Prologue

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Pluckley, le village le plus hanté d'Angleterre. Ne me demandez surtout pas comment j'ai fait pour atterrir là-bas, je ne le sais pas moi-même. Je me rappelle avoir reçu une lettre, cette lettre qui signa mon arrêt de mort. Une convocation, j'avais reçu une convocation me demandant de me rendre à l'aéroport de Londres afin qu'une voiture ne m'emmène sur les lieux. J'avais déjà entendu parler de cette histoire, seulement quelques personnes dans le monde ont le droit d'accéder à ce « jeu ». Oui, c'est un jeu, un peu comme les Hunger Games. Je ne sais pas pourquoi ils font ça, surtout que l'année précédente, j'ai perdu un proche dans cette histoire, ma sœur.

En fait, ils piochent une vingtaine de noms chaque année pour les envoyer là-bas, nous observant comme de vulgaires animaux. J'ai mené une petite enquête à ce sujet, tout est calculé, métrisé et surtout, organisé. Je n'ai jamais vu ça. Le monde dans lequel nous vivions est bien différent de celui d'il y a quelques années, maintenant, la cruauté et la méchanceté gratuite sont les maîtres mots de ce bas monde. Les jeux sont visibles par tous les habitants du monde, durant une session de 30 jours, et cette année, cela se déroulera au mois de juin. Les mois varient en fonction de l'humeur des organisateurs, mais cela n'en reste pas moins dangereux.

Cela fait six ans que j'observe les jeux à la télévision, regardant les gens tomber petit à petit dans la folie et dans l'oublie. J'en suis malade. Les derniers jeux datent d'octobre, le mois où j'ai perdu ma sœur après l'épreuve de la forêt. Durant cette période de 30 jours, les candidats passent plusieurs tests comme des simulations, des épreuves de courage et l'épreuve de la forêt qui consiste à survivre dans une forêt hantée durant deux semaines. La plus dure. Ma sœur c'est suicidée en direct, à un jour de la fin, ne supportant les voix qu'il y avait dans sa tête. J'étais encore avec mes parents que cela est arrivé, ils ne s'en remettent toujours pas et j'ai peur de leur annoncer que je suis à mon tour sélectionnée.

A mon avis, les jeux sont nés d'un accord entre un fou d'Hunger Games, un mordu d'American Nightmare, et un taré de Divergente. Je ne vois pas d'autre explication. Ou alors c'est un gars complètement pété qui a, durant une nuit de fête, de créer ce jeu absurde. Enfin bon, ce n'est pas six ans après que le monde ait sombré dans la folie que je vais, moi, une jeune lycéenne, le changer. Le monde est une cause perdue que personne ne peut sauver, même Dieu n'y peut rien, cet incapable de Dieu. Je me permets de l'insulter parce que je n'y crois pas, ce Dieu dont tout le monde parle n'existe pas car s'il était présent, il n'aurait pas laissé un truc pareil se produire, il aurait sauvé ma sœur ainsi que toutes ces victimes innocentes. Vous pouvez me traiter de tous les noms, je m'en tape complètement, rien à foutre. Vous voulez savoir pourquoi je m'en balance ? Parce qu'à cause d'eux, mon rêve glisse entre mes doigts sans que je ne puisse le rattraper. Je n'aurai même pas mon bac de français, et surtout, si je ne survis pas, mes parents ne vont pas supporter le fait d'avoir perdu leurs deux enfants. Je me dis que je vais survivre, mais pas pour eux, pour moi, pour mon avenir.

J'habite à Manchester, et si vous vous demandez pourquoi je ne peux pas passer mon bac de français, c'est que je suis dans un lycée français. Je suis française mais j'ai été contrainte de déménager ici lors de mon entrée en troisième. Je vais, si je survis, passer en terminale. C'est inhumain de faire ça à des enfants de nôtre âge mais le règlement, parce que oui, il y a un règlement, interdit aux joueurs de seize ans de participer. J'ai fêté mes seize ans un mois après le décès de ma sœur. Lorsque nous passons la barre des seize ans, la peur nous habite durant des années et des années en attendant que nôtre nom soit tiré, ce qui arrive dans quatre-vingt-dix pourcent des cas. Passé les cinquante ans, le jeu s'arrête pour nous. C'est horrible, je le sais. Les seules personnes dispensées de ça sont les handicapées et encore, certains handicapés peuvent jouer.

Mes parents, enfin ma mère, a été dispensée de tout jeu puisqu'elle est atteinte d'une maladie neurologique, ce qui la cloue dans un fauteuil roulant. Mon père, quant à lui, travaille comme technicien pour l'entreprise qui fournit les équipements, donc il est également dispensé. C'est la première fois de ma vie que je souhaiterai être à la place de ma mère pour ne jamais avoir à entrer à Pluckley mais je ne peux pas, je suis en parfaite santé si on oublie mes quelques problèmes mentaux. Depuis que ma sœur est morte, j'ai de nombreux tocs qui sont apparus, je suis parano et assez étrange. Au lycée, on me considère comme une aliénée à cause de ça. Honnêtement, j'en rigole parce que moi aussi je me considère de la sorte, je ne suis pas comme les autres et je n'ai pas honte de le dire. Je vois un psy, d'accord, je prends des médicaments pour m'apaiser et calmer mon anxiété, où est le problème ? Je n'ai jamais supporté les gens qui disent que nous devons tous rentrer dans une case, moi je suis dans celle des fous qui ont perdu un proche suite au jeu. J'avais arrêté les médicaments et les séances chez le psy, me sentant nettement mieux, je pense que je vais devoir reprendre puisque mon anxiété est revenue au pas de course après la lecture de la convocation.

Cette lettre a gâché ma vie, et même si je survis, rien ne pourra plus jamais enlever les images de ce que j'aurais vu de mon crâne. C'est rares quand plusieurs survivants tiennent un mois mais la plupart du temps, ils finissent en asile et se suicident peu de temps après, ne supportant pas le fait de se sentir observé. J'étais présente lorsqu'un drame de ce genre c'est produit, j'étais partie voir une dame âgée avec qui j'adore passer du temps, mais il se trouve que deux chambres après, un homme a mis fin à ses jours en hurlant qu'il ne verrait plus ce spectre fantomatique l'observer durant son sommeil. Je suis entrée dans la pièce, avant les employés et bien entendu, je suis ressortie aussi sec, l'estomac en vrac. Je n'ai jamais vu autant de sang et je ne savais pas que le corps humain pouvait autant en contenir. Affreux.

A partir de maintenant, je suis seule avec moi-même, seule contre la nature, les autres, le paranormal. Autant vous dire que je suis morte de trouille mais il est désormais trop tard pour reculer, de toute façon, il est impossible d'abandonner. Avant de partir, mes parents m'ont fait promettre de croire en personne et de toujours rester seule ou de me servir des autres pour survivre. Je le faisais déjà avant. Ne faire confiance en personne et toujours avancer seule, ce que je fais depuis ma naissance. C'est que je croyais faire.

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Survival GameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant