Continuité.

302 37 14
                                    

Harry.

J'étais couché dans mon lit, en train de regarder le plafond.

Nous étions jeudi. Jeudi matin.

Je n'avais pas revu Astrid, depuis lundi soir.

Certes, elle avait travaillé dans sa boutique, je l'avais vu faire quelques aller-retour, elle m'avait même fait un sourire, lorsque nos regards s'étaient croisés, à travers la fenêtre.

Mais elle n'était pas venue me parler. Et je ne l'avais pas fait non plus.

Demain, c'était le grand lancement de sa boutique. J'y avais jeté un coup d'oeil, lorsqu'elle n'était pas là, et je devais avouer que c'était foutrement joli. Chaque chose avait sa place. Et je savais que chaque chose avait une histoire.

L'histoire de ses bottes, de toutes celles que je savais, était ma préférée. Peut-être parce qu'elle était un peu plus vraie, un peu plus sensible que les autres. Peut-être parce que j'adorais ses bottes, aussi. Je ne savais pas trop pourquoi, mais d'une certaine façon, l'histoire des bottes et du cordonnier m'avait touchée.

Et depuis ce lundi soir, je n'arrêtais pas de repenser à ce que j'avais ressenti, en moi, lorsqu'elle avait posé ses lèvres sur les miennes. J'en voulais plus.

Probablement parce que je n'avais eu aucun contact avec un corps féminin depuis deux ans.

Le corps féminin était une dépendance, littéralement. Dès que vous y reposiez les yeux, les lèvres ou les mains, c'était peine perdue: il était impossible de revenir à l'arrière.

Or, ce qui était bien avec Astrid, c'est qu'en premier, j'avais posé les yeux sur elle. Puis, j'avais posé mon esprit près du sien, avec mes secrets et les siens. J'avais posé mon fils près d'elle, après.

Et ensuite, j'avais posé mes lèvres sur elle.

C'était un court baiser, qui n'avait même pas été approfondi. Seulement que nos lèvres et ma main dans son dos.

Mais il était spécial, ce baiser. Il était sincère et je l'adorais.

Ayant finalement trouvé le courage de me lever du lit, de me doucher et de manger, je descendis finalement à la boulangerie.

J'étais en train de pétrir de la pâte à pain, essayant encore une fois de chasser ce baiser de ma tête. En plus, comme Eliott passait la semaine chez Val, il était encore plus impossible de me changer les idées.

J'étais donc en train de pétrir la pâte, l'esprit perdu dans une station de métro, lorsque la cloche de la porte sonna.

Tout de suite, je relevai la tête, prêt à voir une paire de bottes antiques.

Mais ce fut des bottes d'hommes.

Je soupirai en voyant Eddy, qui s'avançait vers le comptoir.

-Alors, comment tu vas? demanda-t'il en s'assoyant à la table près du comptoir.

-Bien, bien, dis-je en lui tendant un petit pain au chocolat et un café.

J'étais un peu évasif, ne voulant pas nécessairement lui parler d'Astrid. Encore moins du baiser.

-La routine, quoi. Eliott revient demain, après l'école, parce que Val a encore un autre putain de congrès, murmurais-je en retournant à ma pâte à pain.

Eddy rigola doucement en secouant la tête.

-J'espère qu'elle sait qu'elle ne pourra pas faire ça avec Jade. Elle sera avec elle tous les jours.

Curiosité.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant