Chapitre 9

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 – Jynn, réveille-toi...

  Je reconnus facilement la voix de ma grand-mère. Je ronchonnais légèrement, plus par habitude que pour manifester mon mécontentement. Je la sentis s'asseoir au bord de mon lit, et me caresser le dos, étant allongée sur le ventre.

 – Nos amis doivent bientôt partir. Tu devrais venir prendre ton petit-déjeuner avant le Passage.
 – J'arrive, laisse-moi cinq minutes.
 – Très bien ma chérie.

  J'entendis ma grand-mère sortir de la pièce. Je m'étirais dans mon lit, espérant que personne n'entre de nouveau pour voir le peu de grâce que je mettais dans mes gestes. Je poussais la couette en bout de matelas, comme à mon habitude, et mis fin à ma léthargie en sortant de mon lit. Encore dans les vapes, j'attrapais le premier sweat que je vis et attachais mon cheveux en queue de cheval en guise de cache-misère. Je pris quand même le temps d'ouvrir les volets et par conséquence la fenêtre afin d'aérer ma chambre et de ne pas vivre dans une tanière de chacal. Je prit conscience qu'il fallait également que j'envisage sérieusement de faire le ménage, mes affaires s'empilant un peu partout dans la pièce.
  Je sortis donc de ma chambre en prenant soin de fermer la porte pour que personne ne voit le dégât, et me dirigeais vers la cuisine. Comme à son habitude, ma grand-mère m'avait préparer un petit-déjeuner, que j'engloutis à grande vitesse. Anya m'avait rejointe, voulant passer un petit moment avec moi avant son départ.

 – Comment vas-tu ?
 – Bien, on termine les derniers préparatifs avec les autres, avant de rentrer chez nous. Et toi ? Excuse-moi d'aborder le sujet, mais tu avais l'air déboussolé hier.
 – Comment ça ? On ne s'est presque pas croisée de la journée.
 – Je suis une Mage Jynn, je peux ressentir ce genre de chose sans avoir besoin de poser des questions.
 – Je suis bête, c'est vrai. Pour faire court, j'ai mit fin, définitivement cette fois, à ma relation avec Ethan. Nous nous sommes bien fait comprendre que mes secrets me bousillaient la vie et que mes mensonges bousillaient la sienne et notre relation. Ce n'était plus vivable... ni pour lui, ni pour moi.
 – Je suis désolée... sincèrement.
 – C'est encore trop frais, mais je vais réussir à me convaincre que c'est mieux comme ça. Même si ça sera dur au début. Je pense que le plus dur sera de rester calme lorsque je le croiserai au lycée. En plus on restait tout le temps ensemble, on avait les même amis, les mêmes délires. Tout ça, c'est fini.

  Un silence s'en suivit. Je finissais ma tasse de thé tout en jetant un coup d'œil à Aniel, qui me souriait tendrement. A cet instant, j'aurais aimé partir avec elle. Bien qu'Eldarya me soit un monde complètement inconnu, la nouveauté ne me ferai pas de mal. Car je n'avais en aucun cas envie de rester ici. Mais je savais éperdument que mon envie de voyage venait du fait, que je redouter la semaine prochaine. Lundi. J'avais encore le week-end pour y penser. Mais ma prochaine rencontre avec Ethan allait être difficile. Et le regard de mes amis encore plus.
  Mon grand-père nous appela, l'heure approchant à grand pas. Je finis rapidement le reste de mon petit-déjeuner, mis rapidement le tout au lave-vaisselle et commençai à me dirigeait vers ma chambre afin d'aller chercher ma chevalière. Au moment où j'allais sortir de la cuisine, Aniel me coupa dans mon élan en m'attrapant le bras.

 – Tu sais, j'aurais aimé rester là. Mais toute chose à une fin. On ne se connaît peut-être pas depuis longtemps, mais je tient quand même à toi. Alors prends-le comme tu veux, mais... comment dire...

  La jeune Mage marqua un temps d'hésitation, avant de finir sa phrase.

  – Tout ira bien. J'ai confiance en toi, et je sais que tout va bien se passer. Que soit avec Ethan, tes amis, ou... cette histoire d'enlèvement. Théa n'est peut-être la plus facile à vivre, mais Jaod et elle sauront te quoi faire, ils sont entraînés pour ça.

  Je souris en guise d'acquiescement . Cette fille était adorable, c'était indéniable. Dommage qu'elle fasse partie du groupe partant.

  – Je te remercie Aniel. Vraiment, je suis sincère.
 – Je sais. On se retrouve en bas.

  Aniel me lâcha puis prit le chemin de la cave, tandis que je reprenait le mien vers ma chambre. En entrant, je me dirigeait directement vers mon bureau. J'ouvris l'unique tiroir et attrapai l'écrin rouge caché au fond. Je l'ouvris, puis pris ma chevalière, que je passai à mon doigt.          J'admirai un instant les symboles gravés dessus, dont je n'avais jamais deviné le sens.
Puis, alors que je me retournai pour rejoindre les autres à la cave, je vis Nevra appuyé au mur, à l'entrée de ma chambre. Il me fixait, toujours avec son expression indéchiffrable. Je soupirai.

 – Tu as toujours le don d'apparaître alors qu'on ne t'attends pas.
 – J'aime bien surprendre, que veux-tu. Déformation professionnelle.
 – La curiosité malsaine fait partie des critères de recrutement chez vous ?

  L'Ombre rigola en guise réponse, puis me fit signe de la main.

 – Viens, on n'attends plus que nous.
 – Ça ne réponds pas à ma question.
 – Tu connais la réponse, pourtant.
 – Aux dernières nouvelles, je ne suis pas devin.
 – Jynn, tu veux vraiment qu'on se dispute avant mon départ ?
 
  J'entendis la voix de ma grand-mère nous appeler.  C'était l'heure. Je fermai le tiroir et me dirigeait vers le couloir. Nevra, toujours adossé au pan de la porte, se redressa et m'attrapa le bras. Je louchais sur sa main, puis plantai mon regard dans le sien. Son œil libre s'était assombri, passant d'un gris perle à un gris noir. Ce regard... il était captivant... je n'arrivais pas à m'en détacher.
  Une aura nouvelle émanait du vampire. J'avais connu ce dernier professionnel, narcissique, pot de colle et d'une curiosité maladive, mais jamais avec cet air sérieux qu'il arborait à cet instant précis.
  Sa main me retenait juste assez pour que je m'en aille pas, mais sans me faire mal. Je pouvais sentir tout son corps tendu. Et toute cette tension me provoqua un frisson le long du dos.

 – Je suis sérieux, Jynn. Je ne sais pas si je ferai partie du prochain voyage. Je sais que je n'ai pas été facile à vivre, et que j'ai t'ai sûrement ennuyé la plupart du temps que nous avons passé ensemble, et j'en m'excuse. Je sais également que je suis en grosse partie fautif pour ta rupture avec Ethan, et je m'en excuse aussi, même si je pense que ça allait arriver un jour et que je n'ai que précipité les choses.

  Je n'en revenais pas. Je ne m'attendais pas à une longue tirade de sa part. Et j'étais encore plus troublée. Mes sentiments étaient partagés entre la colère et la surprise. Je ne savais ce que je devais penser de lui.

 – Je ne veux pas partir sans t'avoir présenter des excuses. Accepte-les ou pas. La décision te revient. Mais je ne veux pas m'en aller sur ces mauvaises notes.

  Nevra défit légèrement son emprise sur mon bras, pour se rapprocher doucement de moi. Sa proximité grandissante me fit reculer d'un pas, puis d'un autre, nous faisant entrer dans ma chambre. Je ne savais pas comment ne sentir, mon cœur commença à s'emballer, petit à petit, mon regard toujours plongé dans le sien. Je continuai à reculer jusqu'à me taper le mur. Je me retrouvais coincée entre ce dernier et l'Ombre, toujours aussi sérieux.

  – Nevra, je... je pense qu'on de...
  – Ne m'oublie pas Jynn. Peut importe nos différents. Souviens-toi de tous nos moments passés ensemble, bons et mauvais. Je ne veux pas que tu m'oublie, Jynn. Je sais que c'est égoïste de ma part, et ce que je m'apprête à te dire l'es encore plus.
 
  Nevra prit un moment pour peser ses mots. Tandis que moi, je restais pétrifiée et pendue à ses paroles, mon cœur battant la chamade d'une manière affolante. La minute d'avant, il se disait responsable de ma rupture avec Ethan, et là, il me suppliait de le garder dans mon cœur. Je l'entendis prendre une inspiration, avant de lâcher la bombe.

 – Je t'aime Jynn. Depuis le premier jour tu m'as plu, un véritable coup de foudre pour ainsi dire. Et avant que tu ne me fasses la remarque, oui, une semaine m'a suffit. Je... Je ne voulait rien te dire, car je savais tu m'aurais rejeter. Et c'est ce à quoi je m'attends en ce moment. Mais je ne peux pas faire face plus longtemps à mes sentiments. Je ne vais pas te demander de m'aimer en retour, c'est impossible aux vues des circonstances. Je te demande juste de ne pas m'oublier. S'il te plaît.

...

  J'étais sur le cul. Je m'attendais en aucun cas à ça. Et à ce qui allait se passer. Pendant sa déclaration, Nevra avait continuer à se rapprocher, jusqu'à sentir son souffle léger sur mon visage. Sa voix avait fait place au silence, et je pouvais sentir les battements frénétiques de mon cœur.
  Je ne savais pas ce qu'il m'arrivait. Bien sûr, j'étais perturbée par ses paroles, et complètement perdue de surcroît. Et je ne savais quoi dire. Nos visages n'étaient qu'à quelques millimètres l'un de l'autre, comme s'apprêtant à s'embrasser, seulement je savais que le vampire ne ferait rien de tel. Du moins, si je ne faisais pas le premier pas. Ce qui n'arriva pas.
  Avant que j'ai pu dire ou faire quoique ce soit pendant les quelques secondes où on se regarder dans le blanc des yeux, la voix de ma grand-mère nous appela de nouveau, nous ramenant à la réalité. Je rompis le contact visuel en détournant la tête, tandis que Nevra me lâcha le bras, me regarda une dernière fois et sortit de ma chambre.
  Je pris quelques secondes pour me remettre de mes émotions, respira un bon coup, et prit sa suite. Pendant les trente secondes qui séparaient ma chambre de la cave, je fis le vide dans ma tête, vérifiai que j'avais bien ma chevalière, et essayai de me composer une tête potable qui na trahissait pas mon trouble intérieur. Mon grand-père ne se fit pas prier pour nous faire remarquer notre léger retard.

 – Eh bien on a failli vous attendre !
 – Désolée, je ne trouvais plus ma chevalière...
 – Je t'ai déjà dit de la ranger dans un endroit discret mais facilement mémorisable.
 – Je sais papy, mais tu me connais, je suis tête en l'air.
 
  Ma remarque eut le don de le faire rire.

  – Il faut croire que c'est de famille !

  Il eut pour réponse une tape sur l'épaule de ma grand-mère, ce qui fit rire tout le monde, sauf Théa, habituellement peu expressive, et Nevra, qui semblait ailleurs et éviter soigneusement mon regard.

 – Allez ne perdons pas plus de temps, Jynn vient mettre ta chevalière avec moi.

je suivis ma grand-mère au portail, et mis ma chevalière dans dans l'étui prévu, et lorsque les deux artefacts furent en place, la fresque se mit à luire, et le mur blanc apparut, signe de l'ouverture du portail. Aniel s posta en face de moi, et me prit dans ses bras. Je lui rendit son câlin, portant une réelle affection pour elle.

– Prends soin de toi. Nous revenons aussi vite que possible, et j'espère être du voyage.
– Je l'espère aussi, Aniel. Prends soin de toi aussi.
– J'ai tout confiance en Théa et Jaod.
– Je ne peux que te croire.
– A bientôt, Jynn.
– A bientôt.

Puis la Mage salua mes grands-parents, et passa à travers le portail. Duncan nous salua simplement, en nous remerciant de notre accueil et nous souhaita une bonne continuation, puis disparu à son tour. Vint le tour de Nevra. Il se posta en face de moi, son regard sur moi. Je me forçai le soutenir, ne laissant rien paraître. Il se mit à chuchoter.

– Fais attention à toi. Ils peuvent revenir. J'aurai aimé rester mais mon statut m'en empêche.
– Je sais. Je ne te blâme pas. Et je saurais surveiller mes arrières. Et puis, j'ai deux gardes du corps au cas où.
– N'oublie pas ce que je t'ai dit. Promets-le moi.
– Je ne...
– S'il te plaît, Jynn.
– D'accord. Je... je te le promets.

Je ne savais pas pourquoi j'avais dit ça, mais je vus dans ses yeux que je lui faisait un énorme cadeau. Nevra me sourit, puis alla vers mes grands-parents, les salua en les remerciant, au nom de la Garde d'Eel, puis s'en alla traverser le portail.
Ne restait que nous cinq, en comptant Théa et Jaod, restés relativement discrets durant le départ de leurs camarades. Le calme était revenu, et un semblant de normalité également. Je savais que je n'aurais presque pas à m'occuper des deux Eldaryens, qui seraient occupés dans leur enquête sur mes mystérieux kidnappeurs, en plus de leur mission initiale. Mes grands-parents resteraient au courant de rien en ce qui me concernait, pour ne pas provoquer des soucis supplémentaires. En plus de mon nouveau statut de célibataire et les multiples questions que me poseraient mes amis.
Le week-end qui suivit se passe plutôt tranquillement. Mes kidnappeurs n'avaient donné aucun signe de vie d'après Jaod, et les recherches de Théa s'étaient montrées nulles. Pour elle, ces mercenaires étaient bien entraînés. L'atelier de photo avait été vidé, signe qu'ils avaient changé de planque, et leurs activités suspectes semblaient s'être raréfiées. Pour les deux Eldaryens, ce n'étaient en aucun cas une bonne nouvelle.
Quand à moi, j'avais pu me reposer. Zoé était venue passer aux nouvelles, et nous avions finit par passer la journée à manger des cochonneries et à regarder notre série préférée. Bien sûr, je n'ai pas pu éviter un interrogatoire, mais cela m'a fait du bien de pouvoir me confesser. Ressasser notre histoire m'avait fait monter les larmes aux yeux, mais je m'était fait à l'évidence que c'était, au final, la meilleure solution.
Lorsque je rentrais dans le lycée lundi matin, à mon soulagement, Ethan n'était pas dans les alentours. Zoé m'accueillit chaudement, ainsi que Sam et Alexia. Ils me demandèrent simplement comment j'allais, je leur répondit brièvement, sentant le stress monter en moi au fur et à mesure que l'heure de la première heure de cours approchait. Et le moment que je redoutais ne mit pas longtemps à arriver.
Il restait trois minutes avant que la sonnerie ne retentisse quand Ethan passa le portail d'entrée. Avec mes amis, nous avions commencé à nous rapprocher des salles lorsqu'un des coéquipiers d'Ethan appela Sam. Nous nous retournions tous les quatre par curiosité. Et je me figeai net lorsque je croisai le regard de mon ex. Il avait aussi mauvaise mine que moi, et je vit dans ses yeux que je n'étais pas la seule à légèrement paniquer à l'intérieur. Nous nous regardâmes quelques instant lorsque Zoé me prit le bras pour me faire aller en cours.

– On va y aller.
– Excusez-moi, les filles, je vais voir Ethan...
– Est ton meilleur ami. Ne t'inquiète pas, je comprends.

Sam nous sourit en guise de remerciements puis partit en direction d'Ethan et sa clique, tandis notre trio féminin rentrait dans le bâtiment. Et c'est ainsi que le reste de la journée se passe. Aidée des filles, nous avions passé nos temps de pause à éviter mon ex et ses potes, tantôt restant en salle de cours, tantôt se réfugiant dans une cage d'escalier.
Malgré mon cœur en peine, je réussi à passer une journée plutôt agréable, de même que tout le reste de la semaine, surtout grâce aux filles. Et lorsque je quittai le lycée à 18h, c'est apaisée que je quittais mes deux amies et que je repris le chemin de la maison.
À ma grande habitude, j'enfonçais les écouteurs dans mes oreilles et enclencha la dernière musique restée en suspens... Pon de replay... Je me laissai doucement entraîner par le rythme de la chanson, tandis que je sentis une présence non loin de moi. Je tournai le tête de droite à gauche, pour apercevoir Théa, qui avait délaissé sa combi moulante pour un slim et une chemise, marcher en parallèle sur le trottoir d'en face. Je lui fit un signe discret de la main pour lui signaler que je l'avais vu. Elle répondit par une hochement de tête tout en continuant son chemin.
Au vu du temps radieux pour la saison et du léger sentiment de quiétude qui m'envahissait, je ne mit pas longtemps à rentrer à la maison, tandis que Théa reprit ses activités habituelles. Je rentrais donc dans la maison, et partit directement voir mes grands-parents, qui se trouvaient le jardin en train de prendre le thé. Je leur claqua une bise sur la joue tandis qu'il me demandèrent comment s'était passée la reprise.

– Bien, avec les filles on a réussi à éviter Ethan autant que possible. Je me sens pas prête à lui faire face devant tout le monde. Et puis, ça m'insupportais de sentir les regard des autres sur moi.
– Ne t'inquiète pas, ma puce... le temps va faire son affaire, ça va être dur au début, mais après, ton cœur sera apaisé.
– Merci Mamie, c'est gentil. Au fait, ce soir avec Zoé on va se faire un ciné, donc ne vous étonnez pas si vous entendez quelqu'un rentrer un peu tard.
– Ne faites pas trop les folles après...
– C'est le week-end, et puis j'ai besoin de me changer les idées.
– Alors file !

Je commençais à rentrer de nouveau dans la maison quand mon grand-père m'arrêta.

– Tu sais Jynn, on est content de te voir de nouveau comme ça. Avec les derniers événements, on avait peur que tu te laisses aller.
– Ne t'inquiète pas, Papy. Avec vous sur mon dos, ça va être difficile !
– Non mais !

Tandis que mes grand-parents me sermonnaient gentiment, je détalai dans ma chambre me mettre dans des vêtements plus tranquille, et j'optai pour une robe mi-longue noire avec une paire de bottines plates. Je passais par la salle de bain me faire un brin de toilette, me remaquillai et pris la direction du couloir non sans attraper ma veste en jean favorite.
Je sortis dans la rue et me dirigeai vers l'abri de bus. Zoé habitait au nord de la ville, le quartier le plus festif. Et nos sorties ciné se soldaient souvent par une virée dans les bars, et si l'ambiance y était, une party en boîte de nuit.

La passeuse d'EelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant