Chapitre 9: Guidés

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Michel conservait un calme impeccable, nullement impressionné. La respiration haletante de son meilleur ami brisait le silence par à coup, pareil à une note dramatique dans un morceau.

Des mains se posèrent sur ses épaules. Le rouquin fronça les sourcils. Les doigts remontèrent délicatement dans son cou et replacèrent une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Le geste, empreint de douceur, détenait une certaine... féminité.

— Dom, quelqu'un joue dans mes cheveux, murmura-t-il.

— Quoi ? J'allume les lumières !

— Attends.

Le jeune homme tendit l'oreille au son d'une voix qui fredonnait. Le rythme lent, profond, harmonieux l'hypnotisait. Des mains caressèrent encore sa chevelure comme pour le détendre. Il ferma les yeux.

Il était ailleurs. Devant lui, deux femmes aux physiques distincts le fixaient avec un sourire. Il reconnut la rousse qui s'adressait à lui dans une autre langue, atteignant des notes si aigues qu'il peinait à les saisir. Les mots semblaient flotter, le percutaient sans être analysés par son esprit. Pareil à un rêve, il n'avait aucun contrôle. Comme s'il volait sur un nuage.

L'autre dame lui tendit un contrat. Ses cheveux ténébreux cascadaient le long de son visage à la peau satinée, semblables à des coulis d'encre noire sur du papier, souhaitant tâcher sa blancheur. Sur le parchemin jauni était posée une plume, près d'un encrier vide. Les symboles sur le papier dansaient sous ses yeux, lui parlaient. Au bas, une ligne était réservée à la signature.

Vas-y. Signe.

Il remarqua soudain qu'il tenait un couteau dont il se servit pour tracer une fine ligne sur sa paume. Un filet de sang s'égoutta dans l'encrier. La douleur n'existait pas, pas plus que le doute. Il devait signer. C'était tout.

Il trempa sa plume et apposa son nom sur le parchemin. Quelqu'un guidait ses gestes. Tout était si clair dans son esprit. Il savait qui il était à présent.

Tout avait enfin un sens.

La rousse lui parla dans cette même langue chantante, mais, cette fois, il comprenait tout.

Aide-nous, daemon. Aide-nous à accomplir cette mission pour notre maître.

Ce fut le moment où il ouvrit les yeux.

***

Lundi. Annabella cherchait du regard les garçons dans la cafétéria remplie d'élèves. Elle se serait bien contentée de la solitude pour unique compagnon, installée à un coin de table disponible, mais Emma en avait décidé autrement. Selon sa meilleure amie, elles avaient besoin d'eux pour agir. Comment deux ignorants pourraient-ils l'aider ? Ça, elle ne le savait pas.

Finalement, elle aperçut les cheveux flamboyants de Michel et, une fois ce dernier repéré, on supposait que Dominic n'était pas loin non plus. Ce dernier la salua à son arrivée tandis que le rouquin gardait les yeux obstinément posés ailleurs.

Au départ, chacun garda le silence, pris dans leurs pensées. Annabella jaugeait les jeunes hommes avec une sorte de mépris. Ses sourcils légèrement froncés accentuaient le pli entre ses yeux, lui donnant un air sévère. Elle gardait les bras croisés sur sa poitrine, ignorant la boucle qui s'échappait de son chignon et retombait sur son visage. Dominic tenta de supporter ses prunelles, mais leur intensité l'intimidait. Il n'osait imaginer comment elle le dévisagerait si elle savait ce qu'il avait fait à Emma...

Le blond jeta un coup d'œil à son meilleur ami, en attente d'un geste de sa part. Mais Michel fixait le plafond avec une arrogance non feinte envers Annabella.

Le Jugement du Diable - Tome 1 - La délivrance du malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant