- C'est le prénom le reflet de l'âme.
C'était des grands yeux noirs qui absorbaient tout mon visage. Je devais me reculer pour avoir une vue plus nette. Une fille avait la tête à l'envers, et ses cheveux d'une couleur particulièrement rose suspendaient et touchaient le sol. Je me suis surpris à me demander si c'était moi qui étais à l'envers rien qu'en la voyant.
Elle avait marqué mon esprit au fer, rien qu'en plongeant ses yeux dans les miens. Mais je ne le savais pas encore.
J'ignorais tout, j'étais comme les autres à ses yeux.
-Je te demande pardon?
Je ne savais pas si j'avais l'air d'être un demeuré, mais j'ai penché la tête par instinct.
-T'as jamais voulu avoir ton nom de famille en tant que prénom ?
Elle était descendue de la barre sur laquelle son corps était suspendu, au moment où Monsieur Philips apparaissait.
-Ghaïs Jordan, nous sommes déjà à l'exposition suivante. Suivez le rythme.
J'avais extrêmement envie de ne pas m'appeler Ghaïs, mais plutôt Jordan. Un Jordan était beaucoup plus commun, plus facile à prononcer, et plus doux qu'un Ghaïs. Mon professeur patientait, légèrement agité, pendant que je me décidais à rejoindre les autres dans une nouvelle galerie.
Les visites aux musées n'arrivaient que deux fois par an, et elle est tombée un jour d'été. Un jour d'été où une jeune fille aux yeux nuits, et aux cheveux roses, avait décidé de se promener. Parmi tous les endroits au monde, et de manière plus restrictive, de la ville, elle avait choisi le musée le moins visité.
Je n'étais qu'un idiot qui ne trouvait pas en quoi un musée pouvait être intéressant.
Cette fille me suivait. Elle suivait notre classe, discrètement. En oubliant certainement le fait que ses cheveux ne passaient pas inaperçu. Je me suis attardé sur une vieille statue archaïque et d'un vert terne.
-Ghaïs est un prénom qui ressemble à Thaïs, mais c'est plus viril.
-T'as un problème avec les prénoms ?
Je ne savais pas pourquoi j'avais employé ce ton glacial. Je ne savais pas pourquoi les premiers mots que je lui balançais résonnaient comme des reproches. Mais elle me l'a expliqué.
-Ta réaction traduit un peu de frustration. Tu n'aimes pas ton prénom.
-Bravo, Sherlock.
-Je pense que tu es comme l'irritable irrité.
-L'irritable irrité ? Répétais-je, incertain.
Et peut-être agacé.
-Facilement irrité, et très irritable.
Je me suis renfrogné.
-Pourquoi tu te permets de me juger, et de me suivre? T'as pas autre chose à faire, genre le cochon pendu ?
Elle était simplement en face de moi, et tout ce qu'elle faisait n'était que froncer les sourcils. Constamment.
-Pourquoi tu penses que c'est un jugement ? Un jugement n'est pas péjoratif. Regarde, depuis que tu es rentré ici tu n'arrêtes pas de serrer les poings.
Je desserrais inconsciemment mes poings.
-De plus, tu sembles toujours t'éloigner de ton groupe. Tu ne veux pas être avec eux, ni ici. Tu penses peut-être que cet endroit t'es imposé, et par cette raison, tu vas te refuser le coup d'œil. Tu vas ignorer cette fabuleuse sculpture, admirablement vieille, mais qui racontera une histoire encore plus profonde que la tienne. Car la tienne expliquera pourquoi tu ne veux pas être ici, et la sienne expliquera pourquoi elle est ici.
J'allais lui répondre je ne sais quoi, étant donné que tout ce qui sortait de ma bouche était irréfléchi, mais elle me devança rapidement:
-Sacha.
Son nom résonnait dans ma tête comme un refrain, puis la voix de Monsieur Philips retentit à nouveau.

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s a c h a
Short Story❝Sacha ne m'a pas changé. Elle a bouleversé tout mon monde.❞ i n c l a s s a b l e