Chapitre 20: Les morts

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Minuit. Emma pénétra dans l'enceinte du cimetière, glacée par la peur. La lune, haute dans le ciel, braquait son faisceau d'argent sur les pierres tombales. D'instinct, la jeune fille zigzaga entre les tombes jusqu'à la sienne. Ses doigts touchèrent les inscriptions. Le contact lui parut lointain, irréel. Tout était si sombre. Comme dans un cauchemar. Des ombres serpentaient au-travers les lieux, lui donnant froid dans le dos. Elle aurait aimé se dire qu'il ne s'agissait que de son imagination, mais la vérité était qu'elle humait l'énergie mélancolique, parfois négative de ces âmes perdues à plein nez. Elle se trouvait au cœur de la maison des morts.

Pourquoi suis-je venue ici ?

Espérait-elle réellement retrouver Laura ? Suivre la consigne d'une enfant démoniaque était la pire idée qui soit... Quoi que, ne pas la suivre aurait peut-être été pire non ?

La solitude la rendait folle. Dans les limbes qui séparaient les mondes, chacun cherchait désespérément son chemin, aveugle de ce que pouvait ressentir les autres. Chacun pour soi. À vrai dire, il était presque impossible de faire autrement lorsque l'on voyait ce que révélait l'aura des fantômes. Nombreux recélaient de monstruosités dont les humains ne connaissaient nullement l'existence.

— Bonsoir, Emma.

L'interpellée sursauta avant de se tourner brusquement vers la nouvelle arrivante. Laura. Celle-ci souriait, cependant, son visage était dénué de la moindre émotion. Quant à son aura, elle était vide. Vide de couleur, de personnalité. Seul un gouffre béant l'entourait, prêt à avaler tout être imprudent, à engloutir toute pensée, toute parole. Mais c'était surtout ses yeux qui disaient tout. Rouge sang, vitreux, sans cœur. Les yeux d'une marionnette dont on tirait les ficelles.

Emma recula en titubant.

— Pourquoi tu fais cette tête ? On dirait que tu as vu un fantôme.

L'arrivée éclata de rire face à sa propre plaisanterie, hérissant davantage la morte.

— Tu n'es pas Laura, bafouilla-t-elle.

Aussitôt, la concernée cessa de rire et reprit un air stoïque.

— Non, en effet. Je ne suis personne.

Emma sentit ses jambes ramollir et des frissons parcourir son échine. Les regrets, amères, faisaient surface dans son crâne.

Je n'aurais jamais dû venir. C'était stupide.

Son cœur tambourinait dans sa poitrine, alors que les engrenages de son esprit s'activaient pour trouver une porte de sortie. Elle se demanda si elle arriverait à s'enfuir en courant ou si Laura réussirait à l'attraper. Les ombres paraissaient plus proches à présent. Leurs regards étaient braqués sur la brune. Et, étrangement, Emma ne percevait pas de malveillance. Du moins, pas de leur part.

Deux silhouettes rejoignirent son ancienne amie. La première était la fillette qui lui avait donné rendez-vous ici tandis que la seconde était une jolie blonde aux yeux bleus. Malgré leur apparence de sainte-nitouche, leur aura trahissait de par leurs ténèbres leur sang de démon.

— Tu te souviens sûrement de Margaret, déclara Laura.

Emma tremblait violemment, peinant soudain à contrôler ses muscles qui ne lui obéissaient plus. Elle opina comme une idiote, blafarde et paralysée par une force mystérieuse dont elle tentait de se libérer. Les jeunes filles eurent un sourire satisfait.

— Tu vas bientôt pouvoir faire plus ample connaissance avec mon amie, Amélia, continua celle aux boucles caramel.

La blonde pencha la tête sur le côté tout en extirpant de derrière son dos une poupée. Elle fit apparaître des aiguilles dans son autre main et les planta brutalement sur les poignets du jouet. La peau d'Emma se mit à brûler à l'endroit exact où les aiguilles s'enfonçaient. Une fumée blanchâtre se dégagea des plaies, alors que la morte gémit de douleur. Les larmes étincelaient dans ses yeux. Une corde invisible se frotta sur ses blessures, augmentant sa souffrance. Un sentiment de faiblesse s'empara d'elle. L'adolescente fléchit, envahie par l'impuissance.

Le Jugement du Diable - Tome 1 - La délivrance du malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant