Chapitre deux

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Nous étions dans le salon, face à face, à se regarder comme deux personnes qui se découvrent pour la première fois. J'avais apporté deux canettes de jus d'orange comme boisson, elles trônaient sur la table, comme les seules témoins de notre échange invisible. Je n'avais plus envie de pleurer, comme si sa simple présence effaçait toute la tristesse que je contenais au fond de mon être depuis tout ce temps. C'était apaisant, voire même reposant. Un sourire se dessina sur ses lèvres, plissant ses petits yeux en amande que j'admirais depuis un moment déjà.

-Je m'appelle HoSeok. Et toi ?

-Angèle.

-Peut-être qu'on te l'a déjà dit, mais ton nom fait écho aux anges.

-Oui, j'ai une amie qui me l'a déjà dit.

Il sourit un peu plus, balayant encore une fois la peine que je portais sur mes épaules. Cet homme me faisait pousser des ailes, des ailes d'un ange. Jamais personne ne m'avait regardé comme il le faisait en ce moment ; le regard qu'il posait sur moi était rempli d'attention, de douceur, de tendresse. Comme s'il ne voulait pas me briser, comme tant d'autres personnes l'ont fait auparavant.

-Tu sembles refermer bien des secrets dans ce petit corps tout frêle.

-Dis encore que je ne suis qu'une faible, dis-je d'un ton sec en détournant la tête.

-Ce n'est pas ce que je voulais dire, dit-il en s'approchant de moi. Je disais par-là que tu es bien trop jeune pour avoir connu tant de problèmes, tu ne mérites pas cela.

Je tournai la tête vers lui, son visage n'était pas si loin du mien. Je me risquai à passer mes doigts sur sa joue, il sourit.

-J'ai l'impression que tu souris tout le temps, sans discontinuer.

-Et c'est le cas. Parce que j'ai appris à envoyer chier ceux qui ne méritaient pas mon attention. Tu devrais en faire autant.

-Je le fais, qu'est-ce que tu crois ? Je ne me laisse pas faire.

-Tu dois le faire avant et après. Avant, tu envoies chier ces personnes. Après, tu ne pleures pas pour elles. Parce que je suis sûre que c'est ce que tu fais, tard le soir.

Je ne dis rien, surprise que ce garçon pouvait connaître tant de choses à mon sujet rien qu'en plongeant son regard dans le mien. S'en était presque magique. Je n'avais pas besoin de parler, il traduisait tout.

-Regarde-moi.

Il prit mon menton entre ses doigts fins et tourna mon visage vers le sien. Il remit une mèche de cheveux derrière mon oreilles et caressa d'une tendresse inouïe ma joue en parcourant mon visage de ses yeux brillants.

-Je vais t'aider.

-Qu'est-ce qui me dit que tu n'es pas une de ces personnes qui va encore me laisser au bout de quelques jours ? M'abandonnant à mon triste sort parce que je n'intéresse personne.

Ca y est, je pleurai à nouveau. Il s'approcha un peu plus et me recueillit dans ses bras. Je n'osai pas bouger, trop faible pour m'en aller mais surtout, trop enivré par son odeur réconfortante. Ses bras forts entourèrent mon corps dépourvu de toute énergie. Il me serrait contre lui comme on soutient un bébé dans ses bras. Il avait comme une douceur maternelle dans ses faits et gestes.

-Je n'aurais pas toqué chez toi si je me foutais de toi. Angèle, il faut que tu réapprennes à faire confiance aux nouvelles personnes dans ta vie. Certes, tu as peur que ça recommence, qu'on t'abandonne à nouveau, mais sache que tu en sors que plus fort de ces épreuves. Pour l'instant, tu es en période de récupération, on va dire ça comme ça. Mais après, tu seras plus forte et tu pourras affronter sans peur les autres personnes. Et ce sera l'inverse : les gens auront peur de te perdre, parce qu'ils auront vu une bonne personne en toi. Et ça, je l'ai déjà vu.

Il avait déposé tendrement ma tête sur son épaule, recueillant mon menton dans la paume de sa main. Je ne voulais pas qu'il s'en aille, ou que cela soit un rêve. Je m'accrochai à sa chemise comme on s'accroche à l'espoir. Cet homme voulait être mon aide, j'avais juste à accepter. Mais j'avais si peur ! Qu'est-ce que je devais faire ? De toute façon, je suis trop fatiguée pour réfléchir. Je me redressai et lançai un regard à la pendule au-dessus de la télévision : 23h54.

-Il est peut-être temps que je m'en aille, je suis resté vraiment très tard.

-Non, reste.

Je plaquai ma main sur ma bouche, surprise de ce que je venais de dire. Ce n'était pas ma faute, c'était comme un automatisme. Il sourit et m'ébouriffa les cheveux.

-Alors je vais rester, puisque c'est ce que tu veux.

Je me levai en lui demandant de m'attendre puis allai mettre mon pyjama pour être plus à l'aise; C'était un simple jogging avec un t-shirt, pas un pyjama rose avec des licornes dessus (même si j'en ai un dans mon armoire). Je le rejoignis, il était en train de regarder la bibliothèque où j'avais entreposé mes pullips.

-Elles sont vraiment très jolies !

-Oui, je leur ai donné des noms.

J'énumérai les noms de mes poupées, il semblait fasciné. Je ne voulais pas qu'il me prenne pour une gamine, mais il semblait compréhensif alors je commençais peu à peu à lui faire confiance. Et je ne devais pas oublier qu'il m'avait défendu au café aujourd'hui. Une fois que j'eus fini de lui présenter mes mini-amies, je lui demandai de me suivre. Je l'amenai jusque dans ma chambre, nous prîmes place sur le bord du lit et continuâmes à discuter. Jusqu'à ce que je commence à tomber endormie.

-Est-ce que ce serait possible que l'on se voit demain ?

-Oui bien sûr, pas de problème. Je ne travaille pas en ce moment, je peux donc passer la majeure partie de mon temps avec toi. Enfin... si tu veux bien.

Malgré la faible intensité de ma lumière de chevet, j'aperçus quand même une légère teinte rosée sur ses joues. Je souris, heureuse de voir qu'il partageait le même souhait que moi.

-Alors on se voit où et quand ?

-Tu verras bien. Pour l'instant, il faut que tu dormes. Tu travailles demain, tu devrais te montrer en pleine forme pour être souriante avec les clients.

-Mêmes les emmerdeurs ?

-Même les emmerdeurs, ria-il en remontant la couette jusqu'à mon menton.

Il s'assit juste à côté de moi, semblant hésiter un moment. Puis il se pencha et déposa un rapide baiser sur mon front avant de s'en aller. Je voulais rire mais ça allait le rendre mal à l'aise alors je ne fis rien.

-Je vais fermer la porte de l'extérieure et je glisserai la clef en-dessous de la porte pour te la rendre.

-Ce serait con que je me fasse enfermer.

-Oui, pas de travail demain.

-Oh bah si ce n'est que ça.

Il se mit à rire à nouveau. C'était si plaisant à entendre. Il m'adressa ensuite un signe de la main, son éternel sourire aux lèvres, avant de fermer la porte et de s'en aller. Quelques secondes plus tard, je l'entendis jeter les canettes à la poubelle puis fermer la porte. Je me couchai sur le côté et éteignis ma lampe de chevet. J'espère que je n'ai pas rêvé.

Le lendemain, je me réveillai avec le sourire aux lèvres. Incroyable. Je me souvins alors de l'invité que j'avais eu cette nuit. Je sautai de mon lit, ouvrai la porte de ma chambre en coup de vent et fonçai jusqu'à l'entrée. Non. J'avais rêvé. La clef de ma porte d'entrée n'était pas là. IL ne m'a quand même pas enfermé ? Mon cœur se resserra, la douleur que j'avais ravalé hier soir refit surface. Je fis demi-tour pour rejoindre ma chambre mais je marchai sur quelque chose de froid.

Ma clef. Avec un papier enroulé autour. Quand je le défis, je découvris... un numéro de téléphone. Un cœur était dessiné au bout, avec des ailes et un A inscrit au centre.

Smile, don't cryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant