Bien ! Grâce à l'héridium, j'ai fait reluire ma bitza comme il se doit. Les propulseurs sont presque comme neufs — oui, presque, parce que le bolide en a connu des vertes et des pas mûres depuis mon départ... Je vous bobarderais si je vous disais que j'avais réussi à faire disparaître tous ses bobos d'antan. Cette bitza, elle a des rayures et des cicatrices qui ne partiront jamais, comme sa propriétaire. Et c'est mieux comme ça.
Bref, les réacteurs de décollage vrombissent joliment ; un ronron comme je les aime, très ronflant, s'en échappe. Dès que j'aurai chopé un peu de carburant, ça va déménager, je vous le dis ! Un petit coup de rayon phasique dans le piton doré, je fourre tout l'or dans la soute, et hop, je décolle de ce trou à rats.
En parlant de rats... Si j'allais zieuter un peu ce qui batifole dans la plaine d'à côté, hein ? Jusque là, je m'en suis passée, mais il va bien falloir que je récupère quelques isotopes carbonés, et quoi de mieux que des bestioles pour ça ? Quatre jours que je suis là, les niveaux de ma combi et du système de survie sont dans le rouge. Si j'attends encore, je vais cuire à l'étuvée, comme un ravioli. Ce serait trop bête.
Je m'avance donc dans la plaine, en sautillant presque de joie d'avoir retrouvé mes réacteurs. Les bestioles sont là, à pousser toujours les mêmes caquètements qu'au premier jour, et à sucer des cailloux ferreux au milieu des bosquets de palmiers-raquettes. Même sans scanner, je comprends vite que ce sont des animaux craintifs. Il me suffit de faire quelques pas dans leur direction pour que le troupeau s'affole. Ce sont des quadrupèdes, avec des pattes fragiles et une trogne en X. Oui, en X, comme un chromosome. Leurs yeux sont ronds comme des billes, épinglés là où devraient se trouver les télomères. Vraiment zarbi.
Le pompon, c'est leur peau, lisse et miroitante sous ce foutu soleil trop chaud pour être vrai. Peut-être bien que ça leur permet d'échapper à ses rayons ? Ils me font de la peine, à vivre dans cette fournaise sans rien d'autre à becqueter que cette horrible végétation et ce sol ferreux. Tiens, qu'est-ce que c'est, là, au milieu d'eux ?
Mais... Mais c'est un de mes caissons ! Oh bah... Dans la chute, le verrouillage de la soute a sauté. Du coup, j'ai semé du lest, plusieurs kilos de cargaison se sont fait la malle. Pili n'a jamais voulu me dire ce qu'on transportait, mais vu la somme qu'on a reçu tous les deux avant départ, je me suis dit que le contenu devait être sensible. J'aurais pas cru retrouver un caisson aussi loin de mon lieu de crash, n'empêche. Bon, je crois que plus personne ne m'en voudra de jeter un oeil, désormais ? Voyons voir ce qu'il y avait là-dedans...
De... de l'équipement d'exploration ? Scanners, visières, modules de survie par grand froid et pluies radioactives — tout à fait approprié pour ma situation — et... et c'est tout ?!
C'est pas possible. On nous aurait pas filé autant de biftons pour une cargaison aussi plate. Ça n'aurait même pas intéressé ma Granma pendant ses années de cleptomanie ! Ou alors... Ou alors Pili m'a mené en bateau. Il s'est barré avec la totalité du chargement et m'a laissée avec des rognures d'ongles sur les bras. Mais... pourquoi il aurait fait ça ? Pourquoi il m'aurait bobardé, moi ?
Bon sang... j'y réfléchirai plus tard. Pour l'instant, profitons-en : je récupère un scanner et une visière en bon état, je fais le plein niveau modules. Et je me charge du carburant.
J'arme mon laser et je dégomme un groupe de palmiers-raquettes plutôt que de m'attaquer à la faune. Ça prendra plus de temps, mais tant pis. J'ai pas le cœur à abattre des bestioles qui ne m'ont rien fait (et qui n'ont visiblement pas eu de chance avec la grande loterie de l'univers).Cassy - DU. 16-1608 - T° C : 64,2° C (ext.) - Loc. : ???
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Echos stellaires
Science FictionJournal de bord de Cassy, une baroudeuse de l'espace qui vient de se crasher sur une planète inconnue. Ill. de couverture : Lars Kristensen