Chapitre 3

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Emilia était repartie frotter son bar avec son vieux chiffon usé par le temps et l'utilisation intense, tout en gardant un œil protecteur sur l'écrivain en herbe qui griffonnait sur un carnet noir. Il inscrirait une liste de petites choses à introduire à son roman, bien qu'il n'ai pas encore les idées principales. Mais il était sûr qu'elles viendraient avec le temps. Parler avec Sophia et son demi frère - il ne s'y faisait toujours pas que ces deux la puisse être parents- l'avait beaucoup aidé. Si il continuait ainsi, il arriverait certainement à tirer les grandes lignes, puis toutes les fils de son récit. Grâce à cette gentille barmaid, il avait compris une chose : il ne fallait pas sous estimer la sociabilisation.

Il est vrai qu'Andrew était arrivé ici, dans l'unique but de finir un manuscrit inéxistant, et faire ça sans fioritures. Comme ces grands clichés d'écrivains, penchés sur leur ordinateurs jour et nuit, mangeant quand ils y pensaient et vivant cloîtré chez eux, et si possible dans un lieu magnifique. C'est aussi en partie pour ça qu'il avait accepté de venir chez sa tante, dans l'espoir de trouver en cette campagne ce fabuleux cliché. Il aurait aimé trouver directement une idée d'histoire en arrivant dans ce cadre propice, s'installer à cette table, sortir son ordinateur et écrire jusqu'à ne plus s'arrêter, à en avoir mal aux mains, aux poignets, aux cervicales et au dos. Cela aurait été la douleur du bonheur, de l'espoir. Mais après des mois de page blanche, même le carde du parfait village rustique et le calme des habitants n'avaient pas suffi à le guérir de son grand vide, ce mal qui le rongeait chaque jour un peu plus comme pour le rendre fou, sa non-inspiration. Ses doigts, eux, s'impatientaient de ne pas bouger durant des jours entier, mais son cerveau restait bloquer. Il aurait aimé déverser son génie et les laisser glisser sur son clavier, mais il n'y arrivait pas, il restait bloqué et frustré.

Mais maintenant qu'il avait compris l'importance et le pouvoir si fort de la discussion, il n'était plus si sûr que ce cliché soit vraiment productif, il apercevait enfin de nouvelles façons de voir les choses. Il avait maintenant envie d'aller de lui-même à la rencontre de tous ces habitués, bourrés de ce qui pour lui était une source d'inspiration. Toutes ces personnes qui possédaient sans le savoir une richesse inouïe, un trésor caché, qu'il allait pouvoir trouver pour déterrer du fond de leur âme, pour faire d'eux, des gens banals, des gens extraordinaires, ce livre ne sera pas le sien, se sera celui de tout un village ! L'auteur aspirant était convaincu que son futur bouquin allait être un chef-d'œuvre comme jamais il n'y en avait eu auparavant.

Motivé par ce soudain élan de conviction, il voulait se mettre à l'œuvre directement. Mais Andrew savait que pour débuter, il lui fallait des basses solides sur lesquelles il pourrait se reposer, des notes sur tous ces gens accoudés au bar, des références sur ces hommes discutant au fond du restaurant ou encore des annotations sur ces amateurs de musique qui passaient leurs journées à mettre des pièces dans le vieux Jukebox. C'est un homme déterminé qui s'installa auprès des buveurs de bières, tout à fait ravis de voir de nouvelles têtes dans leur bar, même si tous n'étaient pas du même avis, comme Maurice. Le vieil homme regardait le jeune auteur d'un œil méprisant, il ne l'aimait décidément pas.

« Bonjour ! Je m'appelle Andrew Clive, je suis écrivain et j'aimerais beaucoup que vous me parliez de vous ! lança-t-il enjoué.

_ Ne t'emballe pas petit ! Commence donc déjà par une bière. »

L'homme qui venait de parler, était quelqu'un d'âge mûr, les cheveux grisonnants et à la moustache bien marquée. Il fit signe à Emilia, qui s'était rapprochée, intéressée et heureuse de voir, son protégé suivre ses conseils et faire un pas vers les autres. Elle donna sa bière à Andrew et écoutait l'échange des deux hommes et continuait distraitement d'astiquer son comptoir déjà brillant.

«  Je n'ai pas grand-chose à te dire, mis à part que mon nom est Jules Posak ,que j'ai une merveilleuse femme grâce à laquelle j'ai vécu les plus beaux moments de ma vie et qui m'a offert trois enfants, que j'ai élevé des cochons toute ma vie, mais que bien quelle fut heureuse, je n'ai rien vécu d'extraordinaire. Ni typhon, ni tremblement de terre, aucun attentat, aucun meurtre ni trempé dans aucunes affaires suspectes et mon casier judiciaire est vide. Il y a vraiment rien mon pauvre. Je suis quelqu'un de banal, de vraiment heureux mais de banal. »

Chez JeanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant