Le Jugement du Diable - Tome 1 - La délivrance du mal

Chapitre 3: L'apparition

Ses pieds glissaient sur le sol glacial tandis que sa peau frémissait sous la caresse du vent. Annabella se laissait guider par une douce mélodie, longeant les parois de pierre, attentive. Des roses noires jonchaient le chemin comme pour lui indiquer où aller.

L'adolescente déboucha sur un cul-de-sac. Un piano siégeait sur un plancher de givre où serpentaient quelques pétales. Une dame jouait sans lui accorder la moindre attention. Des papillons virevoltaient autour d'elle. Annabella s'approcha et l'entendit chantonner à voix basse. À mesure qu'elle avançait, la jeune femme chantait de plus en plus fort, avec plus de passion. Elle leva les yeux vers le ciel en souriant. Des flocons de neige se mirent à tomber, se posant parfois dans sa chevelure de jais. Puis, elle baissa la tête et cessa de jouer. Un silence lugubre envahit les lieux.

Quant à Annabella, elle s'approcha encore pour poser une main sur son épaule. Une voix derrière elle l'interrompit :

— La destruction du monde approche.

L'interpellée se retourna pour voir la dame aux cheveux sombres se tenir derrière elle. Il n'y avait plus personne au piano, d'ailleurs.

— Il est l'heure d'éliminer tous ces misérables humains, sourit la jeune femme.

Cette dernière tenait au creux de sa paume un papillon. S'adressant à lui, elle souffla :

— Tu vas m'aider à y arriver n'est-ce pas, mon mignon ?

Elle le jeta dans les airs afin qu'il prenne son envol vers le firmament. Annabella le suivit du regard et remarqua un autre papillon plus étincelant croiser son chemin. Au lointain, une silhouette ailée se découpa dans la lumière.

Avant de réussir à en distinguer les traits, Annabella fut ramenée à la réalité dans sa chambre.

Elle prit une profonde inspiration pour se calmer. Une autre vision. Les questions se multipliaient dans son esprit. Que pouvait-elle faire pour arrêter ce qui se tramait ?

Elle tourna la tête vers la fenêtre pour y voir un papillon posé sur le rebord, à l'extérieur. Des frissons lui parcoururent l'échine. Comme si ce papillon était de mèche avec la démone de sa prémonition.

Afin de réfléchir un peu, la jeune fille franchit le seuil de sa porte d'entrée pour une promenade matinale. Aussitôt, le vent la revigora de par sa vigueur sauf que cela ne l'empêchait pas de se sentir aussi peu en vie. Elle ignora le craquement des branches, la terre qu'elle frappait au passage, encore moins le gazouillement des oiseaux caractéristique de la campagne où elle vivait. Le monde continuait de tourner, de vivre et, pourtant, la mort courait de partout sur sa peau, voire sur son âme. Au fond, elle avait pressenti la mort d'Emma depuis longtemps, mais on aurait dit que le mal n'en avait pas fini avec elle.

Chassant ses idées sombres, Annabella poursuivit son chemin jusqu'à la rivière située à la lisière de la forêt près de chez elle. Le ruisseau circulait tranquillement parmi les galets et les plantes. Son eau cristalline chantonnait doucement lorsqu'elle heurtait la pierre. En d'autres circonstances, sa mélodie l'aurait apaisée, mais, cette fois, son cœur demeurait obstinément serré.

Une mèche de ses cheveux trempa dans l'eau, alors qu'elle s'y penchait un peu trop. Sans réfléchir, elle y jeta un galet. Sa surface se troubla et des ridules déformèrent son reflet. Puis, elle fut prise d'un léger vertige. Elle cligna des paupières, alors que l'image dans le torrent changea.

Devant elle se dressait une vision enflammée. Des flammes orangées dévoraient les arbres. La fumée épaisse envahissait les lieux. Autour, des individus, aux contours trop flous pour qu'elle puisse connaître leur identité, se battaient avec la force du désespoir contre des monstres d'une horreur sans pareille. Peur et volonté se mêlaient à leurs gestes. Certains fuyaient, d'autres continuaient de combattre. Et parmi ceux-ci, il y en avait qui tombaient sous les coups de griffes acérées et d'épées tranchantes.