Dans mon malheur, j'ai tout de même un peu de bol.
J'ai passé en revue mon équipement. Mon extracteur de poche, ce merveilleux couteau-suisse offert par Pili, est indemne ! Du moins pour ses deux fonctions principales : si l'envie m'en prend, je peux encore collecter des ressources utiles dans la nature, et je pourrai sans doute effectuer quelques menues réparations sans trop suer.
Par contre, le scanner a été broyé à l'impact, j'ai retrouvé sa visière à cinq mètres de ma bitza. Ça va être dur de savoir ce que je peux ramasser et grailler sans crainte... Ma combinaison est toujours active, j'en suis ravie, ses capteurs sont opérationnels, mais il va falloir la rafistoler ici ou là, histoire que son étanchéité dure quelques jours de plus... Et que je survive aussi grâce à elle.Il fait une chaleur atroce, sur ce caillou. J'ai l'impression d'avoir atterri dans un four. Le sol part en fumée — au sens propre ! En journée, des volutes verdâtres s'échappent des rochers. Et mieux vaut ne pas regarder en l'air : le ciel vous crame la rétine, tellement il est lumineux. Je suppose que cette planète doit être proche de son étoile. Trop proche pour moi. Ma combinaison indique une température de plus de soixante-trois degrés Celsius à la mi-journée ; les capteurs passent leur temps à hurler. Ils en ont marre qu'on les confonde avec des œufs sur le plat.
Autour de moi, le terrain est escarpé, ce qui fait que, pour ce premier jour, je ne me suis pas éloignée de mon épave. Ça m'a donné une excuse valable pour pousser son diagnostic un peu plus loin. Le propulseur de décollage est celui qui a le plus souffert à l'impact. Je ne suis pas prête de quitter ce trou. Plusieurs fuites au réservoir sont à déplorer : je n'ai plus une goutte de carburant. Et bien entendu, mon canon de minage, qui ne me sert pour ainsi dire à RIEN au sol, n'a récolté aucune égratignure. En marge du bolide, j'ai récupéré une de mes caisses à outils et cinq rations d'urgence. Toujours ça de gagné.Je tape du talon en admirant le paysage découpé au hachoir : un son métallique en ressort. Un coup d'extracteur dans le gravier me confirme le diagnostic : la roche est majoritairement ferrique, et les pourcentages sont élevés, très élevés. Je suis tombée sur l'Eden des mineurs. Au loin, des pitons d'une hauteur raisonnable scintillent de mille feux : peut-être un gisement d'or à ciel ouvert ?
La nuit tombe d'un coup sur la plaine rocheuse ; les températures ne baissent pas d'un poil et sous mes pieds, le sol reste fumant, mais il prend une teinte sombre, presque rouge. Les nuages sont noirs et striés sur fond rose ; ça me rappelle les six genoux cagneux de ce bon Pili. J'entends des caquètements lointains, mais je ne suis pas pressée de rencontrer les bestioles qui les produisent. Je me réfugie dans l'habitacle de ma bitza et, autre bonne nouvelle du jour, le système de régulation thermique fonctionne ! Moi qui croyais jusque-là que le choc avait altéré son étanchéité... En fait, il n'y a que les capteurs qui ont dû déguster. Les traces sur la vitre, ce sont d'anciennes rayures et un peu de saleté, rien que je ne puisse m'autoriser à ignorer.
Ah ! J'apprécie le climat tempéré, je vais pouvoir dormir tranquille en désactivant ma lourde combi d'exploration.Sous la lumière d'une lampe torche, je m'occupe d'elle, justement. Coutures au niveau du dos et des mollets, vérifications des réservoirs d'eau et d'oxygène, nettoyage des capteurs... Je suis parée pour ma balade du lendemain. En attendant, j'avale une des rations d'urgence et je rends l'antenne.
Cassy - DU. 16-1308 - T° : 61°C (ext.) / 19,3° C (int.) - Loc. : ???
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Echos stellaires
Science FictionJournal de bord de Cassy, une baroudeuse de l'espace qui vient de se crasher sur une planète inconnue. Ill. de couverture : Lars Kristensen