Chapitre 17: La porte fermée

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Des larmes maculaient les joues d'Emma. Le journaliste sur l'écran de télévision expliquait la gravité de la situation avec le nombre de morts et de blessés qui grimpaient en flèche, affiché en bas. Des images spectaculaires de créatures démoniaques défilaient, soit en vidéo ou en caméra d'amateur.

Elle tremblait, prise de soubresauts, alors qu'elle sanglotait sans pouvoir s'arrêter. Des cadres jonchaient le sol où serpentaient des éclats de verre et des éclaboussures de sang.

Je voulais juste dire au revoir une dernière fois...

Mais c'était trop tard. La vision des cadavres de sa famille hantait encore son esprit et ravivait son chagrin à chaque instant. L'éclat de la lune filtrait par la fenêtre, braqué sur la silhouette de l'âme en peine.

Soudain, l'adolescente entendit une porte s'ouvrir. Elle se retourna promptement pour faire face à un passage illuminé de blanc où se dessinait les contours des corps de ses parents. Ces derniers franchirent le battant. Emma se précipita vers sa mère qui la serra dans ses bras.

— Tu m'as tellement manqué, maman, murmura-t-elle.

— Moi aussi, ma chérie. Moi aussi.

De l'autre côté de la porte, d'autres voix l'appelaient. Celles des morts. Le fantôme s'avança, le regard empli de fascination. Ses parents se joignirent à elle.

— Ta place est avec nous, dirent-ils en chœur.

Emma sentit immédiatement qu'ils avaient raison. Elle n'avait plus rien à faire sur terre. Partir, voilà ce qu'elle devait faire. Partir vers un nouveau départ, vers la lumière. Encore quelques pas et elle y serait ! Au paradis ou peu importe ce que c'était, ce pays réservé à ceux dont les corps matériels n'étaient plus.

Main dans la main, ses parents disparurent dans la blancheur. La jeune fille voulut les suivre, mais elle se heurta brusquement à un mur invisible. Ses mains tatèrent à la recherche d'une poignée, seulement, rien. La panique fit accélérer les battements de son cœur. Fébrile, elle frappa de toutes ses forces contre la paroi transparente, elle frappa et frappa à se faire mal aux jointures et, pourtant, pas une fissure ne la parcourut. Un cri de colère s'échappa de ses lèvres.

— Laissez-moi passer, bon sang ! Je suis morte ! Je n'ai plus rien à faire ici ! S'il vous plaît !

Elle fut prise de sanglots incontrôlables. Elle en avait marre de toute cette horreur, tellement marre ! Elle ferma les yeux et s'appuya sur le mur, désespérée, la volonté la quittant peu à peu. Elle souhaiterait comprendre : pourquoi elle et pas une autre ? Quel péché mortel avait-elle commis pour subir des évènements aussi horribles ? La faute à celle qu'elle était dans une autre vie ? Et puis quoi encore... Des démons, des fantômes, c'était bien assez ! Hors de question d'y mêler la réincarnation en plus !

Sa respiration saccadée se calma peu à peu, mais le tambourinement de son cœur résonnait toujours aussi fort dans ses oreilles. Alors, l'adolescente sentit des picotements au bout de ses doigts. Légers, froids, comme des gouttes d'eau. Intriguée, ses paupières s'ouvrirent sur un curieux spectacle. Des lignes de fumée multicolores formèrent une série de courbes sous ses yeux. Des couleurs vives, éclatantes de vie, parsemées de nuances pastels par endroit. Un arc-en-ciel.

Stupéfaite, Emma demeura clouée sur place et observa, les prunelles pétillant de fascination, l'arc-en-ciel être tracé sous ses yeux. Des frissons se promenèrent le long de son échine face à tant de beauté et de... magie. Comment expliquer un tel phénomène autrement ?

La porte se ferma sous ses yeux et la lumière s'éteignit brutalement. Cependant, dans l'obscurité, l'arc-en-ciel brillait avec majesté, l'aura pleine de mystères.

Qu'est-ce que ça signifie ?

— C'est ce que tu es.

La jeune fille sursauta, bien qu'elle reconnut cette voix neutre et étrange qui était venue l'autre jour chez elle, la même qui l'avait possédé quelques temps auparavant.

— Qui êtes-vous ? interrogea-t-elle sèchement sans même se retourner.

— Tu n'es pas prête pour cette révélation.

— Comment ça ? rétorqua Emma en décidant, cette fois, de regarder.

Sa bouche resta ouverte de stupéfaction. Celle qui se tenait à quelques pas d'elle n'était nulle autre qu'Annabella. Pourtant, ce ne fut pas sa voix qui franchit le seuil de ses lèvres.

— Tu ignores encore qui tu es. C'est pour ça que tu ne peux pas partir, dit sa meilleure amie ou, plutôt, celui ou celle qui la contrôlait.

— Qu'avez-vous fait de Bella ?

— Ton amie va bien. Je l'aide à danser avec les morts.

— À quoi ?

Elle n'eut droit qu'à l'esquisse d'un sourire en guise de réponse.

— Pourquoi éludez-vous toutes mes questions ? se fâcha-t-elle en haussant le ton.

Soudain, le corps de la médium se tourna dans une direction en fronçant les sourcils, l'air soucieux.

— Je dois partir... Un démon arrive. Sois prudente.

Annabella se dirigea vers la porte d'entrée et partit précipitamment sans un coup d'œil derrière.

À cet instant, l'ambiance devint plus lourde, la température, glaciale. Emma tressaillit. Des bruits de pas feutrés retentirent en provenance de sa chambre. Ravalant sa salive, l'adolescente s'y rendit en marchant silencieusement. De l'entrebaillement de la porte, elle aperçut la fillette assise sur son lit, ses ailes de papillon déployés dans son dos. Elle tenait quelque chose au creux de sa paume, mais Emma n'arrivait pas à voir quoi.

— Je m'appelle Margaret, lança la gamine sans relever les yeux.

Le fantôme la dévisagea sans bouger.

— Tu sais que tu es chanceuse d'avoir des parents bienveillants, poursuivit la petite fille, c'est pas donné à tout le monde.

L'adolescente se raidit d'autant plus.

— Oups, c'est une corde sensible, c'est ça ?

Margaret éclata d'un rire aussi innocent que terrifiant surtout que la situation n'avait rien de drôle. Emma préféra rester stoïque et la fixa avec mépris.

— C'est impoli de pas répondre aux gens quand on leur parle, tu sais ? ajouta son interlocutrice qui la regarda enfin de ses iris écarlates. Moi, je recevais des claques par derrière la tête pour ça.

— Oh, désolée pour toi, marmonna la jeune fille.

— Tu te fiches de moi.

L'interpellée ne sut que répondre.

— Je viens te porter un message, continua la nouvelle arrivante. C'est à propos de ton amie, Laura, je crois ?

Emma acquiesça.

— Si tu veux la revoir, viens demain, au cimetière, près du mausolée, à minuit.

Margaret se redressa d'un bond et lâcha ce qui se trouvait dans sa main avant de traverser la fenêtre et de prendre son envol sous la forme d'un papillon.

Emma s'accroupit pour voir les membres démantelés d'une poupée avec le nom de Laura inscrit sur le crâne. 

Le Jugement du Diable - Tome 1 - La délivrance du malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant