était mort. D'ailleurs, la vie l'avait-elle jamais fait battre ?
Les parois scintillaient tels des diamants noirs. Des roses aux pétales ombreuses parcouraient le sol et traçaient un chemin jusqu'à la sortie de la mystérieuse pièce. De la vigne fanée et desséchée envahissaient les murs au-dessus du piano ainsi que le sol dallé. La pénombre planait sur les lieux. Au plafond, creusé à même la roche, étaient suspendus des sortes de cocons en soie blanche et collante. Quatre cocons plus exactement. À l'intérieur, des forces malveillantes y étaient emprisonnées et plongées dans un profond sommeil qui se devait être éternel. Cependant, les projets du Diable pour les entités prisonnières à l'intérieur en étaient tout autres. Ce qu'il leur réservait était beaucoup plus grandiose et glorieux qu'un somme perpétuel.
Soudain, les cocons se mirent à vibrer, d'abord doucement, puis de plus en plus violemment. L'un d'eux finit par se déchirer. Des doigts fins aux longs ongles écartèrent les filaments de soie qui retombèrent mollement de chaque côté pour ainsi dire en lambeaux. Une dame en émergea. Sa chevelure ébène retombait en cascade sur ses épaules. Vêtue d'une longue robe noire et élégante, la jeune femme resplendissait d'une beauté inouïe. Des ailes sombres et délicates, semblables à celles d'un papillon, battaient gracieusement dans son dos.
À sa suite, les autres cocons se déchiquetèrent jusqu'à ce qu'il n'en reste que de vulgaires filaments insignifiants. Trois autres demoiselles en sortirent. L'une était rousse et accoutrée de vert avec des ailes aussi noires que l'obscurité. Une autre possédait des cheveux blonds de poupée et des airs angéliques trompeurs. Ses élytres étaient plutôt blancs et duveteux, zébrés par des traits de noirceur. La dernière était une simple fillette aux cheveux châtain roux et aux yeux marqués par d'étranges cernes rouges. Tout comme ses compagnes, elle était une créature céleste dont l'envol devait être aussi gracieux que celui d'un papillon.
Toutes quatre avancèrent machinalement vers le Diable siégeant près du piano et observant son œuvre avec satisfaction. Elles posèrent leur regard profondément vide sur lui de manière parfaitement coordonnée.
Celle à la chevelure de jais s'avança pour s'adresser à l'homme.
— Qui êtes-vous pour perturber le sommeil des Papillons de l'Obscurité ?
— Le Diable lui-même, répondit-il d'une belle voix grave et virile aux intonations suaves.
Une lueur satanique s'alluma soudainement dans les prunelles des quatre démones.
— Et mesdemoiselles, annonça le roi des démons,vous allez m'aider à conquérir le monde des hommes.

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Le Jugement du Diable - Tome 1 - La délivrance du mal
ParanormalLes humains ne réalisent pas l'étendue de leur ignorance. De nombreuses créatures surnaturelles se perdent dans la foule, attendant patiemment que leur heure sonne. Emma, une mortelle parmi tant d'autres, voit sa vie voler en éclats dans un acciden...