Le Journal D'une Blune

13 octobre

- Je vais mourir.

Laurel me lance un drôle de regard. C'est une des filles de ma classe que j'apprécie vraiment. Et aussi la fille la mieux goalée que je connaisse , mais ça c'est autre chose. Je l'apprécie vraiment , sauf quand elle me regarde agoniser sans rien faire.

- Mais non , tu dois respirer quand tu cours , t'as juste pas encore trouvé ton rythme ma chérie.

Pour ce qui est de trouver mon rythme, je ne comprends vraiment pas , c'est la 7 ème année que je fais de l'endurance en cours de sport. Et en 7 ans j'ai jamais trouvé mon rythme. Mes muscles ne brûlent pas , je fais pas mal de sport , mais mes poumons se déchirent dans ma poitrine. Et c'est le même problème dès que je veux faire du cardio. Pourtant en sprint , même si je ne suis pas très rapide , j'ai trouvé mon rythme , je respire en quatre temps puis expire en 4 temps. Impossible de trouver cette harmonie en endurance. Mais pour respirer je respire , j'hyperventile même. Aucun problème. Mes poumons reçoivent l'air mais pas mon cerveau , bizarre le truc. Et puis de toute façon , qui à inventé l'endurance ? Et qui a inventé les cours de sport de deux heures d'affilé? Si vous voulez mon avis ils étaient de mèche. C'est pas possible autrement.

- Mais de toute façon c'est injuste , nous on fait du sport de merde en extérieur alors que les TS il font badminton. Badminton ! À l'intérieur ! Alors qu'on se les caille ici.

Je suis révoltée. Et comptez sur moi pour en faire des tonnes , je suis une super tragédienne dans mon genre. Sophocle n'a qu'à bien se tenir.
Notre terrain de course au lycée est en fait une piste qui fait le tour du gymnase principal. Ce gymnase étant entièrement vitré, les deux ou trois classes qui ont cours de sport en même temps se moquent les unes des autres. Comme si s'humilier devant sa propre classe ne suffit pas. La plupart du temps les classes qui font cours en extérieur sont les plus moquées , surtout quand il pleut comme aujourd'hui. Foutu mois d'octobre.

- Je vais régler le problème et arrêter de venir , je veux dire le bac de sport c'est pas un contrôle continu ,si ? Et puis aucune chance que je m'améliore d'ici la fin de l'année. Je veux dire , on à même pas de douche merde !
- Le cours se porte de toute facon mieux sans vous et votre mauvaise volonté mademoiselle Clavel.

Je me retourne pour me retrouver devant une grosse masse rougeâtre qui sent la cigarette. C'est mon prof de sport , monsieur Patoni , une vrai pub pour la vie saine le mec.

- Juste pour vous faire plaisir je vais finir mes tours de piste monsieur .

Grand sourire à la Morgane et hop c'est reparti, ff , ff , ff , on respire , ff , ff ,ff.

*

- Alors ma chérie , ta journée ?
-Aujourd'hui j'ai eu sport.
- Super ma chérie.

C'est le seul truc que j'ai dis au dîner. Je l'avais placé entre deux conversation de mon frère et de ma mère sur la fourrure synthétique et le nouveau film avec Bradley Cooper. On ne m'a plus sollicité du dîner. C'est une preuve irréfutable. Vous voyez monsieur Patoni ? Tout le monde s'en fou du sport.

*

Après diné j'ai Lucie au téléphone pendant 40 minutes. Enfin c'est plutôt elle qui m'a au téléphone. Je veux dire c'est comme si elle passait sa main dans le combiné et qu'elle m'attrapait le col pour me maintenir l'oreille collée au combiné.
Je résume le truc : son copain avait apparement fait une crise jalousie et comme elle essayait d'arranger les choses , elle n'allait pas lui crier dessu. Elle préférait crier sur moi en parlant de lui.

- ... vraiment abusé , comme si c'était de ma faute .. venu me parler.... ignorer. Non mais vraiment !
- hum hum.
- J'y croyais pas , je te jure !
- hum hum.
- Bon je te laisse , rendez vous à neuf heure au tramway demain ?
- hum hum.
- Ciao.

Lucie est ma meilleure amie depuis dix ans environs. Elle est fine et musclée la ou je suis plus molle. En dix ans j'ai appris que quand elle est énervée elle a plus besoin de quelqu'un qui écoute que de quelqu'un qui donne son avis en interrompant son discours frénétique. Le reste de nos conversation ressemble plus à des conversations normales entre filles. Tout le monde s'interrompt tout le temps pour donner son avis et à la fin tout le monde à oublié ou il voulait en venir au départ.
Là où Lucie et moi nous complétons , ce qui m'a principalement rapproché de Émilie au départ c'est notre franc parler commun et notre temps ,relativement long , pour faire confiance aux gens. A nous trois on forme un trio de choc.