La passeuse d'Eel

Chapitre 3

Après trois quarts d'heure de route, nous venions d'arriver au supermarché. Je voyais dans son regard que Nevra était curieux. En même temps, d'après ce que je savais, c'est la première fois qu'il participait à un ravitaillement, donc qu'il venait sur Terre. On prit chacun un caddie, et je lui expliquais comment on allait procéder tout en entrant dans le magasin.

- Voici ta carte bleue, lui dis-je en lui tendant l'objet avec un petit portefeuille pour la ranger. Elle va te servir pour payer les achats. Tu auras un terminal de paiement à la caisse. Tu vas devoir l'y introduire quand on te l'indiquera. Tu devras taper un code, il est écrit dans le portefeuille. Et puis t'appuies sur le bouton vert pour valider. Je t'attendrai à la sortie.

Je le regardai. Ses yeux fixaient la petite bourse, l'air perplexe.

- Tu veux dire que tout l'argent se trouve là-dedans ?

- Euh... oui. Pourquoi, tu voudrais qu'il soit où ?

- Je ne sais pas, vous n'avez pas de pièces ou de Maanas ?

Je ne pus empêcher une rire, ce qui rendit mon interlocuteur encore plus dubitatif.

- Excuse-moi, ce n'était pas sympa, dis-je tout de même avec un sourire. Bien sûr que l'on a des pièces, même des billets. Mais pas de Maanas. Notre monnaie est différente. Dans notre cas, au lieu de se trimballer tout notre argent sur nous, on le met dans un compte en banque. Grâce à une carte, on peut utiliser cette argent.

- Donc c'est comme des transactions virtuelles ?

- Exactement !

- Je vois...

Nevra se perdit quelques secondes dans ses pensées, semblant assimiler ce que je venais de lui dire.

- Bon ce n'est pas que le monde du commerce ne me fascine pas, mais si tu veux plus d'infos on le fera tranquillement à la maison. Tu en dis quoi ? Plus vite on fait ces courses, plus vite on rentre.

- Ça me va, répondit simplement le Chef de l'ombre.

On prit donc directement la direction des produits secs où à longue conservation. Acheter du congelé ou des produits frais comme de la viande ne servait à rien, vu qu'Eldarya ne possédait ni congélateur, ni frigo.

Armés de nos deux caddies, on commença à les remplir tout d'abord d'épices en tout genre. D'après Nevra, nos condiments se mariaient très bien avec leurs légumes. Il m'en cita quelques-uns, me donnant parfois envie des les goûter, parfois bien le contraire. Ma mine de dégoût le fit rire. Son rire était vraiment beau.

Dans notre délire sur ses kukumis aqueux, on arriva dans mon rayon favori.

- C'est la première fois que je vois autant de Macaronis dans un même endroit, s'extasia Nevra.

- Tu es sérieux ? Dis-je légèrement choquée. Je croyais que tu ne connaissais pas les pâtes.

- Ce ne sont pas des macaronis ? Demanda-t-il, confus.

- Les macaronis sont une variétés de pâtes... Tu veux dire que tu ne connais que les macaronis ?

- Hum, je crois que oui, si je comprends bien ce que tu dis.

Je soupirai. Je ne savais ce que je devais penser de ça. Pourtant les dernières délégations savaient très bien ce qu'étaient des pâtes. Alors soit Nevra se foutait de savoir ce qu'il mangeait, soit il était ignorant.

Nous remplions donc la moitié de nos caddies avec toutes sortes de pâtes et de féculents, tel que le riz ou la purée mousseline, en précisant que ce n'était qu'en cas de dépannage. J'avais l'impression d'avoir affaire à un ado qui faisait pour le première fois des courses. Nevra s'extasiait parfois devant des objets qui m'étaient banals, ce qui me faisait rire.